Mirsulzhan Namazaliev, fondateur du Central Asian Free Market Institute à Bishkek, capitale du Kirghizistan, observe de près la situation politique de son pays. Il a répondu à nos questions par courriel.

1. Quelles sont les causes des tensions entre les Kirghiz et la minorité ouzbèke dans le sud du pays?

Tout le monde dans la région sait que l'un des points faibles du pays est les relations interethniques, notamment entre Kirghiz et Ouzbèkes dans le sud du Kirghizistan. Mais ce serait aller trop loin de dire que les événements sanglants des derniers jours découlent naturellement de ces difficultés interethniques.

Il y a différentes opinions concernant le déclenchement des événements. Certaines personnes pensent qu'il s'agit de la conséquence naturelle des tensions profondes entre les ethnies. D'autres disent qu'il s'agit d'attaques orchestrées par le clan Bakiev, notamment par Maksim, le fils du président déchu, et son frère Janysh. D'autres croient que des pays voisins, dont la Russie, ont intérêt à voir la situation être instable, puisqu'ils pourront stopper le processus de légitimation du pouvoir démocratique en empêchant la transformation du système présidentiel en un système parlementaire.

Je penche pour les deuxième et troisième hypothèses. Le clan Bakiev et la Russie ont tous les outils pour créer une telle situation. La violence que nous subissons est une provocation destinée à engendrer un chaos et bousiller l'occasion de changer la constitution.

2. La violence pourrait-elle s'étendre au reste du pays?

Normalement non. Si des troubles surviennent au nord du pays, le gouvernement provisoire sera encore plus affaibli, il pourrait perdre le pouvoir. Mais je ne pense pas que la guerre civile puisse s'étendre. Tout le monde est fatigué: on veut la paix.

3. Dans la capitale, quelle est le sentiment de la population?

C'est différent. Certaines personnes veulent aller à Osh ou Djalal-Abad pour aider les gens. D'autres, malheureusement, veulent aller se battre - mais ils sont très peu nombreux. Il y a des milliers de personnes à Bishkek qui envoient de l'aide humanitaire à la population de Osh, Kirghiz et Ouzbèkes, ou qui lancent des campagnes pour la paix. Je crois que dans cinq jours, tout sera sous contrôle du gouvernement provisoire de la république du Kirghizistan.