La pilote militaire ukrainienne Nadia Savtchenko, libérée dans un échange de prisonniers contre deux militaires russes mercredi après environ deux ans de détention en Russie, a affirmé dès son arrivée à Kiev être prête à se «sacrifier de nouveau» pour l'Ukraine.

«Je suis prête à me sacrifier de nouveau sur le champ de bataille pour l'Ukraine», a-t-elle lancé, l'air fatigué, devant la foule de journalistes qui l'attendaient à l'aéroport Borispil de Kiev. «Un grand merci à tous, car vous vous êtes battus pour moi. (...) Si les gens n'avaient pas pris la parole, les hommes politiques se seraient tus. Alors un grand merci à tous», a ajouté cette femme connue pour son esprit frondeur.

La jeune femme purgeait en Russie une peine de 22 ans de prison pour complicité dans le meurtre de deux journalistes russes dans l'Est séparatiste de l'Ukraine.

Peu avant l'annonce de sa libération, l'avocate d'un des deux militaires russes présumés détenus en Ukraine avait annoncé leur libération, suite à une amnistie.

Les deux hommes, Evgueni Erofeïev et Alexandre Alexandrov, «ne se trouvent déjà plus en Ukraine, ce qui signifie que l'amnistie a eu lieu. Ils ont déjà franchi la frontière ukrainienne», a déclaré à l'AFP Oxana Sokolovska, l'avocate de M.Erofeïev.

Présentés par Kiev comme appartenant au GRU, les services de renseignements de l'armée russe, ils avaient été condamnés en avril à 14 ans de prison, reconnus coupables d'avoir combattu aux côtés des rebelles prorusses contre l'armée ukrainienne dans l'Est.

Les Ukrainiens assurent qu'ils sont des soldats d'active de l'armée russe, preuve, selon Kiev, de la présence de troupes russes dans la zone de conflit. Moscou, qui dément tout déploiement de son armée en Ukraine, assure qu'ils ont quitté l'armée russe en décembre 2014, plusieurs mois avant de venir en Ukraine.

L'idée d'un échange avec la pilote ukrainienne était évoquée depuis des mois.

Peu après la condamnation des deux Russes, les présidents russe Vladimir Poutine et ukrainien Petro Porochenko avaient ainsi parlé au téléphone de leur sort et de celui de la pilote ukrainienne, selon le Kremlin.

L'Ukraine est en proie depuis deux ans à un conflit opposant son armée à des séparatistes prorusses, soutenus militairement par la Russie selon Kiev et les Occidentaux, ce que Moscou dément.

Le conflit ukrainien a fait près de 9300 morts et plus de 1,5 million de déplacés depuis son déclenchement en avril 2014.

PHOTO GENYA SAVILOV, AFP

Le capitaine Evgueni Erofeïev (à gauche) et le sergent Alexandre Alexandrov (à droite), lors du prononcé de leur condamnation, à Kiev, le 18 avril.

Graciée par Poutine

Le président Vladimir Poutine a assuré mercredi avoir gracié la pilote Savtchenko à la demande de proches des victimes.

Nadia Savtchenko a été graciée par un décret de Vladimir Poutine signé mercredi et publié aussitôt par le Kremlin.

Selon des images diffusées par la télévision russe, Vladimir Poutine a rencontré au Kremlin la femme de l'un des deux journalistes, Ekaterina Korneliouk, et la soeur de l'autre, Marianna Volochina, qui lui avaient fait parvenir auparavant «une requête pour gracier Nadia Savtchenko».

«Je veux vous féliciter pour cette position et j'espère que de telles décisions, prises pour des considérations humanitaires, mèneront à un apaisement de la confrontation dans la zone du conflit et aideront à éviter de telles pertes», a-t-il poursuivi devant les deux femmes silencieuses.

Les deux journalistes russes, Igor Korneliouk et Anton Volochine, ont été tués par un tir de mortier en juin 2014 dans la région de Lougansk, dans l'est de l'Ukraine.

La pilote d'hélicoptère avait été condamnée à 22 ans de prison par la justice russe pour avoir indiqué à l'armée ukrainienne la position des deux journalistes russes.

Nadia Savtchenko a toujours nié ces accusations, assurant avoir été kidnappée par les rebelles prorusses avant la mort des journalistes puis livrée à la Russie.