La militaire ukrainienne Nadia Savtchenko a été condamnée mardi à 22 ans de prison par la justice russe au terme d'un procès qui l'a reconnue coupable de complicité pour le meurtre en juin 2014 de deux journalistes russes dans l'est séparatiste de l'Ukraine.

Le président ukrainien Petro Porochenko, qui s'est fait une priorité d'obtenir la libération de cette femme de 34 ans, a aussitôt proposé à Moscou de l'échanger contre deux agents présumés du renseignement militaire russe, détenus depuis plusieurs mois en Ukraine.

Au terme d'un procès long de six mois qui a aggravé les tensions entre la Russie et l'Ukraine, «la sentence définitive est fixée à 22 ans de privation de liberté», a déclaré le juge Léonid Stepanenko après l'avoir déclarée coupable de complicité dans le meurtre des journalistes russes Igor Korneliouk et Anton Volochine le 17 juin à Lougansk.

Connue pour son esprit frondeur, Nadia Savtchenko a jusqu'au bout voulu montrer aux juges qu'elle considérait le procès comme une farce politique jouée d'avance.

Celle qui avait adressé un bras d'honneur spectaculaire aux juges lors de la dernière journée d'audience a cette fois entonné d'une voix forte une chanson traditionnelle ukrainienne, recouvrant celle du juge au moment où il la déclarait coupable.

En plus des vingt-deux ans de détention, Mme Savtchenko a écopé d'une amende de 30 000 roubles (580$) «pour être entrée illégalement en Russie».

Avant l'annonce de sa peine, la pilote souriait et bavardait avec ses avocats et ses proches, remerciant ses soutiens d'être venus jusqu'au tribunal de Donetsk, petite ville russe à la frontière avec l'Ukraine.

Vêtue d'un t-shirt blanc orné de l'emblème national ukrainien, un trident fleuri, elle a écouté le verdict du juge, enfermée dans une cage vitrée dans la salle d'audience comme le veut l'usage en Russie.

Recours

Nadia Savtchenko a tout le long du procès rejeté en bloc les accusations de la justice russe, assurant avoir été capturée dans l'est de l'Ukraine par des rebelles prorusses avant que les journalistes ne soient tués par un tir de mortier dans l'est de l'Ukraine. Elle affirme avoir été ensuite livrée à la Russie.

Un de ses avocats, Mark Feïguine, a appelé sur Twitter à «manifester pacifiquement» contre un «verdict criminel».

L'avocat a également annoncé avoir «commencé une série de procédures internationales pour sa libération», dont une auprès du rapporteur de l'ONU pour les droits de l'Homme, bien que Nadia Savtchenko rejette tout recours ou appel.

«L'esprit de Nadia Savtchenko est plus fort qu'une centaine de tribunaux diaboliques du Kremlin. Elle sera libre!», a écrit sur Twitter le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk.

Son sort devrait être évoqué mercredi à Moscou lors de la visite du ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier et du secrétaire d'État américain John Kerry.

Sans attendre cette visite, le département d'État américain a qualifié mardi la condamnation de «criant déni de justice».

«Nadia Savtchenko n'a pas eu un procès équitable et sa condamnation est illégitime», a déploré pour sa part Hugh Williamson, le directeur Europe-Asie centrale de l'ONG Human Rights Watch.

Échange de prisonniers

Le président ukrainien Petro Porochenko a aussitôt annoncé qu'il était prêt à l'échanger contre deux Russes détenus en Ukraine.

Présentés comme appartenant au GRU, les services de renseignement de l'armée russe, le capitaine Evgueni Erofeïev et le sergent Alexandre Alexandrov ont été capturés en mai dans l'est séparatiste de l'Ukraine et sont actuellement jugés par Kiev, qui les accuse d'avoir combattu contre l'armée ukrainienne.

Interrogé par l'agence de presse russe Ria Novosti sur l'éventualité d'un tel échange, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a indiqué que la Russie «respecterait sa législation nationale» et que seul Vladimir Poutine déciderait en dernier recours.

L'affaire Savtchenko a cristallisé ces derniers mois le fossé qui s'est creusé entre Kiev et Moscou depuis l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie en mars 2014, suivie du déclenchement d'une guerre entre l'armée ukrainienne et des rebelles séparatistes prorusses dans l'est du pays qui a fait plus de 9000 morts.

Les accords de Minsk, signés sous l'égide de Berlin et Paris et censés régler le conflit entre Kiev et les rebelles, ont permis de mettre fin à la phase active des combats, mais sans avancée réelle du règlement politique.