Des centaines de manifestants ont réclamé dimanche, devant l'ambassade de Russie à Kiev, la libération de la pilote ukrainienne Nadia Savtchenko dont le procès touche à sa fin devant la justice russe, certains jetant des oeufs, brisant des vitres ou brûlant le drapeau russe.

La soudaine suspension jeudi, lors des dernières délibérations, du procès de la militaire ukrainienne de 34 ans, accusée du meurtre de deux journalistes russes dans l'Est de l'Ukraine, a ravivé les inquiétudes concernant son sort.

Sans attendre la reprise des audiences le 9 mars, la pilote, considérée dans son pays comme une héroïne nationale, a en effet entamé jeudi une grève de la faim et de la soif.

Après un rassemblement réunissant dans le calme plus d'un millier de personnes sur la place centrale de Kiev dimanche, plusieurs centaines de protestataires ont convergé devant l'ambassade de Russie, déjà victime la nuit précédente d'une dizaine de casseurs qui ont endommagé selon la police ukrainienne plusieurs véhicules.

Selon un journaliste de l'AFP sur place, certains ont alors commencé à jeter des oeufs sur le bâtiment, d'autres ont brûlé un drapeau de la Russie et dressé le drapeau ukrainien jaune et bleu sur le mur d'enceinte. Un mannequin représentant le président russe Vladimir Poutine avec la mention «assassin» a été installé.

Deux manifestants ont pénétré dans l'enceinte de la mission diplomatique et cassé des vitres.

«La situation est assez tendue», a confirmé le porte-parole de l'ambassade de Russie Oleg Grichine, joint par téléphone par l'AFP, indiquant avoir saisi le ministère ukrainien des Affaires étrangères.

Le chef de la diplomatie ukrainienne Pavlo Klimkine a indiqué sur Twitter «soutenir les manifestations et actions pacifiques en vue de la libération de Savtchenko». «Les Russes doivent cesser de tuer Nadia», a-t-il ajouté, appelant la communauté internationale à se mobiliser également.

«Pas du bluff»

Les Occidentaux ont multiplié en vain leurs appels à la libération de la pilote depuis son arrestation en juillet 2014, selon Moscou sur le territoire russe.

Mme Savtchenko conteste les accusations la visant et accuse les séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine de l'avoir capturée sur le territoire ukrainien et livrée aux autorités russes.

Son procès, qui se tient dans la ville russe de Donetsk, proche de la frontière ukrainienne, a été reporté jeudi de manière complètement inattendue, l'empêchant de prononcer sa dernière déclaration avant que le tribunal ne se retire pour délibérer.

Mme Savtchenko, très virulente lors des audiences concernant le rôle de la Russie dans le conflit qui a fait plus de 9000 morts dans l'Est de l'Ukraine, a aussitôt entamé une grève de la faim et de la soif. Elle a prévenu dans une déclaration écrite que toute tentative de la nourrir par force relèverait de la «torture» et interdit toute autopsie en cas de décès.

Son avocat Nikolaï Polozov a indiqué dimanche qu'elle était dans un «état satisfaisant».

Nadia Savtchenko avait déjà observé jusqu'en mars 2015 une grève de la faim de plus de 80 jours, mais c'est la première fois qu'elle se met également en grève de la soif.

«Nadia joue son va-tout. Ce n'est pas du bluff», a lancé dimanche à Kiev la soeur de la pilote, Vira Savtchenko, présente à la première manifestation qui s'est tenue dans le calme.

La pilote «est la principale militante contre le régime fasciste en Russie mené par Poutine», a déclaré à l'AFP le manifestant Iouri Melnitchouk, un Russe de 59 ans devenu réfugié politique en Ukraine. «Seule une ingérence des États-Unis et de l'Europe peut sauver Nadia».

En Ukraine, Mme Savtchenko a acquis le statut d'héroïne nationale après son incarcération en Russie où elle risque 23 ans de prison. Elle avait été symboliquement élue députée aux législatives de 2014, en tête de liste du parti de l'ex-première ministre Ioulia Timochenko, présente dimanche à la manifestation.

Le cas de la militaire ukrainienne fait partie d'un nombre croissant de désaccords entre Kiev et Moscou. Leur acrimonie mutuelle a abouti cette semaine à une impasse concernant l'organisation d'élections locales dans l'Est séparatiste demandées par les Occidentaux, lors d'une réunion jeudi à Paris entre les ministres des Affaires étrangères français, allemand, ukrainien et russe.

PHOTO SERGEI VENYAVSKY, AFP

Nadia Savtchenko