Les séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine ont annoncé mardi, conformément à la demande des Européens, le report à 2016 de leurs élections locales, une décision saluée par Kiev, les Européens et le Kremlin.

«Nous annonçons l'accord» des républiques autoproclamées de Donetsk (DNR) et de Lougansk (LNR) pour «reporter les élections prévues pour le 18 octobre et le 1er novembre à l'année prochaine», ont annoncé les émissaires de ces territoires dans un communiqué commun.

Kiev et les Occidentaux réclamaient l'annulation de ces scrutins que les rebelles entendaient organiser en application de leurs propres règles dans la zone de conflit.

Ce dossier faisait partie des questions épineuses abordées vendredi à Paris au cours d'un sommet ayant réuni le président français François Hollande, la chancelière allemande Angela Merkel ainsi que les chefs d'État ukrainien Petro Porochenko et russe Vladimir Poutine.

À l'issue du sommet, François Hollande avait souligné que ce vote ne devait pas avoir lieu.

Pour sa part, Vladimir Poutine, qui avait quitté Paris sans faire aucune déclaration, avait fait valoir au moment de ces négociations qu'il «ne pouvait parler» au nom des rebelles mais avait promis d'avoir des discussions avec eux sur la question, selon son porte-parole Dmitri Peskov.

Scepticisme à Donetsk

Cette décision «permet la poursuite de la mise en oeuvre de l'accord de Minsk qui est la seule solution à un règlement pacifique de la situation en Ukraine», a estimé le président français François Hollande dans un communiqué.

«Moscou a tenu la parole», s'est pour sa part félicité une source gouvernementale allemande. «Cela créé un espace pour l'organisation d'élections locales en conformité avec les accords (de paix) de Minsk» 2, qui prévoient le déroulement de tels scrutins conformément à la loi ukrainienne et en observation internationale, a ajouté une source au sein du ministère allemand des Affaires étrangères.

L'Union européenne a également salué le report des élections, le qualifiant de «grand pas en avant». «Cette annonce offre un nouvel espoir de règlement politique durable du conflit», a estimé une porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, dans un communiqué.

Le président Petro Porochenko a aussi salué la décision des séparatistes. «Cela ouvre la voie à un retour (de la souveraineté) de l'Ukraine dans le Donbass», a-t-il déclaré sur Facebook, tout en soulignant la nécessité de mettre fin à la présence de «troupes d'occupation» dans ces territoires, où la Russie est accusée d'avoir déployé ses soldats.

Le maintien d'élections séparatistes «illégales» aurait pu aboutir à «une reprise des hostilités et mettre fin aux accords» de paix de Minsk 2, a-t-il ajouté.

Fin 2014, un précédent vote en zone rebelle, non reconnu par Kiev et les Occidentaux, avait sonné le glas d'une première série d'accords de paix dits de Minsk 1.

Une nouvelle trêve a été décrétée le 1er septembre dans l'est de l'Ukraine où le conflit a fait plus de 8000 morts depuis son déclenchement en avril 2014. Pour l'heure, elle semble la plus solide, après plusieurs précédentes tentatives infructueuses.

Rebelles et forces ukrainiennes ont annoncé samedi avoir entamé le retrait de leurs chars de la ligne de front, qui doit être suivi de celui des pièces d'artillerie d'un calibre inférieur à 100 mm. Un porte-parole militaire ukrainien a précisé que Kiev comptait même achever mardi le retrait de ses chars dans la région de Lougansk.

Fait rare, le Kremlin s'est montré unanime avec les Occidentaux et les Ukrainiens, déclarant «saluer» le report des élections.

En revanche, plusieurs habitants de l'Est séparatiste interrogés par l'AFP se sont montrés sceptiques.

«Tant que nos territoires n'ont aucun statut (au niveau international, NDLR), les combats peuvent reprendre à tout moment et le report des élections ne garantit pas la paix», a déclaré à l'AFP Anatoli, un fonctionnaire prorusse de la DNR, refusant de donner son nom de famille.

Le report des élections «prouve une nouvelle fois que les rebelles ne sont que les marionnettes» de Moscou, a renchéri Vitali Moroz, un partisan de l'unité ukrainienne âgé de 27 ans.

François Hollande avait indiqué vendredi à Paris qu'une nouvelle loi électorale devrait être rédigée pour permettre d'organiser un vote «incontestable» dans les deux «républiques» autoproclamées, 90 jours après son adoption par Kiev, soit en 2016.

Un «grand pas en avant»

L'UE s'est félicitée mardi du report à 2016 des élections locales dans les territoires contrôlés par les séparatistes prorusses dans l'est de l'Ukraine, le qualifiant de «grand pas en avant» vers l'application intégrale des accords de Minsk.

«Avec le récent accord conclu sur le retrait des armes légères, cette annonce offre un nouvel espoir d'un règlement politique durable du conflit», a estimé une porte-parole de la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, dans un communiqué.

Ce report «permettra de correctement préparer» l'organisation de ces scrutins dans les zones tenues par les rebelles, les républiques autoproclamées de Lougansk et de Donetsk, a-t-elle ajouté.

«La mise en oeuvre» du report des élections «représentera un grand pas en avant en direction de la pleine application des accords de Minsk», a poursuivi la porte-parole. Ces accords, signés en février, prévoient un cessez-le-feu et une série de mesures socio-économiques pour surmonter le conflit, ainsi que la reprise du contrôle de la frontière russo-ukrainienne par les autorités de Kiev.

Les séparatistes avaient d'abord annoncé qu'ils tiendraient leurs propres scrutins le 18 octobre à Lougansk et le 1er novembre à Donetsk, sans tenir compte du calendrier électoral ukrainien.