À la veille d'une nouvelle réunion à Minsk mardi pour faire avancer la paix en Ukraine, en proie à un regain de violence malgré la trêve, des habitants de Donetsk ont réclamé la fin des bombardements dans ce fief rebelle prorusse, critiquant ouvertement, fait exceptionnel, la politique séparatiste dans l'est.

La réunion entre le Groupe de contact, composé de représentants de l'Ukraine, de la Russie et de l'OSCE, et les séparatistes prorusses, a été programmée alors que dans un entretien téléphonique, le secrétaire d'État américain John Kerry a réclamé lundi à son homologue russe Sergueï Lavrov que Moscou fasse appliquer le cessez-le-feu dans l'est, a indiqué le département d'État.

Parmi les plus de 200 manifestants rassemblés devant le siège du «gouvernement» de la République populaire autoproclamée de Donetsk (DNR), certains n'ont pas hésité à accuser ouvertement les rebelles de stocker des armes dans leur quartier et d'en faire ainsi une cible pour les soldats de Kiev.

Ces critiques rares émanant d'habitants du quartier Oktiabrski, situé près des ruines de l'aéroport qui constituent dans cette zone la ligne de démarcation entre les positions des rebelles et celles des troupes ukrainiennes, témoignent de la lassitude générale face à une intensification des combats ces deux dernières semaines laissant craindre une nouvelle escalade.

«Vous êtes là derrière notre dos !», «Nous sommes des boucliers pour vous !», «Honte !», ont ainsi crié plusieurs habitants, selon des journalistes de l'AFP sur place.

«On en a assez de cette DNR, assez qu'on nous défende. Nous voulons la paix», a souligné Tatiana, une femme de 50 ans.

D'autres ont au contraire accusé la DNR de rester inactive face à la poursuite des hostilités, l'appelant à déclencher une attaque sur les positions ukrainiennes à Piski et Avdiivka, deux localités situées près de l'aéroport, d'où proviennent les bombardements qui touchent leur quartier.

«Il faut que la DNR déclenche une offensive, pour que les forces armées ukrainiennes s'éloignent de notre quartier. C'est impossible de vivre depuis un an dans de telles conditions», a estimé Lena, 27 ans.

Les combats autour de l'aéroport de Donetsk ont commencé en mai 2014. Après des mois d'affrontements acharnés, ce qui reste de l'aéroport est passé sous le contrôle des rebelles, en janvier dernier.

«Ces deux dernières semaines, on ne sort presque plus de notre cave. On nous a abandonnés à notre sort», résume Irina, 32 ans.

Le «président» séparatiste dans la foule

Face à cette agitation publique très inhabituelle en DNR, le «président» Alexandre Zakhartchenko est lui-même venu à la rencontre des manifestants. Escorté par plusieurs gardes, il est resté environ une heure et demie dans la foule, répondant aux questions des habitants, notamment sur leur volonté d'obtenir des compensations pour la destruction de leur logement.

«Je ne peux pas vous promettre que les tirs vont cesser. Mais je peux promettre à ceux qui en ont besoin qu'ils seront relogés dans des dispensaires, des centres de santé et des foyers», a-t-il déclaré.

L'est de l'Ukraine a connu une flambée de violences début juin, lorsque les séparatistes ont déclenché une offensive, selon Kiev, sur Mariinka, ville aux mains des forces gouvernementales.

Les combats ont fait au moins 30 morts.

Depuis, leur intensité a largement diminué mais des incidents meurtriers ont encore eu lieu, frappant également des civils.

Selon l'administration de la ville de Donetsk, au moins 10 personnes ont ainsi été blessées au cours des dernières 24 heures. Et deux soldats ukrainiens ont été tués et 20 blessés dans le même temps, a de son côté affirmé  lundi le porte-parole militaire Andriï Lyssenko.

La mission de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a, quant à elle, indiqué avoir «vu et entendu 142 explosions ayant émané de plusieurs types d'armes» en 24 heures aux alentours Donetsk, dans un rapport publié samedi.

Kiev et les rebelles s'accusent mutuellement de ne pas respecter le cessez-le-feu, entré en vigueur le 15 février, après la signature des accords de paix de Minsk 2.

Avec ce récent regain de violences, les craintes d'une escalade dans un conflit qui a déjà fait plus de 6400 morts depuis son déclenchement en avril 2014 se sont renforcées, surtout que les efforts diplomatiques pour relancer le processus de paix prévu par les accords de Minsk sont pour l'instant restés vains.