Le président ukrainien Petro Porochenko a appelé lundi l'Europe à envoyer une mission de maintien de la paix dans l'Est rebelle prorusse de son pays où les tensions restent vives en dépit de la trêve, demande rejetée dans l'immédiat par l'UE.

«Nous espérons un renforcement du rôle clef de l'UE dans le processus de paix», a déclaré M. Porochenko en ouvrant le sommet. «L'Ukraine s'est adressée à l'ONU et l'UE pour demander une opération internationale de maintien de la paix dans notre pays», a-t-il poursuivi.

Le président du Conseil européen Donald Tusk a immédiatement douché ses espoirs. «Nous connaissons les attentes ukrainiennes, mais il est impossible d'envoyer une mission militaire» dans l'immédiat, cette question n'ayant pas encore été débattue par les 28 pays de l'UE, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse conjointe avec M. Porochenko et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

Les Européens ont bien reçu les propositions ukrainiennes à ce sujet, mais «à ce stade, nous étudions ces propositions en détail», avait expliqué à la veille du sommet un responsable européen sous couvert de l'anonymat.

Bombardements près de Marioupol

Selon M. Tusk, l'UE n'est prête pour le moment qu'à «envoyer le plus vite possible une mission d'évaluation civile» dans la zone de conflit afin d'examiner la «situation humanitaire». L'Ukraine, une ex-république soviétique de 45 millions d'habitants située aux portes de l'UE, est en proie à une grave crise économique et un conflit armé qui a fait plus de 6100 morts en un an.

Une médiation franco-allemande avait permis de conclure en février les accords de paix Minsk 2 instaurant un cessez-le-feu globalement respecté depuis plus de deux mois, mais cette trêve est très fragile et des combats isolés continuent d'alourdir le bilan des combats.

Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont rapporté lundi avoir été témoins du bombardement «le plus intense» depuis mi-février à proximité du port stratégique de Marioupol que les séparatistes désignaient comme leur prochaine cible, ainsi que la concentration de matériel militaire rebelle dans cette zone.

Pour sa part, l'armée ukrainienne a fait état d'un soldat tué et trois autres blessés ces dernières 24 heures.

Face à une situation explosive, Kiev ne cesse d'appeler les Occidentaux à lui fournir des armes létales pour faire face aux rebelles et à déployer une force de maintien de la paix - une mission policière de l'UE ou des Casques bleus de l'ONU - sur la ligne de front, mais aussi à la frontière ukraino-russe alors que l'Ukraine et les Occidentaux accusent Moscou de livrer des armes aux séparatistes et d'avoir déployé ces troupes sur ce territoire.

Le sommet Ukraine-UE lundi à Kiev est le premier organisé depuis la signature en juin dernier d'un accord d'association, dont le rejet par l'ex-président prorusse Viktor Ianoukovitch avait déclenché des manifestations à Kiev sur le Maïdan  débouchant sur la chute du régime.

Après la fuite en Russie de M. Ianoukovitch, Moscou a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée. La rébellion prorusse a suivi quelques semaines plus tard.

Des réformes qui tardent

Alors que l'Ukraine est sous perfusion financière des Occidentaux pour éviter la faillite, les Européens sont de plus en plus impatients de voir se concrétiser les réformes promises par les autorités prooccidentales, notamment sur la lutte contre la corruption.

«Vous avez un ennemi puissant (la Russie, NDLR), mais aussi beaucoup d'amis. Vous pouvez compter sur leur aide, mais cela ne suffira pas si vous ne changez pas l'Ukraine vous-mêmes», a déclaré M. Tusk aux journalistes après avoir posé une gerbe devant un monument à la mémoire de la centaine de manifestants tués sur le Maïdan.

«C'est à vous et seulement à vous, à votre Nation, à vos gouvernement et Parlement de faire le difficile travail de réformes», a-t-il insisté en conférence de presse.

Dans une déclaration conjointe, MM Porochenko, Tusk et Juncker ont énuméré une liste de tâches à accomplir par Kiev. Outre la lutte contre la corruption, on y trouve notamment une réforme constitutionnelle et judiciaire et la transparence du secteur énergétique et des finances publiques.