L'Ukraine a entamé le retrait des armes lourdes du front dans l'Est séparatiste où la trêve semblait globalement respectée, tandis que vendredi marquera le premier anniversaire de la prise par un commando prorusse du parlement de Crimée.

Cet épisode a été le premier pas vers le rattachement de la péninsule ukrainienne à la Russie, qui a précédé l'explosion dans l'est de l'Ukraine.

Malgré l'accalmie en cours, le bras de fer se poursuit entre l'Occident et la Russie et le Conseil de sécurité se réunira vendredi en urgence sur le conflit, ont indiqué des diplomates.

Cette session qui se tient à la demande de la France et de l'Allemagne est la première du Conseil sur l'Ukraine depuis que celui-ci a entériné le 17 février l'accord de paix de Minsk conclu entre la Russie, l'Ukraine, la France et l'Allemagne.

Sur le terrain, un journaliste de l'AFP a vu aux abords de la ville d'Artemivsk, à 55 km au nord du fief rebelle de Donetsk, au moins 15 canons tirés par des engins à chenilles, accompagnés de plusieurs dizaines de soldats ukrainiens se dirigeant vers l'ouest, s'éloignant de la ligne de front.

«L'Ukraine commence le retrait des canons de 100 millimètres de la ligne de démarcation», premier pas vers le retrait des armes lourdes qui va se faire sous la surveillance de l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), affirme l'état-major de l'armée ukrainienne dans un communiqué.

Cette première étape va prendre 24 heures et sera suivie du retrait de lance-roquettes multiples Grad et autres pièces lourdes, a précisé à l'AFP un porte-parole militaire, Anatoli Stelmakh.

De son côté, le dirigeant de la République populaire autoproclamée de Donetsk, Alexandre Zakhartchenko, a affirmé que ses forces avaient déjà «retiré 90%» de leurs armes lourdes.

Les séparatistes avaient montré mercredi à la presse ce qu'ils avaient présenté comme le retrait de ce type d'armes près de leur bastion de Donetsk, mais l'OSCE n'a pas été en mesure de confirmer qu'il s'agissait bien d'un retrait et non d'un mouvement habituel.

Le retrait des armes lourdes, prévu par les accords Minsk 2 signés le 12 février, était censé commencer dimanche. Mais Kiev avait jusqu'à présent fait savoir qu'il n'en était pas question avant le respect total du cessez-le-feu.

La trêve instaurée à partir du 15 février semble enfin tenir ces derniers jours, l'armée ukrainienne n'ayant aucun mort à déplorer pour la deuxième journée consécutive.

Les États-Unis ont relevé une «légère amélioration» dans le conflit, un premier commentaire positif de Washington depuis des jours, tout en dénonçant la poursuite de violations du cessez-le-feu.

Le conflit, qui a démarré après le renversement de l'ex-président prorusse Viktor Ianoukovitch par la contestation pro-occidentale du Maïdan, et après l'annexion de la Crimée par la Russie, a fait plus de 5800 morts en 10 mois.

Drones près de Marioupol

Malgré l'accalmie relative sur le front, les autorités de Kiev ont averti qu'elles étaient prêtes à «revoir le calendrier du retrait en cas de tentatives d'assaut» de la part des rebelles prorusses.

L'armée ukrainienne dénonce notamment une «concentration des troupes ennemies» près de Marioupol, port stratégique sur les bords de la mer d'Azov et dernière grande ville de l'Est rebelle sous contrôle de Kiev. Sept drones ont survolé la zone de Marioupol en 24 heures, selon Andriï Lyssenko, porte-parole militaire.

Un journaliste de l'AFP a entendu des échanges de tirs à l'arme automatique dans la ville de Tchermalyk, à 30 km au nord-est de Marioupol, où forces ukrainiennes et combattants rebelles se trouvent à un kilomètre de distance.

Marioupol, dont la prise serait une étape clé pour construire un pont terrestre entre la Russie et la Crimée, est considérée comme la prochaine cible potentielle des séparatistes après la prise la semaine dernière du noeud stratégique ferroviaire de Debaltseve, reliant les villes rebelles de Donetsk et Lougansk.

Les Occidentaux semblent peu convaincus de la volonté de la Russie, qu'ils accusent d'armer les rebelles, d'apaiser le conflit.

Selon le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, Moscou a transféré «dans les derniers mois plus de mille pièces» d'armements lourds dans l'est de l'Ukraine. Il a appelé Moscou à les retirer.

La Russie dément toute implication dans ce conflit. Et pour le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov les nouvelles menaces de sanctions, brandies notamment par le secrétaire d'Etat américain John Kerry, sont le signe de la «mauvaise volonté» des Occidentaux.

Sur le plan énergétique, le ton est aussi monté depuis que le géant gazier russe Gazprom a commencé la semaine dernière à approvisionner directement les zones sous contrôle des rebelles sans l'aval de Kiev.

La Commission européenne, qui craint qu'une rupture entre Kiev et Moscou n'affecte ses livraisons de gaz, a proposé aux ministres de l'Énergie des deux pays de se retrouver lundi à Bruxelles pour régler leur querelle. Kiev a déjà annoncé sa participation.

Moscou accuse les Occidentaux

Malgré une accalmie relative sur le front, les Occidentaux, et en premier lieu les Américains, semblent peu convaincus de la volonté de la Russie d'apaiser le conflit.

Accusé d'armer les rebelles de l'Est et de leur avoir envoyé des troupes régulières, Moscou dément toute implication dans ce conflit.

«Des mensonges», a lancé le secrétaire d'État américain John Kerry qui a accusé la Russie aussi bien que les séparatistes prorusses de ne pas respecter le cessez-le-feu en brandissant la menace de nouvelles sanctions contre Moscou, déjà lourdement frappée.

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a souligné mercredi que la question des sanctions pourrait être soulevée au niveau européen en cas d'attaque contre Marioupol.

«Derrière ces appels se cache la mauvaise volonté de ces protagonistes, les États-Unis et l'Union européenne, à chercher la mise en oeuvre de ce qui a été conclu à Minsk le 12 février», a répondu jeudi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, en soulignant qu'il n'existait «pas de cessez-le-feu idéal».

De son côté, le général américain Philip Breedlove a accusé la Russie d'avoir déployé dans l'est de l'Ukraine «plus d'un millier de véhicules de combat, des forces de combat, certaines des défenses anti-aériennes les plus sophistiquées, des bataillons d'artillerie».

Le ministre britannique David Cameron a évoqué l'idée d'exclure la Russie du système de paiement interbancaire Swift si Moscou continuait à «démanteler» l'Ukraine, annonçant également l'envoi d'instructeurs militaires pour conseiller et entraîner les troupes ukrainiennes.