Les autorités ukrainiennes ont demandé à l'Occident d'infliger une réponse «sévère» à l'égard de Moscou après l'entrée des rebelles prorusses dans la ville stratégique de Debaltseve, dont ils occupent une partie au prix de violents combats.

De son côté, le vice-président américain Joe Biden a mis en garde mardi la Russie, condamnant «fermement» la violation du cessez-le-feu dans l'est de l'Ukraine par des «séparatistes agissant de concert avec les forces russes», et mercredi, les ministres de la Défense de l'UE devaient se réunir à Riga en présence du secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg.

Dans un entretien téléphonique avec le président ukrainien Petro Porochenko, Joe Biden a affirmé que si Moscou continuait à violer les accords de Minsk, trois jours à peine après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, «le prix à payer pour la Russie serait plus lourd».

La violation du cessez-le-feu, entré en vigueur dimanche selon les accords de Minsk du 12 février, a été officiellement confirmée par les observateurs de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), ont noté les deux dirigeants.

A l'occasion d'un autre entretien téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel, M. Porochenko a dénoncé une «attaque cynique contre les accords de Minsk», demandant à l'Occident une réponse «sévère» pour «arrêter l'agresseur» selon un communiqué de ses services.

Le président ukrainien, qui doit s'entretenir avec le président américain Barack Obama, a par ailleurs exhorté le Conseil de sécurité de l'ONU à «ne pas permettre» l'éclatement d'un conflit «de grande envergure» aux portes de l'Union européenne.

Le Conseil de Sécurité a appelé dans une déclaration unanime les belligérants dans l'est de l'Ukraine «à cesser immédiatement les hostilités», les 15 pays membres, dont la Russie, demandant le respect des accords conclus à Minsk.

«J'espère que les autorités ukrainiennes ne vont pas empêcher les soldats ukrainiens de déposer leurs armes» ou les poursuivre en justice pour cette raison, a pour sa part déclaré le président russe Vladimir Poutine dans une conférence de presse avec le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, affirmant qu'il n'y avait pas de «solution militaire» au conflit en Ukraine.

Car pour la première fois, l'armée ukrainienne a reconnu que les séparatistes étaient entrés dans Debaltseve, ville stratégique pour le contrôle de l'est de l'Ukraine qui était ces dernières semaines le point chaud de la ligne du front. Des combats acharnés se sont poursuivis dans la soirée, l'armée reconnaissant l'encerclement de certaines de ses unités.

Le ministère de la Défense a même annoncé que des soldats de la 101e brigade et du 8e régiment avaient été capturés.

Les séparatistes revendiquent le contrôle de 80% de la ville, Kiev assurant qu'une «partie» seulement de Debaltseve échappe à son autorité. «Ces prochains jours, voire aujourd'hui, Debaltseve sera nettoyé» par les séparatistes, a soutenu le responsable militaire rebelle, Vladimir Kononov.

Si l'accès à la ville était bloqué par les affrontements, des journalistes de l'AFP ont été témoins de combats rapprochés à Tchornoukhine, un village quasiment détruit situé à quatre km de Debaltseve. «Les combats des derniers jours pour prendre Tchornoukhine et avancer sur Debaltseve ont été très meurtriers, y compris pour nous», a déclaré à l'AFP un commandant séparatiste à Tchornoukhine.

Les séparatistes exerçaient également une pression psychologique en envoyant aux soldats ukrainiens une avalanche de textos les appelant à se rendre. «Les généraux vous ont trahis», indiquait un de ces messages montré à l'AFP par une journaliste ukrainienne près de Debaltseve.

«Beaucoup de blessés au sous-sol» 

Des milliers de civils avaient fui la ville ces dernières semaines mais jusqu'à 5.000 y sont toujours bloqués sans eau ni nourriture, selon la mairie. Une adjointe au maire déjà évacuée, Tetiana Ogdanska, a déclaré à l'AFP recevoir des appels de détresse de ceux restés sur place.

«Il y a beaucoup de blessés dans le sous-sol où ils se cachent et la seule infirmière sur place ne peut pas tous les aider», a affirmé Mme Ogdanska, citant le témoignage d'une collègue.

L'offensive rebelle contre cette ville intervient trois jours après l'instauration un cessez-le-feu dans l'est. La trêve a été violée dès lundi, repoussant tout espoir d'un retrait des armes lourdes de la ligne de front après 10 mois d'un conflit qui a fait au moins 5.500 morts.

Moscou et les rebelles «ne respectent pas les accords» de Minsk 2 et «sont en train de réduire à néant les espoirs de paix», a fustigé le chef-adjoint de la présidence ukrainienne, Valeri Tchaly.

Des négociations infructueuses ont par ailleurs eu lieu à Soledar, à une soixantaine de km au nord de Donetsk, pour permettre aux observateurs de l'OSCE d'accéder à Debaltseve en toute sécurité.

Les rebelles ont «refusé de garantir la sécurité des observateurs de l'OSCE», a déclaré  à l'agence Interfax-Ukraine l'ex-président ukrainien Leonid Koutchma, qui prenait part à ces négociations.

Selon un porte-parole militaire ukrainien, Andriï Lyssenko, les leaders séparatistes n'ont pas donné d'ordre à leurs hommes de cesser le feu, l'expliquant par «l'absence de communication» avec ces derniers et «leur refus d'obéir».

Mardi, l'UE a une nouvelle fois appelé au retrait immédiat des pièces d'artillerie, comme prévu dans l'accord de cessez-le-feu, et demandé aux belligérants de «cesser toute opération militaire».

«Les développement ne sont pas encourageants», a reconnu le chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, en visite à Lisbonne.

De son côté, le Canada a annoncé mardi de nouvelles sanctions contre Moscou, dont le pétrolier Rosneft et des responsables politiques et militaires prorusses ukrainiens.