Forts des récents revers infligés à l'armée ukrainienne, les rebelles prorusses ont annoncé lundi vouloir mobiliser 100 000 hommes, le dirigeant séparatiste Alexandre Zakhartchenko se disant prêt à arrêter l'offensive à la seule condition de pouvoir conserver les nouveaux territoires conquis.

«Nous n'avons pas besoin de sang. Nous sommes prêts à nous arrêter, mais seulement si nous restons où nous nous trouvons maintenant», a affirmé M. Zakharchenko au cours d'une conférence de presse lundi à Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, après que les séparatistes ont considérablement gagné du terrain par rapport à la ligne de partage établie dans les premiers accords de paix, en septembre.

Parlant des autorités pro-occidentales de Kiev, Alexandre Zakharchenko a en outre estimé que l'Ukraine était dirigée par «des représentants pitoyables du grand peuple juif».

Il avait plus tôt annoncé, cité par l'agence de presse officielle des séparatistes DAN, une mobilisation générale prenant effet dans dix jours de 100 000 habitants des régions rebelles.

Selon l'agence de presse russe Tass, le président russe Vladimir Poutine s'est dit «extrêmement préoccupé» de la situation dans l'est de l'Ukraine, mais un haut responsable de l'administration présidentielle, cité sans que son nom soit donné, a soutenu cette mobilisation, la jugeant «compréhensible étant donné l'intensité des combats».

Ces déclarations interviennent après l'échec de pourparlers de paix à Minsk samedi, qui visaient à déboucher sur la signature d'un accord de cessez-le-feu mettant fin à des violences ayant fait plus de 5.000 morts en neuf mois.

La semaine dernière, les insurgés avaient menacé, en cas d'échec de ces négociations, d'élargir leur offensive à l'intégralité des régions de Donetsk et de Lougansk, dont une grande partie est toujours contrôlée par les autorités de Kiev.

D'après le porte-parole militaire ukrainien Andriï Lyssenko, la mobilisation annoncée par M. Zakhartchenko signifie que les rebelles «n'ont pas de ressources humaines et ne sont pas arrivés à atteindre leurs objectifs, à savoir la prise de la ville stratégique» de Debaltseve, située sur la route reliant les capitales des républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk et théâtre d'intenses combats ces dernières semaines.

Mercenaires russes?

Pour Serguiï Zgourets, expert militaire indépendant à Kiev, celle-ci pourrait laisser présager d'importants renforts à venir en provenance de Russie. «Les républiques séparatistes n'ont pas les moyens de mobiliser tant d'hommes sans recourir à des mercenaires russes», souligne-t-il.

Un autre analyste ukrainien, Olexandre Souchko, estime que la Russie «n'a aucun intérêt à négocier un cessez-le-feu avant d'infliger une importante défaite militaire à l'Ukraine pour pouvoir dicter ses conditions».

A Donetsk, fief des rebelles prorusses, l'annonce d'une mobilisation générale a toutefois pris de court les habitants.

«Je n'y crois pas trop. Soit c'est faux, soit c'est dit à l'intention des médias ukrainiens», a réagi Alexandre, 28 ans, qui soutient pourtant les autorités séparatistes. M. Zakhartchenko est en train de «saper sa popularité auprès de ceux qui l'ont soutenu», ajoute-t-il.

Vitali, un web-designer de 24 ans, juge quant à lui que de telles initiatives «mènent à une impasse». «Chaque jour, je me sens un peu plus otage (des chefs rebelles)», lance-t-il.

Sur le terrain, les soldats ukrainiens et la population civile ont subi de lourdes pertes ces dernières semaines. Douze personnes, dont sept civils, ont ainsi encore été tuées en 24 heures, après un week-end sanglant au cours duquel ont péri une cinquantaine de militaires ukrainiens et de civils.