Les rebelles prorusses de l'est de l'Ukraine ont rejeté vendredi toute nouvelle trêve avec Kiev et menacé d'une large offensive au lendemain de l'abandon par l'armée ukrainienne de l'aéroport de Donetsk, lieu hautement symbolique du conflit.

Les rebelles prorusses de l'Est de l'Ukraine se sont engagés à poursuivre une large offensive au lendemain d'une journée meurtrière marquée par la prise de l'aéroport de Donetsk, Kiev disant regrouper ses forces pour repousser une «agression» russe.

«Il n'y aura plus de notre part de tentatives de parler d'une trêve» avec les autorités ukrainiennes, a déclaré le «président» de la république autoproclamée de Donetsk, Alexandre Zakhartchenko. Il a promis de «lancer une offensive aux frontières de la région de Donetsk».

À Kiev, le secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense Olexandre Tourtchinov a dénoncé une offensive tous azimuts menée, selon lui, par des «unités régulières des forces armées russes».

Dans son communiqué quotidien, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui dispose d'une mission d'observation dans l'est, a fait état de «nombreux mouvements militaires» y compris celui d'un convoi de dix chars T-80 sans signe d'identification à Zougrès, localité sous contrôle des rebelles située 36 km à l'est de Donetsk, et qui se dirigeait vers le fief de la rébellion.

Jeudi soir, le président ukrainien Petro Porochenko avait réuni son état-major pour discuter «des moyens de regrouper les forces (armées) et d'arrêter l'agression» et avait assuré que les séparatistes allaient «en prendre plein la figure».

L'Ukraine venait de connaître une journée sanglante avec des combats et des bombardements qui ont fait une quarantaine de morts en 24 heures et par la perte par l'armée ukrainienne, à l'issue de plusieurs mois de combats, de l'aéroport de Donetsk.

Vendredi, l'armée ukrainienne a fait état de trois soldats tués et de 50 blessés en 24 heures.

Le conflit, qui a débuté en avril, a pris un nouveau tournant avec ce revers cuisant essuyé par l'armée ukrainienne. La bataille pour ce qui subsistait d'un grand aéroport international rénové pour l'Euro 2012 de Football avait été comparée en Ukraine à celle de Stalingrad pendant la Deuxième Guerre mondiale.

L'Union européenne a dénoncé l'escalade des combats et a réclamé une «enquête impartiale» sur le bombardement qui a causé la mort jeudi de huit civils, selon un nouveau bilan revu à la baisse vendredi, touchant un trolleybus à Donetsk. Mais les Européens sont obligés de constater leur impuissance à peser sur la Russie, soutien des rebelles, comme sur Kiev.

Poutine accuse Kiev 

Après avoir annexé sans combats la Crimée en mars, la Russie est accusée par Kiev et les Occidentaux de soutenir militairement la rébellion séparatiste prorusse dans l'est de l'Ukraine, où le conflit a fait plus de 5000 morts en neuf mois.

Lourdement frappée par les sanctions occidentales pour son rôle dans la crise ukrainienne, la Russie dément catégoriquement toute implication dans l'est de l'Ukraine et se pose en médiateur du conflit.

Le président russe Vladimir Poutine a de son côté fait porter sur l'Ukraine la responsabilité de la reprise de combats intensifs.

«Les autorités de Kiev ont donné l'ordre officiel de lancer une opération militaire d'envergure pratiquement sur toute la ligne de contact» entre forces régulières ukrainiennes et rebelles prorusses, a affirmé M. Poutine, lors d'une réunion du Conseil de sécurité russe.

«Elles utilisent l'artillerie, des lance-roquettes et l'aviation sans distinction» entre les rebelles et les civils, y compris contre «des secteurs très peuplés», a accusé le président russe.

«La responsabilité repose sur ceux qui donnent de tels ordres criminels», a souligné M. Poutine.

Les tentatives fin décembre-début janvier de relancer le processus de paix moribond en organisant un sommet entre MM. Poutine et Porochenko avec la participation du président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel ont fait long feu avec la reprise des hostilités.

Pour un haut responsable du gouvernement ukrainien interrogé par l'AFP, le Kremlin cherche à infliger de lourdes pertes à l'Ukraine pour la contraindre à signer un nouvel accord de paix sous ses conditions.

«Ils font cela pour renforcer leurs positions dans les négociations et déstabiliser la situation en Ukraine», a déclaré ce responsable sous couvert de l'anonymat.

Selon un analyste politique ukrainien indépendant Taras Berezovets, la Russie «cherche à contraindre l'Ukraine, les États-Unis et l'Europe à reconnaître le rattachement de la Crimée, un statut spécial pour les républiques de l'Est, et obtenir la levée des sanctions» qui la frappent.

Plus de neuf mois de conflit meurtrier dans l'est de l'Ukraine

AVRIL 2014

- 6: Deux semaines après l'annexion de la Crimée par la Russie, des manifestants prorusses s'emparent de bâtiments officiels à Kharkiv, Donetsk et Lougansk, principales villes de l'est. Les insurgés proclament les «Républiques populaires» de Donetsk et de Lougansk.

- 13: Kiev déclenche une «opération antiterroriste» destinée à reprendre le contrôle des zones rebelles.

MAI

- 11: Oui massif des régions de Donetsk et de Lougansk au référendum sur la souveraineté, jugé «illégal» par Kiev et par les Occidentaux.

- 25: Élection présidentielle en Ukraine remportée par le pro-occidental Petro Porochenko.

JUIN 

- 27: L'Ukraine scelle un accord d'association avec l'Union européenne, provoquant une virulente réaction de Moscou. La décision fin 2013 de l'ancien président Viktor Ianoukovitch de renoncer à signer cet accord pour se tourner vers la Russie avait été à l'origine de manifestations pro-européennes massives à Kiev, réprimées dans le sang et qui s'étaient soldées par la chute du régime en février.

JUILLET

- 5-6: Les rebelles abandonnent la ville de Slaviansk, les combats se poursuivent ailleurs.

- 17: Écrasement du Boeing de Malaysia Airlines MH17 (298 morts), abattu au-dessus d'une zone contrôlée par les séparatistes.

- 29: Les États-Unis annoncent, dans la foulée des Européens, des sanctions économiques contre la Russie, déjà punie après l'annexion de la Crimée en mars. De nouvelles sanctions suivront.

AOÛT 

- 25: Début d'une contre-offensive des rebelles qui vont infliger une série de revers à l'armée ukrainienne.

SEPTEMBRE

- 5: Accord sur un cessez-le-feu négocié à Minsk entre Kiev et les séparatistes avec la participation de la Russie et de l'OSCE. Cet accord prévoit de donner plus d'autonomie aux régions de Donetsk et de Lougansk. Mi-octobre, échec de négociations de paix. Le cessez-le-feu n'est pas respecté.

OCTOBRE 

- 26: Victoire des formations pro-occidentales aux législatives, boycottées par les séparatistes de l'Est.

NOVEMBRE 

- 2: Les séparatistes organisent leurs propres élections, dénoncées par Kiev et les Occidentaux. En mesure de rétorsion, Kiev a coupé le financement des zones séparatistes.

- 12: L'OTAN affirme que des convois militaires russes sont entrés dans l'Est.

DÉCEMBRE 

- 9: Nouveau cessez-le-feu après l'annonce-surprise d'un accord entre Kiev et les séparatistes.

- 23: L'Ukraine renonce à son statut de pays non-aligné en vue d'une entrée dans l'OTAN.

- 24: Rencontre à Minsk entre le Groupe de contact composé de représentants de Kiev, de Moscou et de l'OSCE, et les séparatistes. S'ensuit un échange de prisonniers, mais les pourparlers sont depuis au point mort.

JANVIER 2015

- 13: Douze civils sont tués dans un bus touché par une roquette à un barrage de l'armée à Volnovakha (sud de Donetsk).

- 18: Une offensive rebelle sur l'aéroport de Donetsk est repoussée.

- 20: Kiev accuse Moscou d'avoir directement attaqué ses troupes près de Lougansk.

- 21: Le président ukrainien affirme que plus de 9000 soldats russes sont déployés en Ukraine.

À Berlin, les chefs de la diplomatie ukrainien, russe, français et allemand appellent à cesser les hostilités et à un retrait des armes lourdes.

- 22: L'aéroport de Donetsk tombe aux mains des rebelles. Au moins 39 morts dans l'Est dont huit civils dans le bombardement d'un arrêt de trolleybus à Donetsk.