La Pologne attendra un renforcement de la zone euro avant d'y adhérer et fera preuve de «pragmatisme» avec l'Ukraine, a déclaré la nouvelle Première ministre polonaise, Ewa Kopacz, en présentant mercredi au Parlement les priorités de sa politique.

«Avant de répondre à la question sur le calendrier de l'adhésion à l'euro, il faut en poser une autre : quelle est la situation de la zone euro et dans quelle direction va-t-elle», a déclaré Mme Kopacz qui prend la succession de Donald Tusk, nommé à la tête du Conseil de l'Union européenne.

Si la zone euro doit être «renforcée», la Pologne doit, quant à elle, remplir tous les critères d'adhésion, «ce qui serait de toute manière bon pour son économie», a-t-elle souligné.

La Pologne remplit déjà la plupart des critères fixés par le traité de Maastricht, à l'exception de celui concernant le déficit public, encore supérieur à 3% du PIB mais susceptible de descendre sous cette barre en 2015, selon le ministère des Finances.

Mme Kopacz, dont la composition du gouvernement a été approuvée par 259 députés contre 183 à l'occasion d'un vote de confiance mercredi soir, a indiqué à l'issue du scrutin qu'elle se rendrait, pour sa première visite à l'étranger, lundi prochain à Bruxelles et ensuite jeudi 9 octobre à Berlin, pour y rencontrer Angela Merkel.

Dans son discours de politique générale, elle a demandé à tous les partis «un consensus» sur la politique étrangère, face à la crise ukrainienne qui fait craindre à la Pologne pour sa propre sécurité.

«Une politique pragmatique face à ce qui se passe en Ukraine constituera un des objectifs de mon gouvernement», a-t-elle déclaré, alors que la Pologne était très engagée dans le soutien à Kiev contre Moscou, suscitant l'ire du Kremlin.

«Nous soutenons le cap proeuropéen de l'Ukraine, mais nous n'allons pas remplacer les Ukrainiens qui ont eux-mêmes la responsabilité de réformer leur pays», a-t-elle ajouté, tout en appelant à la «solidarité» de la communauté démocratique internationale.

La Pologne souhaite le renforcement des relations entre les États-Unis et l'Union européenne, elle soutiendra l'accord négocié de libre-échange TTIP, et demandera «une plus grande présence militaire américaine» sur le territoire polonais, a dit Mme Kopacz.

Le président polonais Bronislaw Komorowski a salué devant la presse l'engagement de Mme Kopacz à renforcer les capacités de défense de la Pologne qui doit augmenter son budget militaire, «un argument face à l'Otan, en faveur d'un effort financier accru de l'ensemble de l'Alliance atlantique», a-t-il dit.

Union énergétique 

Le nouveau chef du gouvernement polonais a également cité parmi ses priorités la sécurité énergétique à l'échelle européenne.

La Pologne «soutiendra activement la construction de l'union énergétique», proposée par Donald Tusk et soutenue aujourd'hui «par la grande majorité des leaders européens», a déclaré Mme Kopacz, tout en laissant entendre que son pays continuerait de s'opposer aux réductions draconiennes des émissions de gaz à effets de serre.

«Mon gouvernement ne donnera pas son accord à des dispositions entraînant des coûts supplémentaires pour notre économie», a-t-elle dit.

Alors que plusieurs centaines de mineurs manifestaient pacifiquement devant le parlement pour défendre leur industrie touchée par les importations de charbon russe bon marché, Mme Kopacz a assuré que cette ressource avait une importance «stratégique» pour la Pologne et qu'elle chercherait autant à protéger le secteur minier de «la concurrence déloyale», qu'à le rendre «rentable».

Elle s'est aussi engagée à faire augmenter les investissements dans les infrastructures et à renforcer les aides à la famille.

«Je me demande quel nom féminin porterait le Père Noël», a ironisé sur Twitter Leszek Balcerowicz, architecte des réformes polonaises de l'après-communisme, cependant que l'opposition voyait dans le discours surtout des «promesses en l'air».

Mme Kopacz a par ailleurs dit que la Pologne était «insatisfaite» des propositions de la Commission européenne pour aider les maraîchers frappés par l'embargo russe décrété en réponse aux sanctions européennes.

Enfin, en politique intérieure, elle a lancé un appel solennel et personnel au chef de l'opposition Jaroslaw Kaczynski, affirmant que «son inimitié personnelle» à l'égard de son prédécesseur Donald Tusk empoisonnait depuis longtemps la vie politique et qu'il était temps d'y mettre fin pour faire avancer les affaires du pays.

Comme l'adoption de l'euro requiert une modification de la Constitution, elle est impossible sans un accord entre la majorité et l'opposition. M. Kaczynski, chef du parti conservateur PiS, est connu pour son scepticisme à l'égard de l'UE.