Le président ukrainien Petro Porochenko a ordonné jeudi la fermeture temporaire de ses frontières avec la Russie et a annoncé la candidature en 2020 de l'Ukraine à l'entrée dans l'Union européenne, nouvel épisode de sa politique de rapprochement avec les Occidentaux.

Les deux annonces du chef de l'État ukrainien risquent toutefois de rester des voeux pieux. Si la fermeture des frontières vise, selon Kiev, à endiguer le flux d'armes et d'hommes venant de Russie, son effet ne peut être que limité la rébellion prorusse contrôlant une partie - quelques centaines de km - des 2000 km de frontière terrestre entre la Russie et l'Ukraine.

Quant au principe d'une entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne, personne ne l'évoque sérieusement en Europe, alors que l'idée d'une entrée de la Turquie fait débat et que l'UE achève à peine de digérer l'arrivée des pays d'Europe centrale.

Le chef de l'État ukrainien devrait détailler ses mesures lors d'une conférence de presse à Kiev après trois mois d'exercice du pouvoir. Il devrait également s'expliquer sur son plan de paix au point mort face à l'intransigeance des séparatistes prorusses et sur ses réformes à un mois des premières élections législatives depuis la chute en février du président prorusse Viktor Ianoukovitch, désormais réfugié en Russie.

«Agents subversifs» russes

Le décret signé par le président ukrainien vise à empêcher des «agents subversifs» russes de pénétrer sur le territoire ukrainien en voiture, y compris par les zones tenues par des gardes-frontières ukrainiens.

Mais les rebelles occupent une zone d'environ 230 km de long sur 160 km de large à l'extrémité orientale de l'Ukraine, le long de la frontière avec la Russie. Et Kiev ne contrôle plus sa frontière dans ce secteur où elle accuse Moscou d'envoyer des troupes et des armes aux rebelles, une accusation reprise par les Occidentaux.

«Il est bien plus facile de contrôler les points d'entrée aériens et ferroviaires que ceux pour les voitures et les piétons», a toutefois expliqué à l'AFP un haut responsable des services de sécurité ukrainiens.

Dans la matinée, M. Porochenko a par ailleurs annoncé qu'il allait présenter un programme de réformes économiques et sociales baptisé «Stratégie 2020», dont la mise en oeuvre permettra à l'Ukraine «de déposer dans six ans une demande d'adhésion à l'Union européenne».

Et, pas de plus vers les Occidentaux, il a demandé au gouvernement de renoncer officiellement au statut de non-aligné de cette ex-république soviétique, mesure ouvrant la voie à son entrée à terme dans l'OTAN.

L'Ukraine a ratifié la semaine dernière son accord d'association avec l'Union européenne, au grand dam de Moscou qui dit craindre pour ses relations commerciales historiques avec l'ancienne république soviétique. Kiev a cependant repoussé à fin 2015 l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange avec Bruxelles visiblement afin d'apaiser Moscou.

La perspective d'une demande d'adhésion à l'UE risque toutefois de gravement bouleverser l'économie ukrainienne, encore lestée par l'étatisme et la corruption. Le PIB doit reculer de 9% cette année

Sur le terrain, la trêve des combats décrétée le 5 septembre  à Minsk entre l'Ukraine, les rebelles, la Russie et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), se renforce un peu plus chaque jour.

Pour la première fois, aucun militaire ou civil n'a été tué durant les dernières 24 heures sur la ligne de front dans la région de Donetsk, selon les informations de l'armée ukrainienne et de la mairie de Donetsk.

Les violences, qui ont fait plus de 3200 morts en cinq mois, se poursuivent toutefois par endroits, comme à Donetsk, la plus grande ville aux mains des rebelles, où des combats à l'arme lourde ont encore été entendus pendant la nuit et la matinée dans le secteur de l'aéroport, tenu par l'armée régulière et visé par les séparatistes.

Mais le règlement politique du conflit semble dans l'impasse, les rebelles ayant rejeté une offre de «statut spécial» pour les régions séparatistes adopté la semaine dernière par le Parlement de Kiev à l'initiative de M. Porochenko.

Les indépendantistes ont fait savoir qu'ils boycotteraient les élections législatives anticipées du 26 octobre en Ukraine, prévoyant d'organiser leur propre scrutin le 2 novembre.

Devant les Nations unies, le président américain Barack Obama a dénoncé mercredi une «agression» russe, mais agité la perspective d'une levée des sanctions occidentales contre Moscou si le Kremlin choisit «le chemin de la diplomatie et de la paix».

À la même tribune, le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a en revanche appelé les Occidentaux à ne pas lever leurs sanctions «tant que l'Ukraine n'aura pas retrouvé le contrôle de l'intégralité de son territoire».