Le président ukrainien Petro Porochenko a mis en garde jeudi contre la menace que la Russie représente pour le monde avant une rencontre chargée de symbole avec le président américain Barack Obama qui ne devrait pas déboucher sur des annonces majeures.

Devant le Congrès des États-Unis réuni au grand complet, M. Porochenko a souligné que «l'agression contre l'Ukraine» était «une menace contre la sécurité mondiale». «Nous avons besoin de vous, de l'aide de l'Amérique», a-t-il lancé dans un discours solennel, exhortant les pays occidentaux à «ne pas laisser l'Ukraine seule» face à la Russie.

Kiev a accusé jeudi la Russie d'avoir massé 4000 soldats le long de sa «frontière administrative» avec la Crimée, une démonstration de force qui intervient après des déclarations apaisantes de Moscou.

Comme souvent depuis le début d'une crise qui a fait près de 2900 morts et a conduit à une détérioration sans précédent depuis la fin de la Guerre froide des relations entre Russes et Occidentaux, le Kremlin souffle le chaud et le froid.

La diplomatie russe a en effet apporté son soutien aux premières offres politiques concrètes de M. Porochenko pour tenter de régler le conflit dans les régions séparatistes de l'est de l'Ukraine.

M. Porochenko a exprimé à Washington son souhait d'obtenir un «statut spécial» d'allié non-membre de l'Alliance atlantique, mais les États-Unis ont indiqué qu'ils n'y étaient pas favorables, jugeant que cela ne changerait pas la donne.

«Nous pensons que ce statut n'apporterait rien de nouveau à l'Ukraine dont elle ne bénéficie pas déjà aujourd'hui», a expliqué un responsable américain sous couvert d'anonymat soulignant que l'Ukraine avait déjà, grâce à ses liens avec l'Otan, accès «à différents types d'aide» en matière de sécurité et de formation en particulier.

«Une photo qui vaut 1000 mots»

La Maison-Blanche a annoncé le déblocage de 46 millions de dollars d'aide pour l'équipement et la formation des forces de sécurité ukrainiennes, tout en excluant toujours l'envoi d'armes, réclamé par certains membres du Congrès américain.

Elle souligne que la réception de M. Porochenko est, en soit, un message fort, adressé en particulier à la Russie. «La photo de M. Porochenko assis dans le Bureau ovale vaudra bien 1000 mots, que ce soit en anglais ou en russe», a souligné Josh Earnest, porte-parole de l'exécutif américain.

Cinq mois après son arrivée à la présidence sur les ruines du pouvoir laissé vacant par Viktor Ianoukovitch, chassé par les contestataires du mouvement pro-européen du Maïdan, M. Porochenko multiplie les gestes symboliques et politiques pour ancrer Kiev à l'Occident. Mardi, le parlement ukrainien a ratifié l'accord d'association avec l'Union européenne.

De son côté, le président russe Vladimir Poutine, dont le pays est sous le coup d'une série de sanctions économiques décrétées par les Américains et les Européens, a estimé que ces sanctions violaient les principes de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Sur le terrain, «presque toutes les unités militaires russes stationnées dans la partie nord de la Crimée occupée, environ 4000 soldats, ont été massées à la frontière administrative avec l'Ukraine», selon un porte-parole de l'armée ukrainienne Andriï Lyssenko.

Simple ajustement du dispositif militaire russe ? Prémices d'un projet plus menaçant pour Kiev ? Ce déploiement avait été en partie annoncé mardi par le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou, qui avait souligné la nécessité de redéployer des troupes en Crimée pour tenir compte de «l'élargissement du district militaire (du sud de la Russie) après l'intégration de la Crimée».

Violations du cessez-le-feu

Kiev craint la création d'une zone sous contrôle des séparatistes prorusses s'étendant de la frontière russo-ukrainienne à la frontière «administrative» entre l'Ukraine et la Crimée. Une telle configuration permettrait aux Russes d'établir un «pont terrestre» entre la Russie et la région de Crimée.

Selon l'Otan, 20 000 soldats russes sont par ailleurs massés le long de la frontière russo-ukrainienne, notamment dans la région de Rostov. Toujours selon l'Alliance atlantique, un millier de militaires russes se trouvent toujours dans l'est de l'Ukraine, ce que dément Moscou.

Le protocole de Minsk, adopté début septembre, instaurait un cessez-le-feu, prévoyant notamment des gestes de Kiev garantissant une plus grande autonomie des régions de l'Est, des élections locales et une amnistie pour les «participants» au conflit.

Les lois adoptées mardi par le parlement ukrainien vont dans ce sens et ont été saluées par l'Union européenne, les États-Unis, l'OSCE et Moscou. Seuls les séparatistes ont pour l'heure ignoré la main tendue de Petro Porochenko alors qu'ils avaient paraphé le protocole de Minsk.

La réaction des séparatistes pose la question du contrôle qu'a Moscou sur la rébellion, même si le Kremlin a toujours démenti être partie prenante au conflit.

Le cessez-le-feu décrété le 5 septembre à Minsk continue lui en revanche d'être violé, ont constaté jeudi des journalistes de l'AFP.

Au moins trois salves de roquettes Grad sont ainsi tombées dans les environs du village de Zouïvka, à l'est de Donetsk, sans toutefois faire de blessés. Les tirs provenaient a priori de positions de l'armée ukrainienne et visaient les rebelles sur place.