Washington et ses alliés ont menacé jeudi de sanctionner à nouveau Moscou face à une incursion «évidente» de forces russes en Ukraine, Kiev réclamant de son côté une aide militaire «d'envergure».

«Il est évident aux yeux du monde entier» que des forces russes se trouvent en Ukraine, a affirmé jeudi le président américain Barack Obama, en écho aux déclarations de l'OTAN selon qui plus de mille soldats russes se trouvent dans l'est de l'Ukraine aux côtés des séparatistes.

Le président a toutefois affirmé que les États-Unis «n'auront pas recours à la force pour résoudre le problème ukrainien».

Il a seulement évoqué l'article cinq de la charte de l'OTAN qui prévoit la solidarité entre ses membres en cas d'agression. L'Ukraine ne fait pas partie de l'Alliance atlantique «mais certains pays proches le sont», a-t-il remarqué. M. Obama doit se rendre la semaine prochaine en Estonie, puis au Pays de Galles pour un sommet de l'OTAN.

«L'incursion russe qui se déroule à l'heure actuelle en Ukraine ne peut qu'engendrer» des sanctions supplémentaires à l'encontre de la Russie, a ajouté M. Obama, à l'issue d'un entretien téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel.

Les deux dirigeants ont convenu «qu'un tel comportement ne peut rester sans conséquence», a rapporté le gouvernement allemand.

Le président américain a annoncé qu'il recevrait son homologue ukrainien Petro Porochenko le 18 septembre.

«Face à cette menace, ne pas agir coûterait trop cher», a estimé pour sa part l'ambassadrice américaine à l'ONU Samantha Power devant le Conseil de sécurité réuni en urgence, en dressant une longue liste d'indices montrant une implication directe des forces russes en Ukraine.

«La question n'est pas de savoir ce que nous pouvons dire aux Russes mais ce que nous pouvons faire pour qu'ils écoutent», a-t-elle ajouté.

Forces spéciales russes

L'ambassadeur britannique Mark Lyall Grant a lui aussi dénoncé une «implication militaire directe de la Russie» et exigé que Moscou «retire immédiatement ses forces» d'Ukraine.

Il a notamment évoqué des photos satellites de l'OTAN montrant des rampes de lance-roquettes et le déploiement «depuis plusieurs mois» de membres des forces spéciales russes dites Spetsnaz.

Le département d'État a précisé qu'il n'excluait «aucune option» quant à une éventuelle aide militaire américaine à Kiev, qui a demandé jeudi aux Occidentaux des «sanctions significatives» et une aide militaire «d'envergure», faisant craindre une guerre ouverte entre la Russie et l'Ukraine.

«Cessez de vous immiscer dans les affaires intérieures des pays souverains», a rétorqué l'ambassadeur russe à l'ONU Vitali Tchourkine, accusant Washington d'avoir envoyé en Ukraine «des dizaines de conseillers» et l'armée ukrainienne de «bombarder les civils» dans les zones tenues par les séparatistes.

Outre la chancelière allemande, le premier ministre britannique David Cameron a estimé que Moscou s'exposait à de «nouvelles conséquences».

Son homologue italien, Matteo Renzi, qui assure la présidence tournante de l'UE, a appelé Vladimir Poutine, pour dénoncer «l'entrée» des troupes russes en Ukraine, qualifiée d'«escalade intolérable».

Le président ukrainien, Petro Porochenko, qui a annulé jeudi sa visite en Turquie, a réuni en urgence son Conseil national de sécurité et de défense, qui a décidé de relancer la conscription dans l'armée, abandonnée il y a un an.

«Nous sommes en mesure de nous défendre», a déclaré M. Porochenko, évoquant des négociations sur la fourniture d'armes et de moyens de reconnaissance, sans donner plus de précisions.

L'ambassadeur ukrainien auprès de l'UE, Kostiantyn Elisseïv, a de son côté demandé à Bruxelles une «aide militaire d'envergure» face à une «invasion russe non dissimulée».

«Ils n'ont toujours reçu aucune aide»

Kiev avait affirmé peu avant que les «troupes russes» avaient pris le contrôle la veille de la ville frontalière stratégique de Novoazovsk (11.000 habitants) à 100 km au sud du bastion rebelle de Donetsk.

M. Porochenko a également évoqué la prise des localités d'Amvrosiïvka et de Starobechevé, au sud-est de Donetsk, où l'AFP a constaté que l'armée ukrainienne avait abandonné derrière elle armes et munitions en quantité, signe d'une retraite précipitée.

Selon des journalistes de l'AFP les insurgés avaient pris position mercredi déjà sur la route entre Donetsk et Novoazovsk, où tous les points de contrôle sont désormais tenus par les rebelles.

Des combattants loyalistes ukrainiens se trouvaient aussi assiégés dans la ville d'Illovaïsk. La chute de la ville n'est qu'«une question de jours», a estimé le séparatiste «Batia». Embarqué avec le bataillon Donbass des loyalistes, le photographe ukrainien Maksim Dondiouk a lancé des messages désespérés sur Facebook: «Ils n'ont toujours reçu aucune aide. On leur tire dessus à coups de Grads et de mortiers».

À Donetsk, fief de la rébellion prorusse, 26 civils ont été tués dans les bombardements au cours des dernières 24 heures.

Au total, le bilan des combats a doublé en un mois, selon l'ONU, faisant plus de 2.200 morts depuis la mi-avril, dont la moitié au cours du seul mois écoulé.

Kiev a dit attendre des «décisions cruciales» du sommet de l'OTAN le 4 septembre au Royaume-Uni.

Avant cela, l'Alliance atlantique se réunira en urgence au niveau des ambassadeurs vendredi matin à Bruxelles.

Kiev avait annoncé en début de semaine avoir capturé dix parachutistes russes à une vingtaine de kilomètres de la frontière. «Un accident» selon Moscou, qui s'est contenté de minimiser la situation.

Les inquiétudes se multiplient pourtant en Russie où plusieurs dizaines d'épouses de soldats ont manifesté jeudi à Kostroma (330 kilomètres au nord de Moscou) pour exiger des explications sur le sort de leurs proches.