L'Ukraine a affirmé vendredi avoir en partie détruit une colonne de blindés russes entrée la veille sur son territoire, une incursion fermement démentie par la Russie, dans une brutale montée de tension entre Moscou et Kiev.

«Il n'y a aucun convoi militaire russe qui aurait traversé la frontière entre la Russie et l'Ukraine», a déclaré un responsable du ministère russe de la Défense, le général Igor Konachenkov, cité par les agences de presse russes. Les forces ukrainiennes «détruisent des fantômes», a-t-il ironisé.

Un peu plus tôt, Moscou avait démenti une telle incursion, et dénoncé des «tentatives de faire échouer» l'entrée d'un convoi humanitaire russe controversé dans l'Est de l'Ukraine mettant en garde contre les «conséquences» de tels projets.

Pour tenter d'éteindre l'incendie, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Pavlo Klimkine a annoncé vendredi soir qu'il rencontrerait son homologue russe Sergueï Lavrov à Berlin dimanche, avec les chefs de la diplomatie français et allemands. «Peu importe que ce soit une table ronde ou une table carrée, il faut que nous parlions», a écrit M. Klimkine sur Twitter.

Évoquant une incursion de blindés russes jeudi soir sur le sol ukrainien, le président ukrainien Petro Porochenko a affirmé qu'«une grande partie de ce matériel a été détruite dans la nuit (de jeudi à vendredi) par l'artillerie ukrainienne», dans une conversation téléphonique avec le premier ministre britannique, David Cameron.

«Une action appropriée a été menée contre cette colonne et une partie de cette colonne n'existe plus. Elle a été détruite», a également assuré le porte-parole militaire ukrainien, Andriï Lyssenko.

La tension était montée depuis que des journalistes britanniques avaient rapporté que 23 véhicules blindés de transport de troupes russes, appuyés par des véhicules logistiques, avaient traversé la frontière jeudi soir près du poste-frontière de Donetsk, par où doit passer un convoi humanitaire russe destiné aux populations victimes de quatre mois de conflit dans l'est de l'Ukraine.

Mises en garde occidentales 

Moscou a toujours démenti tout passage de troupes russes ou de matériel par la frontière, comme l'en ont accusé à plusieurs reprises Kiev et les Occidentaux.

Les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont «pressé» vendredi la Russie de «stopper immédiatement toute forme d'hostilités» à la frontière avec l'Ukraine.

Dans un entretien téléphonique, la chancelière allemande Angela Merkel a mis en demeure vednredi le président russe Vladimir Poutine de «mettre fin au flux de matériel militaire, conseillers militaires et personnel armé qui passent la frontière avec l'Ukraine».

L'ambassadeur de Russie au Royaume-Uni, Alexander Iakovenko, a été convoqué au Foreign Office pour «clarifier les informations sur une incursion militaire russe en Ukraine», tandis que le président français François Hollande a appelé vendredi la Russie à «respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine».

Le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a estimé qu'une telle action démontrait «clairement l'implication de la Russie dans la déstabilisation de l'Ukraine».

Plusieurs Bourses européennes ont chuté à l'annonce de l'accrochage militaire en Ukraine, la Bourse de Francfort cédant en particulier 1,44%, et la Bourse de Paris 0,74%.

L'OTAN comme Kiev ont confirmé l'incursion de blindés russes. Le chef de la mission d'observation de l'OSCE dans la région, Paul Picard, a assuré pour sa part que les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe n'avaient vu «aucun camion ou véhicule blindé passer la frontière», ajoutant ne pouvoir être affirmatifs que sur ses «deux points d'observation: les postes de contrôle de Goukovo et de Donetsk».

Convoi humanitaire russe bloqué 

Moscou a au contraire accusé Kiev de jeter de l'huile sur le feu. «L'intensification brutale des opérations militaires» ukrainiennes dans l'est de l'Ukraine «a de toute évidence pour but de couper l'itinéraire convenu avec Kiev» pour le passage du convoi humanitaire russe.

Quelques 300 camions russes, porteurs de 1.800 tonnes d'aide humanitaire selon Moscou, étaient toujours stationnés vendredi soir à une trentaine de kilomètres du poste-frontière de Donetsk (éponyme du bastion rebelle dans l'Est de l'Ukraine), dans la localité de Kamensk-Chakhtinski, ont observé des journalistes de l'AFP.

Selon un porte-parole militaire ukrainien, 41 gardes-frontières et 18 douaniers sont arrivés à Donetsk pour inspecter les camions, mais ils n'avaient toujours pas commencé leur travail, attendant des documents de la part de la Croix-Rouge, qui doit se charger de la distribution de l'aide.

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou a assuré vendredi à son homologue américain Chuck Hagel qu'«il n'y avait pas de personnel militaire dans le convoi humanitaire et que ce convoi ne serait pas utilisé comme prétexte pour intervenir davantage en Ukraine», a indiqué le Pentagone.

L'acheminement du convoi a été problématique depuis son départ mardi d'une base militaire aux environs de Moscou, l'Ukraine et de nombreux pays occidentaux le soupçonnant de servir de couverture à une intervention de la Russie, qu'ils accusent déjà d'armer la rébellion.

Après des tergiversations, Kiev a finalement accepté le passage de la colonne russe, via le territoire dans l'Est rebelle qu'il ne contrôle pas.

La situation humanitaire ne cesse de se dégrader dans l'Est, où l'avancée de l'armée ukrainienne se fait au prix de pertes civiles. Les États-Unis ont dès lors exhorté jeudi l'Ukraine à la «retenue».

À Donetsk, principal fief séparatiste où les combats s'intensifient dans le centre-ville, onze civils ont ainsi été tués en 24 heures, a indiqué vendredi la mairie.

Kiev, qui resserre son étau sur les séparatistes, a revendiqué jeudi le contrôle de la route entre Lougansk et la frontière russe, coupant ainsi l'itinéraire qu'est censé emprunter le convoi humanitaire venu de Moscou.