Un convoi humanitaire russe de plus de 260 camions était attendu mercredi à la frontière avec l'Ukraine, pour apporter une aide aux populations victimes des combats dans l'est du pays, en dépit des mises en garde occidentales contre toute intervention unilatérale de la Russie en territoire ukrainien.

Formant une colonne de plus de trois kilomètres, les 262 camions blancs -- selon le décompte officiel -- acheminent plus de 1800 tonnes d'aliments, de médicaments et de générateurs, selon le ministère russe des Affaires étrangères.

La longue cohorte est partie tôt mardi de la base militaire d'Alabino, au sud-ouest de Moscou, après qu'un pope eut donné sa bénédiction aux chauffeurs en uniforme beige.

Le président russe Vladimir Poutine a justifié lundi l'envoi de cette aide par les conséquences «catastrophiques» selon lui de l'offensive d'envergure menée par l'armée ukrainienne contre Donetsk et Lougansk, les deux derniers bastions des insurgés séparatistes prorusses dans l'est de l'Ukraine.

Mais l'Ukraine, qui accuse la Russie d'armer les rebelles prorusses -- ce que dément Moscou --, a prévenu qu'un tel convoi ne pourrait pénétrer sur son territoire. «Cette cargaison pourrait traverser un poste-frontière ukrainien et être rechargée dans des véhicules du Comité international de la Croix-Rouge. Nous n'accepterons pas que (l'aide humanitaire) soit accompagnée par le ministère russe des Situations d'urgence ou par des militaires russes», a déclaré à Kiev le chef adjoint de la présidence ukrainienne, Valéri Tchaly.

Mises en garde occidentales

La Russie s'est étonnée des conditions ukrainiennes, estimant avoir donné des gages de sa bonne volonté en acceptant de passer par un poste-frontière contrôlé par l'armée ukrainienne -- celui de Chebekino-Pletnevka, au nord de la grande ville ukrainienne de Kharkiv, elle aussi aux mains des forces régulières.

Moscou a également assuré que le convoi passerait sous l'égide du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dès la frontière franchie.

La Russie est cependant loin d'avoir convaincu l'Occident de ses bonnes intentions. Dans une conversation téléphonique avec M. Poutine mardi, le président français François Hollande a «insisté sur les très vives inquiétudes que suscitait la perspective d'une mission unilatérale russe sur le territoire ukrainien», selon la présidence française.

Pour M. Hollande, une opération humanitaire ne peut intervenir sur le territoire ukrainien «qu'avec l'accord des autorités nationales ukrainiennes, tant sur le format que sur les modalités de mise en oeuvre».

Après consultation avec Kiev, les États-Unis se sont dits prêts à approuver l'envoi du convoi à condition qu'il soit contrôlé à la frontière et que la distribution de l'aide, une fois la frontière franchie, soit confiée à la Croix Rouge.

«La Russie n'a pas le droit d'entrer en Ukraine de manière unilatérale sans la permission de Kiev, que ce soit sous couvert de convois humanitaires ou tout autre prétexte», a déclaré la porte-parole adjointe du département d'État, Marie Harf.

Selon elle, les autorités ukrainiennes «ont un plan en place dans lequel elles ont confiance. Nous serions favorables à ce plan également. Et maintenant, c'est aux Russes de jouer le jeu», a-t-elle ajouté.

Initialement, le gouvernement ukrainien avait déclaré que la Russie pouvait tout au plus participer à une opération humanitaire internationale, destinée à la seule ville de Lougansk, menée par le CICR, et pour laquelle le président ukrainien Petro Porochenko avait obtenu le soutien des États-Unis et de l'Union européenne.

Selon les images des télévisions russes, aucun véhicule militaire n'était visible mardi au sein ou à proximité du long convoi de camions. Le Kremlin a assuré que le convoi était «sans escorte militaire», alors que Kiev et les Occidentaux soupçonnent la Russie de vouloir, sous couvert d'une telle aide, voler au secours des rebelles prorusses mis en grande difficulté par l'offensive ukrainienne.

Le CICR a pour sa part fait savoir mardi «qu'il avait encore besoin d'obtenir davantage d'informations avant de pouvoir aller de l'avant» dans son éventuelle collaboration avec l'initiative humanitaire russe.

À bord des camions ont été stockés 400 tonnes de céréales, 100 tonnes de sucre, 54 tonnes de médicaments et de matériel médical, ainsi que 69 générateurs et 12 300 sacs de couchage, selon Moscou.

Lougansk bientôt «encerclée»

Sur le terrain, l'armée ukrainienne s'apprête à encercler «définitivement» Lougansk, et à couper aux combattants les routes vers la Russie, a affirmé mardi le service de presse de l'opération militaire ukrainienne menée dans l'est de l'Ukraine.

À Lougansk, capitale régionale qui comptait 500.000 habitants avant les hostilités, les autorités dénoncent une situation «critique» depuis dix jours. La ville n'a plus d'électricité, d'eau courante et que l'essence et les réserves de nourriture s'épuisent rapidement.

À Donetsk, chef-lieu de l'Est, des explosions ont retenti dans la nuit de lundi à mardi, mais elles étaient moins intenses que les nuits précédentes, selon une journaliste de l'AFP.

Les autorités ukrainiennes ont également annoncé la reprise aux séparatistes prorusses de quatre localités dont un centre de transit ferroviaire entre les deux bastions rebelles de Donetsk et Gorlivka.

Plus de 1300 personnes sont mortes dans ce que la Croix-Rouge appelle une «guerre civile», et au moins 285 000 autres ont fui les combats, selon l'ONU.

Enfin, la Russie a ouvert une enquête sur «l'enlèvement» en Ukraine d'un journaliste de l'agence de presse russe Ria Novosti, Andreï Stenine, qui n'a pas donné de signe de vie depuis une semaine.

Le journaliste est «probablement» détenu par les services de sécurité ukrainiens pour complicité présumée avec les séparatistes prorusses, selon un conseiller du ministre ukrainien de la Défense, Anton Guerachtchenko.