Kiev et les Occidentaux ont dit craindre vendredi une intervention russe sous prétexte d'une mission humanitaire dans l'est de l'Ukraine, où Donetsk, aux mains des séparatistes prorusses, vit sous les obus jusque dans le centre-ville.

Au cours d'une réunion d'urgence à l'ONU sur l'Ukraine, le représentant ukrainien Olexandre Pavlitchenko a déclaré avoir «des raisons de craindre une intervention d'envergure russe sous prétexte d'une mission de maintien de la paix».

Il a cité l'augmentation de la présence militaire russe à la frontière, passée, selon l'OTAN, de 12 000 à 20 000 hommes en trois semaines, le survol de drones russes et des tirs sur les troupes ukrainiennes à partir de la Russie.

Les forces ukrainiennes ont déploré vendredi 15 morts en 24 heures essentiellement au cours de combats à la frontière de la Russie d'où la 79e brigade des forces armées avait été contrainte de se replier après trois jours d'affrontements.

L'ambassadeur des États-Unis, Mme Samantha Power a pour sa part estimé que l'aggravation des conditions de vie des civils autour de Donetsk et de Lougansk, «doit être prise en compte, mais pas par ceux qui ont créé cette situation» en rejetant une nouvelle fois la responsabilité sur Moscou.

La Russie a proposé de mener une «mission humanitaire» ou de créer des couloirs humanitaires pour venir en aide à la population de l'est de l'Ukraine, une proposition rejetée par Washington.

«Parler de maintien de la paix en Ukraine par les Russes est une contradiction dans les termes», a dénoncé Mme Power.

Les combats à l'arme lourde faisaient rage vendredi à Donetsk et des journalistes de l'AFP pouvaient entendre de fortes explosions. La veille les combats meurtriers avaient gagné pour la première fois le centre-ville et touché un hôpital.

Les fenêtres des cinq étages de l'hôpital ont été soufflées. Un mur a été éventré et on pouvait voir des fauteuils de dentistes recouverts de cendres.

«Avec les patients, on s'est tous mis à quatre pattes», raconte Anna Kouropatova, une infirmière. Un jeune homme qui avait été emmené à l'hôpital avec un éclat d'obus près du coeur est mort et trois autres ont été blessés, témoigne-t-elle.

Guerre commerciale

Au moment où les combats redoublent d'intensité et où l'armée ukrainienne tente de «libérer» les villes tenues par les insurgés, les tensions internationales autour de la crise ukrainienne prennent une allure de guerre commerciale.

Après les Occidentaux, Kiev a mis au point des sanctions qui pourront viser 172 particuliers et 65 entreprises, essentiellement russes.

Le premier ministre Arseni Iatseniouk a cité comme possible sanction l'interdiction du transit des ressources naturelles, alors que près de moitié du gaz russe consommé en Europe transite par le territoire ukrainien.

La Russie frappée de sanctions sans précédent après l'écrasement de l'avion malaisien avec 298 personnes à bord a riposté jeudi en décrétant un embargo d'un an sur des produits alimentaires, notamment européens et américains.

Sont concernés le boeuf, le porc, la volaille, le poisson, le fromage, le lait, les légumes et les fruits en provenance des États-Unis, de l'Union européenne, de l'Australie, du Canada et de la Norvège.

L'Australie a annoncé vendredi un prochain renforcement de ses sanctions contre Moscou.

«Soyons clairs, la Russie est le persécuteur (...) un grand pays qui tente de persécuter un petit pays», a déclaré le premier ministre australien, Tony Abbott.

La Russie «au bord du gouffre»

En visite à Kiev jeudi, le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen a jugé que «la liberté et l'avenir» de l'Ukraine étaient menacés et a mis en garde la Russie, dont le soutien aux séparatistes a gagné, selon lui, «en intensité et en sophistication».

«J'appelle la Russie à se retirer du bord du gouffre, à se retirer de la frontière. N'utilisez pas le maintien de la paix comme prétexte pour faire la guerre», a lancé M. Rasmussen.

Plusieurs villes aux mains des rebelles et assiégées par les forces ukrainiennes, notamment Lougansk, connaissent une situation humanitaire de plus en plus délicate avec des difficultés de ravitaillement et des coupures d'eau et d'électricité.

Selon l'ONU, les combats ont déjà fait plus de 1300 morts en près de quatre mois et on compte près de 300 000 réfugiés.

L'Ukraine annonce des sanctions contre la Russie

KIEV - Le premier ministre ukrainien a annoncé vendredi avoir mis au point des sanctions qui pourront viser 172 particuliers et 65 entreprises, essentiellement russes, accusés d'avoir soutenu l'annexion de la Crimée ou de financer l'insurrection prorusse dans l'est du pays.

Le projet de loi présenté par Arséni Iatseniouk, qui doit être examiné mardi par le Parlement, prévoit une série de mesures de rétorsion comme des interdictions d'entrée dans le pays ou le gel d'actifs, mais aussi l'interdiction de procéder à certaines opérations financières.

Le chef du gouvernement a également cité l'interdiction du transit des ressources naturelles, alors que près de la moitié du gaz russe consommé en Europe transite par le territoire ukrainien.

Le texte autorise le Conseil national de sécurité et de défense à appliquer de telles mesures, et une liste de 172 personnes et 65 entreprises, dont le contenu n'a pas été dévoilé.

«Dans le pire des scénarios, l'Ukraine pourra subir des pertes, non seulement à cause des sanctions, mais aussi à cause de la politique agressive du Kremlin, de sept milliards de dollars dès la première année», a averti M. Iatseniouk.

Après l'écrasement de l'avion de Malaysia Airlines, abattu le 17 juillet en zone rebelle, le gouvernement ukrainien avait décidé de créer un comité chargé de préparer des sanctions contre la Russie et contre les citoyens russes qui soutiennent les insurgés.