L'OTAN a haussé le ton dimanche contre «l'agression russe» en Ukraine, mais cette rhétorique guerrière divise l'organisation, car nombre de ses membres cherchent à éviter une fuite en avant de Vladimir Poutine dans cette crise.

«L'agression russe contre l'Ukraine justifie la préparation de nouveaux plans de défense», a affirmé le secrétaire général sortant de l'OTAN, le Danois Anders Fogh Rasmussen, dans un entretien publié par le quotidien français Midi Libre.

«C'est préoccupant, parce que je pense que l'ambition du président Poutine est d'établir une sphère d'influence dans le voisinage», a-t-il souligné.

«La Russie considère l'OTAN comme un adversaire», a-t-il dit. «Je le regrette parce que nous devons développer une coopération fructueuse entre l'Ouest et la Russie. Mais il faut s'adapter à cette nouvelle situation», a-t-il conclu.

Ses propos font écho à une prise de position du premier ministre britannique David Cameron qui a appelé samedi l'OTAN à «repenser sa relation à long terme avec la Russie» et à renforcer sa capacité à réagir rapidement à toute menace.

David Cameron relaie une demande de la commission parlementaire multipartite chargée des questions de Défense au Royaume-Uni qui a exhorté l'OTAN à positionner de façon permanente des troupes et du matériel militaire en Estonie, Lettonie et Lituanie et recommande également d'établir un siège dans les pays Baltes.

Le premier ministre britannique veut utiliser le sommet de l'OTAN organisé dans un mois et demi à Newport pour décider d'une politique plus sévère à l'égard de Moscou afin de montrer que les pays membres de l'OTAN ne se laisseront pas intimider.

Si le ton martial de David Cameron séduit les nouveaux membres de l'Europe de l'Est, il inquiète ses autres partenaires de l'UE, peu soucieux de se lancer dans un conflit avec Moscou.

Les Européens viennent d'imposer vendredi les premières sanctions économiques contre la Russie pour marquer leur colère contre la mort des 300 passagers d'un avion malaisien, dont près de 200 Néerlandais, abattus à très haute altitude par un missile tiré depuis les territoires contrôlés par les séparatistes prorusses soutenus par Moscou dans l'est de l'Ukraine.

Ces sanctions, entrées en vigueur vendredi, étaient devenues «inévitables», a commenté la chancelière allemande Angela Merkel. Mais «l'UE est prête à revenir sur ses sanctions si la Russie s'engage à contribuer activement et sans arrière-pensées à trouver une solution pour résoudre la crise en Ukraine», a assuré au nom des 28 le président du Conseil de l'UE Herman Van Rompuy.

Les Européens espèrent que ce geste va amener Vladimir Poutine à cesser son soutien aux séparatistes prorusses, mais ils en doutent.

«Avec ces sanctions, on va au-devant d'une confrontation avec escalade économique et militaire», a confié à l'AFP un diplomate européen de haut rang impliqué dans leur élaboration.

«Les Américains - qui sont partagés avec une vieille garde néoconservatrice qui veut démontrer qu'Obama a diminué la crédibilité de l'usage de la force - pensent qu'ils peuvent pousser Poutine dehors et créer un changement a Moscou. Ils veulent aussi réussir le sommet de l'OTAN et revenir à la guerre froide», a-t-il déploré.

Ce sentiment laisse augurer de sérieuses tensions entre les dirigeants de l'OTAN lors du sommet de Newport. Ils pourraient passer plus de temps à resserrer leurs rangs qu'à élaborer de nouvelles stratégies offensives.

La crainte affichée dans de nombreuses capitales européennes est de fournir des prétextes à Vladimir Poutine pour une fuite en avant.

«Plus il y aura de sanctions, moins Poutine aura à perdre», a averti le diplomate. «Il peut accroître son soutien aux séparatistes ou même se lancer dans une opération militaire en Ukraine au prétexte de défendre les populations civiles des villes tenues par les forces prorusses», a-t-il commenté. La Russie tient stationnés à la frontière avec l'est de l'Ukraine plus de 12 000 hommes et d'énormes moyens militaires, indique l'OTAN.

Pour le moment, le président russe conserve un ton conciliant. Il s'est entretenu vendredi avec le président Barak Obama et les deux dirigeants ont souligné que «la situation actuelle» autour de l'Ukraine «ne correspond pas aux intérêts» de la Russie ni des États-Unis, a indiqué le Kremlin.