Les corps des passagers du vol MH17 sont arrivés mardi à Kharkiv, en zone loyaliste, les rebelles prorusses ayant autorisé leur départ et remis les boîtes noires aux experts malaisiens, juste avant que les Européens n'abordent de nouvelles sanctions contre la Russie.

Le train composé de cinq wagons réfrigérés avec l'inscription «Donbass» a terminé sa course dans l'enceinte de l'usine de chars Malychev, a constaté un reporter de l'AFP.

Interdite d'accès, l'immense zone de l'usine est très bien protégée par de hauts murs et la voie ferrée passe à l'intérieur de l'enceinte du bâtiment. À travers les grilles de la porte principale, on apercevait des véhicules kaki marqués d'une croix rouge qui pourraient être des laboratoires. À côté, une ambulance et derrière, une grande tente blanche protégée de rubans rouge et blanc.

Un avion transportant les premières dépouilles des victimes du vol MH17 arrivera mercredi aux Pays-Bas, où l'identification des corps pourrait prendre jusqu'à plusieurs mois, a assuré mardi le premier ministre néerlandais Mark Rutte.

«Nous nous attendons à ce que le premier avion parte demain dans le courant de la journée», a déclaré le premier ministre lors d'une conférence de presse, à La Haye.

L'avion atterrira à Eindhoven, dans le sud des Pays-Bas, d'où les dépouilles seront transportées vers une base militaire à Hilversum, au sud-est d'Amsterdam, à environ 100 kilomètres de l'aéroport.

Le ministère néerlandais de la Défense a indiqué qu'un C-130 Hercules néerlandais et qu'un transporteur C-17 australien allaient créer «un pont aérien» entre Kharkiv et Eindhoven afin de rapatrier les corps des victimes du crash.

L'Australie, dont 37 citoyens sont décédés dans le drame, va également envoyer des experts médico-légaux et d'autres enquêteurs vers Eindhoven et l'Ukraine, a indiqué la défense dans un communiqué.

Le premier ministre a confirmé que le train réfrigéré dans lequel des dépouilles ont été rassemblées est arrivé mardi matin dans la ville de Kharkiv, en territoire loyaliste, après avoir quitté Torez, contrôlée par les rebelles prorusses, lundi soir.

Boîtes noires décryptées en Grande-Bretagne

Les enregistrements des boîtes noires de l'avion malaisien, probablement abattu par un missile jeudi dernier au-dessus de l'Ukraine, devraient être décryptés en Grande-Bretagne, a indiqué mardi le gouvernement ukrainien.

Les deux enregistreurs de vol, récupérés par les rebelles prorusses qui contrôlent la zone où est tombé le Boeing 777 avec 298 personnes à bord, ont été remis lundi soir à des responsables malaisiens.

Mais, à la demande de Kiev, ce sont les Pays-Bas, dont 193 ressortissants figuraient parmi les victimes, qui doivent se charger de l'enquête sur la catastrophe. Ainsi, lorsque La Haye aura pris officiellement la décision de conduire cette investigation, les Néerlandais reprendront les boîtes noires chez les Malaisiens et les enverront en Grande-Bretagne, a précisé le ministère du Développement régional dont le chef, le vice-Premier ministre Volodymyr Groïsman, conduit l'enquête côté ukrainien.

Les boîtes noires permettent d'enregistrer les conversations dans le cockpit et les données techniques du vol. Il est peu probable, cependant, qu'elles puissent fournir des renseignements permettant d'identifier l'origine du tir ayant abattu l'avion malaisien.

Gestes d'apaisement

Les gestes d'apaisement des rebelles à l'égard de la communauté internationale, accompagnés d'un cessez-le-feu décrété par les séparatistes autour du site de l'écrasement, ont été doublés d'un communiqué russe de même inspiration.

«La Russie est prête à fournir une aide complète (à l'enquête sur la chute de l'avion), y compris en mobilisant les spécialistes appropriés», a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères.

«Nous croyons qu'une telle catastrophe doit être élucidée avec la participation active de l'Organisation de l'aviation civile internationale», qui dépend de l'ONU, ajoute le ministère.

Pour un expert ukrainien, ces avancées, réelles ou verbales, et la menace de sanctions occidentales semblent liées.

«À coup sûr, l'Occident a fait pression sur la Russie et la Russie à son tour sur eux (les rebelles), parce qu'elle était obligée de le faire», a déclaré à l'AFP le politologue de l'université Kiev-Moguila Oleksiï Garan.

«Poutine a peur de sanctions, avec l'affaire de l'avion il est devenu la victime d'un dispositif qu'il préparait pour frapper quelqu'un d'autre», poursuit-il, tout en observant que les rebelles ont gardé les boîtes noires un certain temps et qu'«on ignore ce qu'ils auraient pu en faire». De même, «ils n'ont pas laissé les inspecteurs internationaux accéder aux lieux de la catastrophe, et on ne sait pas quelles preuves ont pu disparaître pendant ce temps».

Les Européens débattaient mardi d'un renforcement des sanctions contre Moscou, et la pression montait sur la France pour arrêter la vente de navires militaires français Mistral à la Russie.

«Il est temps d'arrêter la «mistralisation» de la politique européenne», a lancé sur son compte Twitter la présidente lituanienne, Dalia Grybauskaité, toujours à la pointe du combat pour dénoncer l'attitude de la Russie.

Le nouveau ministre britannique, Philip Hammond, prônait pour sa part «une interdiction de toutes les ventes d'équipement militaire, des navires, différents types de technologie».

Le ministre français, Laurent Fabius, ne s'est pas exprimé sur l'Ukraine.

Site altéré «à une échelle industrielle»

L'est de l'Ukraine est déchiré depuis plus de trois mois par un conflit armé entre les séparatistes prorusses et les loyalistes, qui accusent Moscou de soutenir les rebelles. Ces derniers sont soupçonnés par Kiev et les Occidentaux d'avoir abattu l'avion de ligne malaisien avec un missile Bouk fourni par la Russie, faisant 298 morts. Ils l'auraient fait par erreur, pensant viser un appareil militaire ukrainien.

Pour bien des Occidentaux, les inflexions dans l'attitude des séparatistes et de Moscou ne semblent pas suffisantes.

Le site de l'écrasement a été altéré «à une échelle industrielle», a déclaré mardi le premier ministre australien Tony Abbott, évoquant «une tentative de maquiller les preuves» de la catastrophe où ont péri 28 Australiens.

L'Iata, l'organisation qui regroupe l'ensemble des compagnies aériennes dans le monde, a dénoncé mardi un «crime odieux».

L'avion était «clairement identifié comme étant un vol commercial. Et il a été abattu, en totale violation du droit international, des normes et des conventions», alors qu'il volait à une altitude considérée comme «sûre», a déclaré le directeur général de l'Iata (Association internationale du transport aérien), Tony Tyler, dans un communiqué.

L'Ukraine a appelé mardi les pays dont les citoyens avaient péri dans la chute de l'avion malaisien à envoyer leurs policiers sur le site de l'écrasement afin d'en préserver «l'inviolabilité» et contribuer à l'enquête.

Sur le terrain, où l'armée ukrainienne a cherché lundi à avancer à Donetsk et dans la région de Lougansk, des affrontements ponctuels se poursuivaient mardi. L'administration régionale de Lougansk signalait 5 morts parmi la population civile au cours des dernières 24 heures.

Et pour Kiev, la menace militaire russe ne faiblit pas.

Plus de 40 000 soldats russes sont massés à la frontière russo-ukrainienne ainsi que des centaines d'armes lourdes, a déclaré le secrétaire du conseil de sécurité nationale et de défense ukrainien Andriï Paroubiï devant le Parlement. 150 chars, 400 blindés et 500 systèmes d'artillerie russes se trouvent près de la frontière en face de Donetsk, a-t-il dit.