Leurs uniformes bleus contrastent avec la blondeur des blés, leurs gestes sont lents pour enfiler leurs gants comme pour se saisir des corps. À Grabove, les secouristes ont commencé la récupération des restes humains des 298 passagers du vol MH17, qui gisent depuis bientôt deux jours dans la campagne ukrainienne.

À pied d'oeuvre samedi en fin de matinée, sur la zone de l'accident, à cinquante kilomètres à l'est de Donetsk, les secouristes économisent leurs mots alors qu'en fond sonore des détonations rapprochées se font entendre. La ligne de front entre séparatistes prorusses et forces loyalistes ukrainiennes est à quelques kilomètres et, malgré la catastrophe, il n'y a jamais eu de trêve.

Le point de mire des secouristes : des bâtons surmontés de petits chiffons blancs, plantés la veille et seul repère marquant de loin la présence de restes humains éparpillées au milieu des blés.

Les corps, certains déjà très noircis et gonflés après plus de 36 heures passées à l'air libre, sont ensuite placés dans de grands sacs mortuaires noirs, puis transportés sur des civières avant d'être regroupés sur le bord de la route.

Leur destination prévue par les rebelles : la morgue de Donetsk. Selon les insurgés prorusses, 27 corps trouvés à quelques kilomètres de là, près d'un autre village, ont déjà été transportés à la morgue de la principale ville de la région, aux mains des rebelles séparatistes.

Deux jours après l'accident du vol de la Malaysia Airlines, très probablement causé par le tir d'un missile sol-air, la zone est fortement gardée et totalement interdite à la presse, qui ne peut accéder qu'aux premiers mètres du site qui s'étend sur des kilomètres.

Tension avec la presse

Des dizaines de rebelles prorusses en armes barrent la petite route qui traverse la zone où sont tombés les débris de l'avion et la tension est forte avec les dizaines de journalistes présents.

«Nous sécurisons la zone, car les experts sont en train de travailler. C'est normal de ne pas pouvoir accéder à de tels lieux», affirme celui qui se présente comme le commandant rebelle du bataillon chargé de la sécurité du site, sans donner son nom de famille.

Quelques minutes plus tard, excédé par les caméras, qui veulent filmer les recherches dans les champs, il tire en l'air et sa douille retombe au milieu d'un groupe de journalistes.

Vers 13 h, lorsque la colonne de véhicules de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe)arrive sur les lieux, la tension monte d'un cran : les rebelles placent un car en travers de la route et une trentaine d'hommes armés arrivent sur les lieux et se déploient dans les champs.

Après des négociations, les observateurs peuvent entrer sur la zone. «Avez-vous des tentes réfrigérées?», demande un observateur à l'un des secouristes au milieu des hommes en armes, de plus en plus nombreux. L'homme secoue la tête en signe de négation.

À quelques mètres d'eux, des valises éparses, des livres, des jeux d'enfants, des passeports et une odeur presque insoutenable.

Une heure et demie plus tard, les observateurs ont achevé leur tour, ils n'ont pas eu accès à l'intégralité du site et notamment pas à la zone de la chute, entièrement brûlée. «Nous avons eu la possibilité de parler aux responsables, aux habitants de la zone et aux personnes qui s'occupent de récupérer les corps», se félicite tout de même Alexander Hug, superviseur de la mission en Ukraine.

Peu de temps après leur départ, deux autocars déchargent une cinquantaine de passagers : des infirmières de l'hôpital de Chakhtarsk et des mineurs, en tenue de travail, casques rouges sur la tête et le visage encore couvert de charbon.

Genia, 21 ans, traîne des pieds au milieu de ses camarades : «C'est la deuxième fois que je viens ici, mais je déteste ça. Déjà, hier on est venu nous chercher à la mine pour ratisser les champs, mais quelle horreur tous ces corps en morceaux qui pourrissent».

Des indices ont été altérés

Kiev et Kuala Lumpur ont dénoncé l'altération d'indices sur le site de l'accident de l'avion malaisien, sous contrôle rebelle dans l'est de l'Ukraine, témoignant des difficultés auxquelles va se heurter l'enquête sur la chute de l'appareil probablement abattu par un missile.

La chancelière Angela Merkel et le président russe Vladimir Poutine sont tombés d'accord pour que l'écrasement fasse l'objet d'une enquête internationale et indépendante sous la direction de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) «pour élucider les circonstances de la chute et dégager les victimes».

Mais le ministre malaisien des Transports Liow Tiong Lai, qui doit se rendre en Ukraine samedi a d'ores et déjà déploré que «l'intégrité du site avait été compromise».

«Il y a des indications montrant que des indices vitaux n'ont pas été préservés sur place. Des interventions sur la scène de l'écrasement risquent de fausser l'enquête elle-même», a-t-il déclaré.

«Trahison»

«Ne pas empêcher de telles interventions constituerait une trahison à l'égard des vies qui ont été anéanties», a-t-il lancé.

Il a souligné que le plus important était «d'établir qui a abattu l'avion malaisien MH17».

Presque simultanément, le gouvernement ukrainien a accusé les rebelles, soupçonnés d'avoir abattu le Boeing malaisien, de «chercher à détruire, avec le soutien de la Russie, les preuves de ce crime international».

Ainsi, l'enquête sur le tir de missile, venu, selon les États-Unis, de la zone contrôlée par les rebelles soutenus par la Russie, s'annonce déjà particulièrement difficile, au moment où les premières équipes étrangères, les Néerlandais et les Malaisiens, arrivent en Ukraine.

La chute jeudi du vol MH17 Amsterdam-Kuala Lumpur de Malaysia Airlines a fait 298 morts.

Le site de l'écrasement se trouve en zone rebelle, près de la ville de Chakhtarsk, et le conflit armé en cours entre séparatistes prorusses, qui ont refusé un cessez-le-feu ponctuel, et le gouvernement de Kiev rend les opérations particulièrement complexes.

«Les terroristes ont transporté 38 corps de victimes à la morgue de Donetsk, où des spécialistes parlant avec un net accent russe ont déclaré qu'ils procéderaient à leur autopsie. Les terroristes cherchent aussi des moyens de transport à grande capacité pour emporter les restes de l'avion en Russie», indique le gouvernement dans une déclaration officielle.

Il accuse les rebelles de ne pas permettre aux organes compétents ukrainiens de commencer l'enquête et de ne pas laisser les représentants et experts étrangers accéder au site de l'écrasement.

Un chef séparatiste a confirmé samedi à des journalistes de l'AFP présents sur le site, à Grabove, que des corps avaient été emmenés à la morgue de Donetsk. «27 corps ont été enlevés ce matin», a-t-il dit. Les combattants prorusses bloquaient l'accès au périmètre de l'écrasement.

Les familles en attente pour se rendre sur place

Les proches des 192 victimes néerlandaises de l'écrasement du vol MH17 de la Malaysia Airlines en Ukraine patientent à proximité de l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol pour s'envoler vers le lieu du drame, a-t-on appris samedi auprès de la compagnie aérienne.«Nous ne savons pas encore quand les familles partiront», a déclaré à l'AFP une porte-parole de la compagnie aérienne, demandant à rester anonyme.

Les proches des victimes, néerlandaises ou autres, sont réunies dans un hôtel à proximité de l'aéroport d'où est parti l'avion, jeudi midi, avant de s'écraser dans l'est de l'Ukraine, causant les décès de 298 personnes.

«Il y a un avion prêt à décoller pour Kiev, mais l'accident a eu lieu à 500 kilomètres de Kiev, c'est donc une opération très complexe au niveau logistique», a assuré la porte-parole.

«Ils sont en train d'examiner comment y arriver et quelle manière est la plus sûre», a-t-elle également affirmé, sans pouvoir indiquer combien de proches de victimes désiraient se rendre sur place.

Les difficultés ne sont pas uniquement liées à la sécurité, selon la même source : «Si beaucoup de gens désirent se rendre sur place, cela demande beaucoup d'organisation».

Le site de l'écrasement se trouve en zone rebelle, près de la ville de Chakhtarsk, et le conflit armé en cours entre séparatistes prorusses, qui ont refusé un cessez-le-feu ponctuel, et le gouvernement de Kiev rend les opérations particulièrement complexes.

Le gouvernement ukrainien accuse les rebelles de ne pas permettre aux organes compétents de commencer l'enquête et de ne pas laisser les représentants et experts étrangers accéder au site de l'écrasement.

Le président Barack Obama a affirmé vendredi que l'avion avait été abattu par un missile tiré depuis une zone contrôlée par les séparatistes pro-russes.