La tension s'est encore aggravée en Ukraine, Kiev soupçonnant Moscou d'avoir abattu lundi un de ses avions de transport militaire en zone séparatiste avec un missile «probablement» en provenance de Russie.

Les forces de Kiev sont à la recherche de l'équipage de l'appareil, qui a contacté l'état-major ukrainien, a indiqué la présidence ukrainienne, sans qu'on sache si tous ses membres ont survécu.

L'épave de l'appareil, brisée en plusieurs morceaux, a été vue par des journalistes de l'AFP dans un champ proche du village de Davydo-Mykilske, dans la région de Lougansk.

Un des porte-paroles militaires de Kiev, cité par les médias locaux, a admis que deux aviateurs - sur huit qui se trouvaient à bord - avaient été faits prisonniers par les rebelles.

Ces derniers, de leur côté, affirmaient avoir fait cinq prisonniers, selon les indications données à l'AFP par le service de presse de la «République populaire de Lougansk».

Missile air-air

Kiev a jugé rapidement que la Russie était responsable du tir contre son appareil.

«Compte tenu du fait que l'avion volait à une altitude de 6500 mètres, il était impossible qu'il ait été touché par des tirs de missiles sol-air portables, ce qui signifie qu'il a été abattu par un missile d'un autre type, plus puissant, qui a été utilisé vraisemblablement à partir du territoire de la Fédération de Russie», selon le communiqué de la présidence.

Un porte-parole militaire ukrainien, Andriï Lyssenko, a estimé qu'il pouvait s'agir soit d'un missile sol-air Pantsir, soit d'un missile autoguidé X-24 air-air qui aurait pu être tiré par un avion russe parti de l'aéroport de Millerovo.

Selon des habitants de Davydo-Mykilske interrogés par l'AFP, la destruction de l'avion ukrainien, survenue vers 12h30, rappelle celle d'un autre avion de transport, le 14 juin dernier, abattu près de l'aéroport de Lougansk. 49 militaires ukrainiens avaient alors été tués.

L'incident survient moins de 24 heures après une avancée des forces de Kiev près de Lougansk et le déblocage de son aéroport, au prix d'intenses combats.

Endommagé et fermé depuis le 22 avril dernier, cet aéroport était contrôlé par les loyalistes, mais rendu quasiment inaccessible par la présence de séparatistes tout autour. Cette zone apparaissait comme l'un des points importants des défenses des insurgés sur le chemin de Lougansk.

«Dangereuse escalade»

La recherche d'une solution politique n'a pas progressé.

Le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier a affirmé lundi, dans un communiqué, que  Berlin, Kiev, Moscou et Paris oeuvraient à un dialogue d'ici mardi au plus tard entre le groupe de contact pour l'Ukraine et les séparatistes afin d'aller vers un cessez-le-feu.

Le dialogue est toutefois devenu encore plus difficile après un incident frontalier dimanche entre l'Ukraine et la Russie. Accusant les forces de Kiev d'être à l'origine d'un tir d'obus qui a fait un mort du côté russe de la frontière, Moscou a évoqué une «escalade extrêmement dangereuse» et menacé l'Ukraine de «conséquences irréversibles».

Les autorités ukrainiennes ont démenti toute implication, assurant que «les militaires ukrainiens n'ont jamais tiré sur le territoire de l'État voisin».

Le ministère russe des Affaires étrangères a indiqué lundi avoir invité des observateurs de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) à se rendre à la frontière russo-ukrainienne.

L'OTAN a pour sa part dénoncé lundi le «renforcement» des troupes russes à la frontière avec l'Ukraine, qui constitue un «pas en arrière dans la désescalade».

«Depuis la mi-juin, nous avons des preuves de l'arrivée progressive de milliers de soldats russes près de la frontière avec l'Ukraine», a déclaré un responsable de l'Alliance.

Des accusations relayées par le département d'État américain, qui a une nouvelle fois accusé lundi soir Moscou de «poursuivre ses efforts de déstabilisation de l'Est ukrainien» en fournissant des armes aux séparatistes des armes et en «massant ses soldats à la frontière ukrainienne».

«Nous pensons que la Russie continue à leur fournir des armes lourdes, de l'équipement militaire, de l'argent et qu'elle autorise toujours des militants séparatistes à entrer librement en Ukraine», a dénoncé le département d'État.

PHOTO DOMINIQUE FAGET, AFP

Des carcasses de blindés entravent la route menant à l'aéroport, dans le sud de Lougansk, le 14 juillet.

Pendant ce temps, la recherche d'une solution politique semblait au point mort. La rencontre du président russe Vladimir Poutine avec la chancelière allemande Angela Merkel à Rio, en marge de la finale du Mondial, n'a abouti qu'à la répétition de leur souhait de «discussions directes dès que possible» entre Kiev et les séparatistes pour parvenir à un cessez-le-feu bilatéral.

La réalisation de ces souhaits se heurte depuis plusieurs jours à l'exigence de l'Ukraine de reprendre au préalable le contrôle de sa frontière avec la Russie, exigence que les rebelles et Moscou rejettent implicitement, mais fermement.

Le dialogue est devenu encore plus difficile dimanche après un incident frontalier entre l'Ukraine et la Russie. Accusant les forces de Kiev d'être à l'origine d'un tir d'obus qui a fait un mort du côté russe de la frontière, Moscou a évoqué une «escalade extrêmement dangereuse» et menacé l'Ukraine de «conséquences irréversibles».

«Séparatistes et leurs commanditaires»

Les autorités ukrainiennes ont démenti tout rôle dans cet incident, assurant que «les militaires ukrainiens n'ont jamais tiré sur le territoire de l'État voisin».

Il serait absurde, pour l'armée ukrainienne, de provoquer une éventuelle riposte des troupes russes, beaucoup plus puissantes, estime un expert, Alexeï Goloboutskiï, chef adjoint de l'Agence de modélisation de situations. «Pour l'Ukraine, un tel tir ne ferait qu'ajouter de nouveaux problèmes, avec des images de maisons détruites et de blessés (en Russie), dont elle n'a vraiment pas besoin», a-t-il dit à l'AFP.

«De tels incidents servent les séparatistes et leurs "commanditaires". Compte tenu du fait que la Russie fournit aux séparatistes des armements et contrôle une partie du territoire, il lui est facile de faire tourner les canons en direction du territoire russe. Puis, en accusant l'Ukraine, on obtient un bel effet de propagande», a estimé M. Goloboutskiï.

«Frappes ciblées»

Le journal russe Kommersant, citant une source proche du Kremlin, a traduit lundi matin ces «conséquences» par des «frappes ciblées» que la Russie pourrait mener ponctuellement sur le territoire ukrainien, contre les endroits d'où, selon elle, étaient partis les tirs contre son territoire.

«Notre patience a des limites», a rapporté une source proche du Kremlin au quotidien, ajoutant qu'«il ne s'agissait pas d'une quelconque action à grande échelle, mais exclusivement de frappes ciblées et ponctuelles sur des positions d'où sont effectués les tirs sur le territoire russe».

Selon la source, citée par Kommersant, Moscou «sait exactement d'où les tirs sont effectués».

Réagissant, le porte-parole du Kremlin a pourtant vertement démenti ces allégations.

«Les informations selon lesquelles la Russie envisage la possibilité de frappes n'ont aucun sens et ne sont pas réelles», a déclaré Dmitri Peskov à l'agence Bloomberg dans des propos repris par Interfax.

«La Russie n'envisage pas de frappes en Ukraine», a-t-il souligné.