L'Ukraine, dont les troupes combattent les rebelles prorusses dans l'Est, s'est donné jeudi un nouveau ministre de la Défense, qui a aussitôt dit espérer un jour un «défilé de la victoire» dans «un Sébastopol ukrainien» en Crimée, rattachée en mars à la Russie.

Avec la poursuite de son «opération antiterroriste», le président Petro Porochenko repousse de facto un éventuel retour au cessez-le-feu, réclamé la veille à Berlin par les Européens, jusqu'à ce que ses conditions, et notamment la reprise du contrôle de la frontière, soient remplies.

Cette opération pourrait s'intensifier avec l'arrivée à la Défense d'un ex-policier, Valeriï Gueleteï, ancien chef du service de protection des personnalités publiques, dont la nomination a été approuvée jeudi par le Parlement.

En présentant M. Gueleteï aux députés, M. Porochenko a souligné qu'il devrait réformer les forces armées. «Notre armée a besoin d'un chef qui, avec résolution et ténacité, entamera enfin d'urgentes réformes (...), réformes qui nous permettront de créer une telle armée que personne n'aura l'idée de projeter une agression contre notre État», a-t-il dit.

«L'Ukraine l'emportera»

«L'Ukraine l'emportera», a affirmé de son côté M. Gueleteï. «Il y aura un défilé de la victoire» et «il se déroulera dans un Sébastopol ukrainien», a-t-il lancé, sous les applaudissements des députés.

Sa nomination a été suivie de celle d'un militaire de carrière, le général Viktor Moujenko, à la tête de l'état-major.

Sur le plan diplomatique, le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel ont demandé ensemble jeudi au téléphone à Vladimir Poutine d'«intervenir auprès des séparatistes pour les amener à négocier et à trouver un accord avec les autorités ukrainiennes».

Un appel similaire a été lancé en fin de journée par Mme Merkel et le président américain Barack Obama, également après un entretien téléphonique avec le président russe. Les deux dirigeants occidentaux ont «souligné l'importance d'un cessez-le-feu rapide observé par les deux parties». «Dans ce cadre, la Russie doit avant tout apporter sa contribution et agir sur les séparatistes dans l'est de l'Ukraine pour que ce cessez-le-feu soit respecté», selon un communiqué de la chancellerie allemande.

Si Moscou ne s'exécute pas «à court terme», Washington et Bruxelles entameront de nouvelles démarches «coordonnées» en vue de nouvelles sanctions, a indiqué la Maison Blanche.

Ces entretiens se sont déroulés dans le sillage de la rencontre des quatre ministres ukrainien, russe, allemand et français des Affaires étrangères, mercredi à Berlin, qui a débouché sur l'appel à une réunion, au plus tard samedi, du groupe de contact rassemblant la Russie, l'Ukraine et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), avec la participation des rebelles.

Mais cette affirmation de la nécessité de se mettre d'accord ne laisse entrevoir aucun progrès immédiat.

Kiev a répété dès mercredi que l'Ukraine était prête à négocier dans le cadre du groupe de contact, mais qu'un éventuel cessez-le-feu devrait être «bilatéral» et non unilatéral, comme celui venu à expiration, marqué par de nombreux incidents armés et pertes en vies humaines.

Seulement avec la Russie

L'Ukraine pose deux autres conditions principales pour un cessez-le-feu : la reprise du contrôle de la frontière, sous la surveillance de l'OSCE, et la libération de «tous les otages» des rebelles.

Cette position a été «partagée et soutenue» à nouveau jeudi par les Etats-Unis, lors d'un autre entretien téléphonique entre le vice-président Joe Biden et M. Porochenko, a indiqué la présidence ukrainienne.

Pour leur part, les insurgés se disent prêts à des négociations indirectes, seulement avec la participation de la Russie.

«Si la Russie et l'OSCE nous font une proposition, nous serons d'accord pour participer à des consultations», a dit à l'AFP Andriï Pourguine, «vice-Premier ministre» de la «République populaire de Donetsk» proclamée par les séparatistes.

Pour l'analyste Vadym Karasyov, directeur de l'Institut des stratégies mondiales à Kiev, les perspectives d'un nouveau cessez-le-feu dépendent de la situation sur le terrain.

«Si Kiev remporte des succès militaires significatifs dans l'Est, les autorités n'iront pas vers un cessez-le-feu. (...) Arrêter l'opération, pour donner à l'adversaire le temps de recevoir des renforts et reprendre des forces n'aurait pas de sens», a-t-il expliqué à l'AFP.