L'Ukraine ne prolongera pas le cessez-le-feu avec les séparatistes de l'est du pays et va les attaquer, a annoncé le président Petro Porochenko dans la nuit de lundi à mardi.

«Après avoir examiné la situation, j'ai décidé, en tant que commandant en chef des forces armées, de ne pas prolonger le régime de cessez-le-feu unilatéral», a déclaré M. Porochenko dans une adresse à la nation lue à la télévision peu avant 1 h du matin.

Sa déclaration signait l'échec des efforts de Moscou et des Européens représentés par Berlin et Paris, qui avaient cherché lundi à le pousser à préserver le cessez-le feu qui expirait à 19 h GMT (15 h au Québec).

«Nous allons attaquer» les séparatistes qui contrôlent depuis plus de deux mois une grande partie des régions de Donetsk et Lougansk, a ajouté le président ukrainien, sur un ton grave et résolu.

Il a rejeté la responsabilité de cette situation sur les rebelles, sans jamais mettre en cause ni même mentionner la Russie, considérée par Kiev et l'Occident comme étant en grande partie responsable de l'agitation séparatiste.

«La chance unique d'appliquer le plan de paix n'a pas été saisie. Cela est dû aux actions criminelles des combattants (séparatistes). Ils ont proclamé publiquement leur refus de soutenir le plan de paix en général et le cessez-le-feu en particulier», a expliqué M. Porochenko.

L'Ukraine n'abandonne pas pour autant ce plan de paix et reste prête à y revenir.

«Nous sommes même prêts à revenir au régime de cessez-le-feu à tout moment. Quand nous verrons que toutes les parties s'attachent à appliquer les points essentiels de ce plan de paix», a dit M. Porochenko, citant la libération des «otages» des séparatistes et demandant que «de l'autre côté de la frontière (côté russe - ndlr) s'allume un feu rouge pour les saboteurs et les fournisseurs d'armes» et que la frontière elle-même soit surveillée par l'OSCE.

Cherchant à rassurer les habitants des régions séparatistes, dont l'exode, vers la Russie comme vers d'autres régions du pays, a pris de l'ampleur ces dernières semaines, il a promis que les forces ukrainiennes ne tireraient jamais sur les quartiers résidentiels et que ceux qui viendraient spontanément déposer les armes ne seraient pas poursuivis en justice.

M. Porochenko était confronté à la fois aux pressions russes et occidentales et à une opinion publique favorable à la reprise des opérations militaires contre les séparatistes parce que convaincu que la suspension des combats permet à ces derniers de recevoir de nouveaux renforts de Russie.

Contrôle de la frontière

Pour satisfaire cette dernière, il aurait dû pouvoir présenter des perspectives réalistes d'une fin rapide du conflit au cours duquel les Ukrainiens se sont sentis humiliés par des séparatistes prorusses bien armés et entraînés.

Les entretiens de lundi semblaient avoir apporté quelques progrès sur ce plan, mais visiblement ils n'ont pas été considérés comme suffisants.

Ainsi, selon Paris, les présidents russe et ukrainien étaient convenus de travailler à l'«instauration rapide, avec l'OSCE, d'un mécanisme effectif de contrôle de la frontière» et la «poursuite des libérations d'otages et de prisonniers des deux côtés, sur la base des listes de noms établies».

Selon un porte-parole d'Angela Merkel, le président Poutine s'est dit prêt à «autoriser l'accès de gardes-frontières ukrainiens sur le territoire russe», une indication confirmée par le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

«À la frontière russo-ukrainienne, ils doivent contrôler avec leurs collègues russes les endroits où les séparatistes du côté ukrainien occupent des postes-frontière», a ajouté le porte-parole allemand.

Sur ce point, plusieurs Ukrainiens interrogés par l'AFP ont indiqué qu'ils souhaitaient voir leur pays reprendre manu militari la maîtrise complète de leur frontière.

D'après un communiqué du Kremlin, le président russe a souligné lundi «l'importance d'une prolongation du cessez-le-feu» tandis que l'ensemble des «dirigeants s'est prononcé pour l'organisation urgente d'une troisième série de consultations entre les représentants de Kiev» et les insurgés. Cette perspective semble maintenant repoussée sine die.

Le cessez-le-feu, décrété par Kiev il y a dix jours et accepté ensuite par les rebelles, avait été violé à plusieurs reprises au cours de combats sporadiques, dont les deux parties se sont rejeté la responsabilité.

Selon Kiev, durant ces dix jours 27 soldats ukrainiens ont été tués et 69 blessés.