L'Ukraine a scellé vendredi à Bruxelles un accord historique d'association avec l'Union européenne, provoquant une réaction virulente de la Russie, sommée par l'UE d'apaiser d'ici à trois jours la situation dans l'Est séparatiste.

Après avoir signé l'accord, le président Porochenko a prorogé samedi de 72 heures le cessez-le-feu avec les séparatistes prorusses dans l'est de l'Ukraine, qui venait à échéance vendredi à 15 h (heure de Montréal), a annoncé l'Ukrainska Pravda sur son site web.

Cette décision a été prise à la suite d'une consultation en urgence de M. Porochenko avec les principaux responsables de la défense à son arrivée à Kiev, de retour de Bruxelles où il a assisté à un sommet de l'UE.

À Bruxelles, le président ukrainien a exigé la libération d'otages, dont des observateurs de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), et la fin des «infiltrations» d'armes et de combattants.

Un chef rebelle de la république séparatiste autoproclamée de Donetsk, Alexandre Borodaï, a d'ores et déjà fait savoir que les rebelles étaient d'accord pour prolonger la trêve «pour la même durée que celle que M. Porochenko a proposée».

M. Borodaï s'exprimait à l'issue de consultations avec des représentants de Kiev. Il a également indiqué qu'après une première libération la veille d'observateurs de l'OSCE retenus depuis le 26 mai, une deuxième équipe retenue dans l'Est depuis le 29 mai devrait être libérée incessamment.

«Un jour historique»

Les dirigeants de l'Union européenne, réunis à Bruxelles, ont donné trois jours à la Russie pour engager des actions concrètes destinées à faire baisser les tensions dans l'est de l'Ukraine, sous peine de nouvelles sanctions.

L'UE pose quatre conditions devant être remplies d'ici à lundi à la mi-journée, dont «l'ouverture de négociations de fond sur l'application du plan de paix du président Porochenko», selon les conclusions du Conseil.

«C'est un jour historique pour mon pays, le plus important depuis l'indépendance», avait auparavant déclaré M. Porochenko à Bruxelles, avant la signature de l'accord essentiellement commercial, qui vise en particulier à lever les barrières douanières entre les États de l'UE et l'Ukraine, pays d'environ 45 millions d'habitants doté d'une forte industrie métallurgique et important exportateur de produits agricoles.

La décision de Kiev de renoncer à signer cet accord en novembre dernier avait été à l'origine du renversement du pouvoir prorusse à Kiev et de l'insurrection dans l'Est, qui a fait plus de 400 morts.

En Russie, les réactions ont aussitôt pris une tournure menaçante.

«Le coup d'État anticonstitutionnel à Kiev et les tentatives d'imposer au peuple ukrainien un choix artificiel entre l'Europe et la Russie ont poussé la société vers une scission et une confrontation intérieure douloureuse», a déclaré M. Poutine à la télévision russe, soulignant au passage qu'il ne reconnaissait toujours pas la légitimité des autorités pro-européennes de Kiev.

Avec l'accord signé à Bruxelles, qui s'ajoute à ceux similaires qu'ont paraphés le même jour la Géorgie et la Moldavie, s'évanouissent les rêves de Vladimir Poutine de voir entrer l'Ukraine dans l'Union économique qu'il a créée avec d'autres pays de l'ex-URSS - le Bélarus et le Kazakhstan - au moment où il cherche à rétablir l'influence de Moscou dans cette zone.

Les menaces de la Russie

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigori Karassine, a averti que cela aurait des «conséquences graves» sur les relations commerciales avec l'Ukraine.

La Russie craint une arrivée de produits fabriqués dans l'UE, via ce pays, au détriment de sa production nationale, et estime que Kiev ne peut pas bénéficier de conditions commerciales privilégiées à la fois avec Bruxelles et Moscou.

Et près de deux semaines après la coupure du gaz russe à l'Ukraine faute d'accord sur le remboursement d'une dette, le géant russe Gazprom a menacé vendredi de réduire ses livraisons aux compagnies européennes qui fournissent du gaz à l'Ukraine «en flux inversés» pour compenser l'interruption des livraisons russes.

Le président Petro Porochenko, milliardaire de 48 ans, a été élu le 25 mai sur la promesse d'orienter vers l'Europe, l'Ukraine, ancienne république soviétique qui a accédé à l'indépendance en 1991. L'arrivée au pouvoir de pro-européens à Kiev et ses suites ont été à l'origine d'une poussée de fièvre dans les relations entre Russes et Occidentaux sans précédent depuis la Guerre froide.

Le nouveau chef de l'État n'a pas caché qu'il comptait faire de cet accord une première étape en vue de l'entrée de l'Ukraine dans l'UE, une perspective que les Européens ont pour l'instant écartée.

Son premier volet, d'ordre politique, avait été signé en mars par le premier ministre, Arseni Iatseniouk.

La signature du document était initialement prévue pour novembre dernier, avant la volte-face du président prorusse Viktor Ianoukovitch, qui a préféré se tourner vers Moscou pour obtenir une aide économique, l'Ukraine connaissant une récession quasi permanente depuis plus de deux ans.

Ce retournement de situation avait provoqué le mouvement de contestation qui a conduit à la chute de M. Ianoukovitch, suivie du rattachement de la Crimée à la Russie, et de la rébellion prorusse qui a entraîné en avril le déclenchement d'une opération militaire ukrainienne contre les insurgés.

Plus de 400 personnes ont été tuées depuis et, selon l'ONU, 54 400 personnes ont été déplacées en Ukraine tandis que 110 000 autres se sont réfugiées en Russie.

L'agence d'évaluation financière Moody's a abaissé vendredi de «stable» à «négative» la perspective de la dette de la Russie en raison de l'impact économique de la crise en Ukraine.

«Faire la paix avec tout le monde» 

Le président Porochenko, qui s'est notamment entretenu avec son homologue français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel, s'est dit prêt à conclure un accord de paix avec Vladimir Poutine.

«Je suis prêt à faire la paix avec tout le monde», a déclaré le président dans un entretien jeudi soir avec la chaîne de télévision américaine CNN.

Des représentants de Kiev et des responsables séparatistes ont poursuivi vendredi une troisième série de négociations indirectes à Donetsk, mais les combats se sont poursuivis ces derniers jours dans le bassin industriel russophone du Donbass.

Selon l'armée, cinq soldats ukrainiens ont été tués la nuit dernière dans des attaques rebelles.

Par ailleurs, quatre observateurs de l'OSCE enlevés le 26 mai par des prorusses ont été libérés dans la nuit.

Une deuxième équipe d'observateurs, basée à Lougansk, est retenue quelque part dans l'Est depuis le 29 mai.