La Russie a menacé de couper le gaz à l'Ukraine lundi matin après l'échec des négociations de dernière minute à Kiev susceptible de perturber l'approvisionnement en Europe et d'aggraver le pire conflit sur le continent depuis la fin de la guerre froide.

«Nous n'avons pas trouvé d'accord et il est peu probable que nous nous rencontrions de nouveau, nous sommes déjà dans l'avion» pour rentrer à Moscou, a déclaré à l'AFP au téléphone Sergueï Kouprianov, porte-parole du géant semi-public russe Gazprom à l'issue de négociations menées à Kiev avec la médiation de l'Union européenne.

Gazprom avait donné jusqu'à lundi à Kiev pour rembourser une dette de 1,95 milliard de dollars.

«Si nous ne recevons pas de paiement d'ici là, nous n'allons plus fournir de gaz», a dit M. Kouprianov.

Au passage, les livraisons de gaz russe en direction de l'Europe, dont près de la moitié transitent par le territoire ukrainien, risquent de se trouver affectées, comme pendant les précédents conflits gaziers, en 2006 et 2009.

Les responsables ukrainiens et les Européens ont dit encore espérer un compromis.

«Nous espérons que l'économie et le bons sens l'emportent sur la politique», a déclaré à la presse Andriï Kobolev, patron du groupe public ukrainien Nafrogaz.

«Nous allons essayer de nous rencontrer de nouveau le plus vite possible», a indiqué une source européenne.

Kiev a refusé la hausse des prix décidée par Moscou après l'arrivée au pouvoir de dirigeants pro-occidentaux fin février, conséquence de la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch : les 1000 mètres cubes de gaz sont alors passés de 268 à 485 dollars, un prix sans équivalent en Europe. Dans sa «dernière offre», Moscou a proposé 385 dollars.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a dénoncé dimanche «l'arrogance» de Kiev qui «rejette un compromis raisonnable» ce qui s'expliquerait, selon lui, par l'ingérence d'un «État tiers».

Après l'espoir d'une détente né des premiers contacts entre le président russe Vladimir Poutine et le nouveau chef de l'État ukrainien Petro Porochenko, le ton est monté entre Kiev et Moscou ce week-end.

Loi martiale dans l'Est?

Le président pro-occidental ukrainien a promis une «réponse adéquate» aux séparatistes après l'attaque contre l'avion abattu à Lougansk (49 morts), la plus meurtrière pour l'armée ukrainienne depuis le lancement le 13 avril d'une opération militaire dans l'Est séparatiste prorusse qui a fait plus de 300 morts.

L'introduction de la loi martiale dans l'Est rebelle «sera abordée» lundi lors d'une réunion du conseil de sécurité nationale et de défense convoqué par M. Porochenko, a indiqué dimanche le ministre ukrainien de la Défense  Mikhaïlo Koval.

M. Porochenko avait présenté la semaine dernière à Vladimir Poutine son plan de paix, faisant naître l'espoir d'une détente mis à mal après l'attaque de Lougansk revendiquée par les insurgés prorusses.

Les États-Unis ont réaffirmé vendredi que la Russie avait fourni aux séparatistes dans l'est de l'Ukraine des chars et des lance-roquettes, du matériel qui a franchi ces derniers jours la frontière entre les deux pays.

Poutine insulté par un ministre

Les pourparlers énergétiques se déroulent dans un contexte extrêmement tendu après des incidents samedi devant l'ambassade russe en Ukraine, en marge d'une manifestation pour protester contre l'attaque meurtrière de Lougansk.

La diffusion dimanche d'une vidéo montrant le ministre ukrainien des Affaires étrangères insultant le président russe Vladimir Poutine a rajouté à l'indignation de Moscou.

Sur ces images, Andrii Dechtchitsa, venu calmer la foule, dit aux manifestants qu'il est prêt à exiger avec eux que la Russie se retire de l'Ukraine et lâche «Poutine connard», un slogan lancé par des supporteurs de football il y a plusieurs semaines et devenu depuis en Ukraine un refrain très populaire.

Plusieurs hauts responsables russes ont crié au scandale et appelé le président ukrainien à limoger M. Dechtchitsa.

Les manifestants rassemblés samedi devant l'ambassade de Russie à Kiev voulaient que «le sang soit versé», a affirmé dimanche M. Lavrov en dénonçant les propos de son homologue ukrainien «qui ont dépassé les limites de la bienséance».

Un manifestant a décroché samedi le drapeau russe tandis que d'autres ont renversé les voitures diplomatiques, jeté des pavés et un cocktail molotov sur le bâtiment.