Des négociations ont repris samedi à Kiev pour éviter une coupure, redoutée en Europe, du gaz russe à l'Ukraine, sous le choc après l'attaque la plus meurtrière (49 morts) des séparatistes contre son armée dans l'Est.

Le ministre ukrainien de l'Énergie Iouri Prodan, le PDG du groupe semi-public russe Gazprom Alexeï Miller et le commissaire européen à l'Energie Guenther Oettinger ont entamé dans la soirée des pourparlers dans un hôtel de la capitale ukrainienne.

M. Prodan a dit devant la presse espérer des «négociations constructives», tout en affirmant que l'Ukraine était prête à faire face à une coupure du gaz dès lundi matin si aucun accord n'était trouvé pour le remboursement de sa dette de 1,95 milliard de dollars.

«Le délai limite (fixé par Gazprom, NDLR) expire lundi matin», a souligné avant le début de la rencontre M. Oettinger, laissant entendre que les discussions pourraient se poursuivre dimanche.

Les négociations se déroulent dans un contexte extrêmement tendu après qu'un avion militaire ukrainien a été complètement détruit en vol par un missile antiaérien des insurgés prorusses, ce qui a provoqué la mort de 40 parachutistes et des neuf membres de l'équipage.

Cette attaque près de l'aéroport de Lougansk, la plus sanglante depuis le déclenchement en avril d'une opération militaire ukrainienne dans l'Est, a suscité un regain d'inquiétude quant à la possibilité d'une issue pacifique à la crise.

Le président ukrainien pro-occidental Petro Porochenko a promis une «réponse adéquate» aux séparatistes et décrété dimanche journée de deuil national.

Dans un entretien téléphonique avec le président français François Hollande, M. Porochenko a plaidé pour de plus amples sanctions européennes contre la Russie si elle «continue de déstabiliser» son pays.

François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel ont exprimé samedi au téléphone au président russe Vladimir Poutine «leur grave préoccupation face à la poursuite des combats dans l'est de l'Ukraine».

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a de son côté appelé son homologue américain John Kerry à «user de son influence» sur Kiev pour mettre fin à l'opération militaire dans l'Est qui a fait plus de 300 morts depuis avril.

L'attaque contre le quadriréacteur IL-76 à Lougansk a mis à mal l'espoir d'une détente né ces derniers jours après de premiers contacts entre Kiev et Moscou.

Le Porochenko avait présenté cette semaine à Vladimir Poutine son plan de paix tandis que se sont déroulées plusieurs phases de pourparlers avec l'ambassadeur de Russie à Kiev depuis l'investiture le 7 juin du nouveau chef de l'État ukrainien.

Drapeau russe décroché 

Samedi à Kiev, quelque 300 personnes en colère se sont rassemblées devant l'ambassade de Russie, arborant des affiches sur lesquelles on pouvait lire «Russie tueuse !» ou «Non aux négociations avec Poutine !».

Un manifestant a décroché le drapeau pendant que la foule scandait «Fascistes !».

D'autres ont renversé des voitures diplomatiques avant d'en briser les vitres.

La Russie a vivement protesté samedi soir, dénonçant l'inaction de la police ukrainienne face à ces «actions provocantes».

«Les forces de l'ordre n'ont rien fait pour protéger l'ambassade, ce qui constitue une violation grossière des engagements internationaux de l'Ukraine», a souligné la diplomatie russe.

Washington a aussi condamné cette attaque et appelé Kiev à respecter la Convention de Vienne qui l'oblige à assurer la sécurité des bâtiments diplomatiques.

Combats à Lougansk et Marioupol 

Aux environs de l'aéroport de Lougansk où l'avion s'est écrasé, des insurgés récupéraient les insignes des parachutistes ukrainiens ou les sachets de produits alimentaires américains. Ils approuvaient l'attaque, disant que l'avion venait pour «tuer le peuple».

«L'aéroport est entièrement bloqué par nos forces», a affirmé à l'AFP Vadimir Inogorodski, porte-parole des séparatistes de la «République de Lougansk» autoproclamée.

Les États-Unis ont réaffirmé vendredi que la Russie avait fourni aux insurgés prorusses dans l'est de l'Ukraine des chars et des lance-roquettes, du matériel qui a franchi ces derniers jours la frontière entre les deux pays.

Des combats ont par ailleurs opposé samedi les forces ukrainiennes aux séparatistes dans plusieurs villes de l'Est. Cinq gardes-frontières ukrainiens ont été tués et sept blessés dans une embuscade tendue par les rebelles qui ont tiré au lance-roquettes sur leur convoi à Marioupol, port stratégique de 500 000 habitants sur les bord de la mer d'Azov.

Kiev a affirmé la veille avoir repris le contrôle de cette ville et y a provisoirement installé l'administration de la région de Donetsk.

À Gorlivka, dans la région de Donetsk, deux personnes ont été tuées et sept blessées dans des combats dans la nuit de vendredi à samedi, ont dit les autorités locales.

Selon un photographe de l'AFP, de fortes explosions ont retenti samedi à l'aube dans le centre de Lougansk, cité de 500 000 habitants proche de la frontière avec la Russie. Des avions et des hélicoptères de l'armée ukrainienne ont effectué dans la nuit des frappes contre les barrages tenus par les séparatistes.

Washington condamne l'attaque de l'ambassade russe à Kiev

Les États-Unis ont condamné l'attaque samedi de l'ambassade de Russie à Kiev et appelé les autorités ukrainiennes à respecter la Convention de Vienne qui les oblige à assurer la sécurité des bâtiments diplomatiques.

Environ 300 manifestants ukrainiens rassemblés samedi devant l'ambassade russe à Kiev ont notamment décroché le drapeau et renversé des voitures diplomatiques. Ils ont jeté des oeufs sur le bâtiment, situé dans un quartier excentré de Kiev, qu'ils ont aussi aspergé d'un liquide vert antiseptique sous les yeux de policiers qui ne sont pas intervenus.

Le secrétaire d'État américain John Kerry s'est également entretenu par téléphone avec le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk, ainsi qu'avec le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, selon un membre du département d'État.

M. Kerry a adressé ses condoléances au dirigeant ukrainien après l'attaque d'insurgés prorusses dans l'Est qui ont abattu un avion militaire, tuant 49 personnes.

«Il s'est également dit très inquiet au regard du flux d'armes lourdes et de militants qui traversent la frontière en provenance de la Russie et contribuent à une escalade de la violence dans l'Est de l'Ukraine», a ajouté ce membre du département d'État qui a souhaité conserver l'anonymat.

John Kerry a fait part de ces mêmes inquiétudes à M. Lavrov et a appelé la Russie à une désescalade de la situation en cessant son soutien aux séparatistes, et en travaillant activement avec l'Ukraine à un cessez-le-feu et à un dialogue politique.

Lors de ce même entretien, Sergueï Lavrov avait appelé les États-Unis à «user de leur influence» sur les autorités ukrainiennes pour mettre fin aux violences dans l'est du pays, selon la diplomatie russe.