Les États-Unis et la France ont enjoint vendredi la Russie à cesser de déstabiliser l'Ukraine tandis que l'ONU a appelé les acteurs de la crise à tout faire pour empêcher les insurgés prorusses de «déchirer» le pays.

«La Russie devra faire face à des coûts supplémentaires importants si elle maintient son attitude provocatrice et déstabilisatrice», ont averti Barack Obama et François Hollande à neuf jours de l'élection présidentielle prévue en Ukraine. Les deux présidents ont formulé cette mise en garde lors d'un entretien téléphonique, a indiqué la Maison-Blanche.

Auparavant, l'ONU avait dressé un tableau inquiétant de la «détérioration» de la situation des droits de l'homme dans l'Est contrôlée en grande partie par des séparatistes qui ont proclamé la «souveraineté» des régions industrielles de Donetsk et Lougansk à l'issue d'un référendum dimanche jugé «illégal» par la communauté internationale.

Meurtres, tortures, enlèvements et intimidations visant hommes politiques locaux et journalistes: l'ONU a tiré la sonnette d'alarme et la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme Navi Pillay a appelé les personnes disposant d'une influence sur les groupes armés «à faire tout leur possible pour freiner ces hommes qui semblent déterminés à déchirer le pays» dans une claire allusion à la Russie.

Selon le secrétaire général adjoint de l'ONU, Ivan Simonovic, 127 personnes, militaires ukrainiens, séparatistes prorusses, civils, sont mortes dans les «violents affrontements» entre les séparatistes et l'armée qui cherche en vain depuis un mois à reprendre le contrôle des régions.

L'impuissance de Kiev 

Sur le terrain, les séparatistes continuent d'étendre leur emprise scellant un peu plus l'échec de l'armée ukrainienne à reprendre le contrôle de l'est du pays après un mois d'opérations militaires.

Dernière preuve de l'impuissance de Kiev: des hommes armés ont pris sans faire usage de la force le contrôle du quartier général de la Garde nationale, les forces spéciales du ministère de l'Intérieur, de Donetsk.

L'ONU a également critiqué la politique de «harcèlement» et la «persécution» dont sont victimes les Tatars, minorité musulmane de la Crimée, depuis le rattachement de la péninsule ukrainienne à la Russie.

Ces derniers commémorent dimanche les 70 ans de leur déportation par Staline, mais les autorités de Crimée, qui empêchent leur leader historique Moustafa Djemilev de rentrer en Crimée, ont décrété l'interdiction de tout rassemblement.

Depuis Sotchi, dans le sud de la Russie, le maître du Kremlin, Vladimir Poutine, a dénoncé l'instrumentalisation de la question tatare et a promis aux Tatars un soutien financier.

«Nous ne pouvons en aucun cas admettre que les Tatars de Crimée deviennent une monnaie d'échange dans un quelconque différend, y compris interétatique, par exemple entre la Russie et l'Ukraine», a-t-il déclaré.

Le rapport de l'ONU a été fustigé par Moscou qui a accusé ses auteurs de remplir «une commande politique pour ''blanchir'' les autorités autoproclamées de Kiev».

Les ministres polonais et suédois des Affaires étrangères, principaux lobbyistes de l'Ukraine au sein de l'Union européenne, ont apporté leur soutien au gouvernement lors d'une visite à Kiev.

Poursuivre l'opération antiterroriste 

La Russie qui conteste la légitimité des autorités ukrainiennes provisoires «doit oeuvrer pour que l'élection se passe de manière la plus légitime possible», a dit à la presse le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski.

Son homologue suédois Carl Bildt a rencontré le président par intérim Olexandre Tourtchinov et a prôné le «dialogue avec les représentants élus des régions de l'est», excluant ainsi les séparatistes.

La veille un responsable du Département d'État américain avait menacé de «faire saigner» l'économie russe, déjà mal en point, à coups de nouvelles sanctions si la Russie cherchait à empêcher la présidentielle.

Dans la région de Donetsk, notamment autour des bastions sécessionnistes de Slaviansk et Kramatorsk, les affrontements entre l'armée ukrainienne et des séparatistes se déroulent régulièrement, surtout la nuit, depuis le lancement il y a près d'un mois d'une opération militaire pour rétablir le contrôle de Kiev sur les régions sécessionnistes.

«Nous ne devons en aucun cas cesser l'opération antiterroriste», a déclaré le chef des services de sécurité (SBU) Valentin Nalyvaïtchenko sur la chaîne Kanal 5, malgré l'échec pour l'instant de Kiev à reprendre la main dans ces régions russophones proches de la frontière russe.

Près de Slaviansk, bastion des séparatistes, l'armée ukrainienne a installé des postes de contrôle appuyés par des chars, des hélicoptères et des équipements de défense antiaérienne afin d'isoler la ville.

La présidentielle du 25 mai, convoquée après la destitution en février de Viktor Ianoukovitch, est jugée «cruciale» par les Occidentaux pour sortir de la crise. Le milliardaire prooccidental, Petro Porochenko est donné grand favori par tous les instituts de sondage. En revanche, un tiers seulement des électeurs de l'Est du pays se disent prêt à voter.