Le président russe Vladimir Poutine a passé en revue vendredi, à bord d'une vedette, les navires de la Flotte russe de la mer Noire dans le port de Sébastopol, en Crimée, à l'occasion de célébrations de la victoire sur les nazis.

M. Poutine, debout en imperméable noir sur le pont d'une vedette blanche, avec à son côté le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, est passé successivement devant une dizaine de navires militaires russes, congratulant grâce à un porte-voix les équipages au garde-à-vous en uniforme d'apparat, qui lui ont répondu par des «hourra, hourra, hourra» à l'unisson, selon les images de la télévision russe.

«Camarades, je vous félicite pour le 69e anniversaire de la victoire dans la Grande Guerre patriotique», a lancé M. Poutine devant chaque bâtiment.

Le dernier navire était le croiseur Moskva, navire amiral de la Flotte russe de la mer Noire.

Les quais du port de Sébastopol étaient bondés, selon les images de la télévision et un correspondant de l'AFP dans la foule.

À l'issue de la revue des navires, a commencé un défilé aérien comprenant des dizaines d'appareils, dont des bombardiers supersoniques Tupolev TU-22 et des chasseurs Soukhoï Su-27 qui ont réalisé des figures en formation au-dessus de la ville.

Les critiques de Washington



La Maison-Blanche a critiqué vendredi la visite du président Vladimir Poutine en Crimée, territoire récemment rattaché à la Russie aux dépens de l'Ukraine, et affirmé que le seul résultat de cette venue serait d'«exacerber les tensions».

«Nous n'acceptons pas l'annexion illégale de la Crimée par la Russie. Une telle visite ne fera qu'exacerber les tensions», a déclaré à l'AFP Laura Lucas Magnuson, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, le cabinet de politique étrangère du président Barack Obama.

Le président russe, qui a assisté vendredi matin au traditionnel défilé militaire sur la Place Rouge à Moscou, s'est rendu pour la première fois dans la péninsule ukrainienne dont le rattachement en mars à la Russie est dénoncé par les Occidentaux. 

Alors que des médias évoquaient cette visite cette semaine, la chancelière allemande Angela Merkel avait regretté une telle initiative.

«Inappropriée» selon l'OTAN

La visite du président Poutine en Crimée est «inappropriée», a estimé le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen, vendredi à Tallinn.

«Nous considérons toujours la Crimée comme territoire ukrainien et à ma connaissance, les autorités ukrainiennes n'ont pas invité Poutine à visiter la Crimée, donc de ce point de vue, sa visite en Crimée est inappropriée», a-t-il déclaré.

«Nous considérons l'annexion de la Crimée par la Russie comme illégale, illégitime, et nous ne la reconnaissons pas», a rappelé le secrétaire général de l'Alliance atlantique.

Le président Vladimir Poutine a salué vendredi la «force du patriotisme» en Russie lors de la parade militaire à Moscou commémorant la victoire de 1945 sur le régime nazi, célébration connue sous le nom de Jour de la Victoire, qui se veut une démonstration de la puissance russe en pleine crise avec les Occidentaux sur l'Ukraine.

Après la revue des troupes par le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, au son de la fanfare militaire, le maître du Kremlin a pris la parole sur la place Rouge devant les soldats et des vétérans de la Seconde Guerre mondiale.



«Défendre ses intérêts»


Le 9 mai «est une fête où triomphe la force toute-puissante du patriotisme, pendant laquelle nous sentons d'une manière particulière ce que signifie être fidèle à la Patrie, et combien il est important de défendre ses intérêts», a-t-il dit.

«La volonté de fer du peuple soviétique, son courage et sa fermeté ont sauvé l'Europe de l'esclavage», a-t-il poursuivi. «C'est notre pays qui a traqué les fascistes jusque dans leur tanière, a obtenu leur défaite complète et définitive, a vaincu au prix de millions de victimes et de terribles épreuves».

Chaque année, la Russie célèbre la victoire des Alliés dans la Seconde guerre mondiale le 9 mai - la capitulation ayant été signée tard le soir du 8 mai à Berlin, soit le 9 mai heure de Moscou.

Mais cet événement, par lequel Moscou fait montre de sa puissance militaire restaurée avec lance-missiles, chars d'assaut et bombardiers lourds, revêt une importance encore plus cruciale cette année pour le Kremlin, qui s'oppose aux Occidentaux sur l'Ukraine.

Le rattachement en mars de la Crimée à la Russie, survenu après l'arrivée au pouvoir d'autorités pro-européennes à Kiev, est à l'origine de la pire crise entre Russes et Occidentaux depuis la fin de la Guerre froide, qui n'a depuis cessé de dégénérer avec l'extension de violents troubles dans l'est de l'Ukraine, faisant craindre une glissade vers la guerre civile.

Célébrations discrètes en Ukraine

En Ukraine, les célébrations ont été plus discrètes. À Kiev, une courte cérémonie a eu lieu dans un parc dominant la ville en présence des anciens présidents Viktor Iouchtchenko, Leonid Koutchma et Leonid Kravtchouk, et du Premier ministre Arseni Iatseniouk.

«Il y a 69 ans nous avons combattu avec la Russie contre le fascisme et nous avons gagné. Aujourd'hui, la Russie a déclenché une guerre contre l'Ukraine. L'histoire se répète mais sous une autre forme», a déclaré M. Iatseniouk, appelant Moscou à «cesser de soutenir les terroristes qui tuent des civils en Ukraine».

Il avait déclaré auparavant craindre que l'appel de M. Poutine aux insurgés pro-russes de l'Est de l'Ukraine à reporter leur référendum prévu dimanche sur une «déclaration d'indépendance» de la république autoproclamée de Donetsk ne soit qu'un prélude à des «provocations».

Vendredi matin, un incident jugé suspect s'est produit à proximité de la tour de télévision de Kiev, selon les autorités ukrainiennes. Des câbles ont pris feu, privant la tour de courant électrique.

M. Poutine avait surpris mercredi en semblant adopter un ton plus conciliant que de coutume à l'égard de Kiev. Il avait proposé un scénario de «dialogue» prévoyant l'arrêt de l'opération militaire en cours dans le Sud-Est en échange d'un report du «référendum», mais les séparatistes ont décidé jeudi de maintenir cette consultation, une décision condamnée vendredi par Paris.

Les autorités de Kiev ont pour leur part fait savoir qu'elles ne reconnaissaient pas la légitimité de ce projet de «référendum terroriste».

Poursuite de l'opération

Le gouvernement ukrainien a de son côté répété jeudi qu'il n'avait nullement l'intention de renoncer à rétablir l'ordre dans l'Est, alors qu'il est engagé depuis le 2 mai dans une opération militaire dans cette zone, qui s'est déjà soldée par des dizaines de morts.

À Slaviansk, fief des rebelles pro-russes, des tirs et des détonations ont été entendus dans la nuit. Trois blindés légers, dont un avec drapeau russe, ont défilé vendredi matin dans le centre ville, dont la place centrale était noire de monde.

Le gouverneur autoproclamé Pavel Goubarev a proposé devant la foule qu'Igor Streltsov, commandant des milices à Slaviansk, devienne le «commandant» des forces d'autodéfense du Donbass.

Selon Interfax, une quarantaine d'hommes armés ont tenté jeudi soir de prendre d'assaut un poste-frontière dans la région de Lougansk en lançant des cocktails molotov, mais ont battu en retraite après que des garde-frontières ont ouvert le feu.

La tension va demeurer vive en Ukraine à l'approche du scrutin présidentiel du 25 mai, qui doit permettre l'élection du successeur de Viktor Ianoukovitch.

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, doit se rendre lundi à Kiev pour manifester le soutien de l'UE à l'Ukraine avant l'élection.

Les Occidentaux, qui jugent crucial que le scrutin se déroule correctement, accusent la Russie de tout faire pour déstabiliser l'Ukraine et empêcher sa tenue.

PHOTO MIKHAIL KLIMENTYEV, REUTEURS/RIA-NOVOSTI

Vladimir Poutine (2e en partant de la gauche) et Dimitri Medvedev (au centre) assistent au traditionnel défilé militaire du Jour de la Victoire sur la Place Rouge à Moscou, le 9 mai.