Kiev a mis mercredi ses forces armées en état d'alerte maximum pour tenter d'empêcher la propagation à de nouvelles régions de l'insurrection pro-russe qui ne cesse de s'étendre dans l'Est de l'Ukraine.

Les forces armées ukrainiennes se trouvent en «état d'alerte total» pour le combat face à la menace d'une intervention russe, a annoncé le président ukrainien par intérim Olexandre Tourtchinov.

La Russie a aussitôt réagi en sommant Kiev d'arrêter «immédiatement la rhétorique belliqueuse qui vise à intimider sa propre population».

Dans un geste qui devrait irriter encore davantage Moscou, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a annoncé que l'attaché militaire russe à Kiev avait été «arrêté» mercredi et «déclaré persona non grata».

«Suite à des agissements incompatibles avec son statut», le diplomate russe «doit quitter l'Ukraine dans les plus brefs délais», selon le ministère.

Au cours d'un entretien téléphonique, le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre britannique David Cameron ont convenu que la crise ukrainienne ne pourrait être résolue «qu'avec des moyens pacifiques», a indiqué le Kremlin.

A Kiev, M. Tourtchinov a déclaré que l'«objectif numéro un (était) d'empêcher le terrorisme de s'étendre» des régions de Donetsk et de Lougansk, en proie à une insurrection pro-russe armée, à d'autres régions.

«Il y a des tentatives de déstabiliser la situation à Kharkiv (est), Odessa (sud), Dnipropetrovsk (est), Zaporijjia (sud-est), Kherson et Mykolaïev (sud)», a-t-il dit.

Ensemble, ces huit régions constitueraient une large zone contiguë de la Russie et des territoires séparatistes de Crimée (rattachée à la Russie en mars) et de Transdniestrie en Moldavie, que Moscou contrôle de fait déjà.

Les rebelles pro-russes, hostiles au pouvoir qui s'est mis en place à Kiev après le renversement du président Viktor Ianoukovitch, ont continué ces derniers jours d'étendre leur emprise sur une série de villes de l'Est ukrainien. Ils contrôlent des sites stratégiques (mairie, siège de la police et des services de sécurité) dans plus d'une douzaine de villes.

c'est le cas de Gorlivka depuis mercredi matin. Selon des médias ukrainiens, quelques dizaines de militants pro-russes ont également occupé mercredi la mairie d'Altchevsk (110 000 habitants), proche de Lougansk.

Les rebelles se sont aussi emparés mardi de la plupart des bâtiments officiels de Lougansk, chef-lieu régional d'environ un demi-million d'habitants. Les rebelles, appuyés par des hommes armés de kalachnikovs et de lance-roquettes, ont obtenu la démission du chef de la police au terme d'un siège du bâtiment mardi soir, se retirant ensuite.

«L'Ukraine est attaquée. La Russie a lancé une guerre non déclarée contre notre pays dans l'Est», a affirmé mercredi Ioulia Timochenko, ex-Premier ministre et candidate à l'élection présidentielle anticipée prévue le 25 mai.

«Je n'ai aucun doute sur le fait que le but de M. Poutine est d'avoir le contrôle total de l'Ukraine», a pour sa part déclaré mercredi le président de la Commission européenne José Manuel Barroso.

Incertitude pour les observateurs de l'OSCE 

Le sort des observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) retenus depuis vendredi par des rebelles pro-russes à Slaviansk, bastion rebelle de l'Est, demeure incertain.

«Le dialogue est constructif, on se comprend les uns les autres», a déclaré mercredi le leader séparatiste de Slaviansk, Viatcheslav Ponomarev, qui a promis de «renvoyer (les observateurs) chez eux à la première occasion».

Les négociations se prolongent pour des «raisons techniques», a-t-il ajouté.

«Ils sont en bonne santé», a déclaré à Donetsk un porte-parole de l'OSCE, Michael Bociurkiw, qui n'a pas donné d'indications sur l'état des négociations. L'un des huit observateurs initialement retenus, un Suédois, a été autorisé à partir dimanche pour raison de santé.

Le président Poutine a déclaré mardi soir «espérer» la libération prochaine de la mission de l'OSCE, sept étrangers et quatre Ukrainiens. 

La Russie déjà en récession 

Russes et Occidentaux continuent par ailleurs de s'accuser mutuellement de l'aggravation de la crise en Ukraine.

Et Moscou a prévenu que la politique occidentale de sanctions ne resterait pas sans réponse. «Si cela continue, nous allons bien entendu devoir repenser la manière de travailler (des sociétés étrangères) en Russie» notamment dans le secteur énergétique, a déclaré M. Poutine.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a énoncé le même message. «Nous n'allons pas nous précipiter pour faire des choses stupides, nous voulons donner à nos partenaires la possibilité de se calmer. Toutefois, si ces actions continuent, nous étudierons la situation», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Santiago.

Le secrétaire d'État américain John Kerry avait peu auparavant accusé la Russie de «chercher à modifier l'architecture de la sécurité de l'Europe de l'Est» en «déstabilisant» l'Ukraine.

Pour M. Poutine, ce sont les États-Unis qui pilotent en sous-main depuis des mois les événements en Ukraine. Il n'y a selon lui «ni formateurs russes, ni unités spéciales, ni troupes» russes dans le pays.

Mardi, Moscou avait vigoureusement dénoncé les nouvelles sanctions imposées par les pays du G7, évoquant un retour à l'époque du «rideau de fer».

Selon le Fonds monétaire international (FMI), la crise ukrainienne a déjà plongé la Russie en récession en raison de la chute des investissements liée aux sanctions occidentales.

L'Ukraine, pour sa part, a vu son produit intérieur brut (PIB) chuter fortement de 2% au premier trimestre 2014 par rapport au précédent.

Le FMI a approuvé mercredi un plan d'aide de 17 milliards de dollars sur deux ans en faveur de l'Ukraine, menacée de banqueroute et fragilisée par l'insurrection pro-russe dans l'Est.

L'adoption de ce plan permet le déblocage immédiat d'un premier prêt de 3,2 milliards de dollars à Kiev, qui doit régler à la Russie une facture de gaz de plusieurs milliards de dollars.