Les autorités ukrainiennes ont lancé jeudi un assaut meurtrier contre les séparatistes à Slaviansk, bastion des insurgés pro-russes dans l'Est, aussitôt dénoncé par la Russie qui a riposté avec de nouvelles manoeuvres à la frontière.

«Nous sommes contraints de réagir à un tel développement de la situation», a expliqué le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou. «L'aviation effectue des vols (...) près de la frontière», a-t-il ajouté.

Les affrontements entre les troupes ukrainiennes et les séparatistes à Slaviansk «ont fait jusqu'à cinq morts» dans les rangs des insurgés et un soldat ukrainien a été blessé, selon le ministère ukrainien de l'Intérieur.

Les séparatistes ont fait état d'un mort et d'un blessé dans leurs rangs.

«Si le régime actuel à Kiev a vraiment commencé à utiliser l'armée contre la population dans le pays, c'est un crime très grave contre son propre peuple», a lancé le président russe Vladimir Poutine. Il a averti que cette opération aurait «des conséquences pour les gens qui prennent ces décisions».

Le leader des séparatistes de Slaviansk, Viatcheslav Ponomarev, avait demandé dimanche à Vladimir Poutine d'envoyer des troupes russes pour soutenir les insurgés, renforçant les craintes d'une intervention et à terme d'une prise de contrôle des régions de l'Est russophone, à l'image de la Crimée en mars.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé à «éviter à tout prix les actions militaires», redoutant «que la situation n'échappe à tout contrôle avec des conséquences imprévisibles».

Kiev «ne va pas reculer»

Les autorités ukrainiennes, qui ont relancé lundi leur «opération antiterroriste» dans la zone et ont promis aux séparatistes leur «élimination», semblent déterminées à poursuivre leur offensive.

«Nous n'allons pas reculer devant la menace terroriste», a lancé le président par intérim, Olexandre Tourtchinov, dans une adresse télévisée à la Nation. «Nous exigeons que la Russie cesse de s'ingérer dans nos affaires intérieures, cesse le chantage et les menaces, et retire ses troupes de la frontière orientale de l'Ukraine», a-t-il dit.

Sur le terrain, des journalistes de l'AFP ont entendu dans la matinée des tirs à un barrage des insurgés à une entrée nord de Slaviansk puis vu plusieurs blindés, dont l'un arborant le drapeau ukrainien, passer le poste de contrôle, enflammé par les pro-russes.

Les blindés ont cependant battu en retraite dans l'après-midi, mettant soudainement fin à l'opération dans la ville de plus de 100 000 habitants.

Kiev a également annoncé la «libération» de la mairie de Marioupol, un port de près de 500 000 habitants dans le Sud-Est après des heurts qui ont fait cinq blessés. Plus au nord, un soldat a été blessé dans un assaut des séparatistes contre une base militaire à Artemivsk.

Obama menace de sanctions

À Tokyo, Barack Obama a fait porter sur la Russie la responsabilité de l'échec du compromis international signé il y a une semaine à Genève et qui était censé amorcer une désescalade des deux côtés.

«Jusqu'à présent, nous ne les avons pas vu respecter ni l'esprit ni la lettre de l'accord de Genève», a déploré le président des États-Unis au cours d'une conférence de presse.

«Nous continuons de voir des hommes armés malveillants prendre des bâtiments, harceler les gens qui ne sont pas d'accord avec eux, déstabiliser la région et nous n'avons pas vu la Russie intervenir pour les décourager», a-t-il déclaré.

M. Obama a ajouté que si la Russie continuait d'ignorer l'accord de Genève et n'agissait pas de façon «plus réfléchie», il y aurait «des conséquences et de nouvelles sanctions» américaines à son encontre.

La Bourse de Moscou, déjà affaiblie depuis deux mois par les fuites massives de capitaux que subit la Russie, a chuté de plus de 2% face à l'escalade, et les prix du pétrole sont partis à la hausse.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a accusé de son côté les Occidentaux de se servir de l'Ukraine comme d'«un pion dans le jeu géopolitique».

Mercredi, il avait averti que la Russie était prête à intervenir si ses intérêts étaient menacés dans l'est de l'Ukraine, faisant le parallèle avec l'Ossétie du Sud.

En août 2008, l'armée russe était entrée en Géorgie à la suite d'attaques géorgiennes contre ce territoire séparatiste pro-russe, où Moscou maintient des troupes jusqu'à présent après en avoir reconnu l'indépendance ainsi que celle de l'Abkhazie, une autre région géorgienne jouxtant son territoire.

L'Otan a fustigé la «rhétorique enflammée de Moscou».

Les autorités russes n'ont de cesse de  dire que les populations ukrainiennes d'origine russe sont menacées par les nationalistes qui soutiennent le pouvoir pro-occidental en place à Kiev depuis la destitution du président Viktor Ianoukovitch.

Washington et Kiev reprochent de leur côté à Moscou d'avoir massé des soldats à la frontière et de soutenir les insurgés de l'Est de l'Ukraine en ayant envoyé des agents armés ce que Moscou dément.

Les États-Unis ont décidé de renforcer leurs forces dans la région en dépêchant 600 soldats en Pologne et dans les pays baltes.

À Slaviansk, le journaliste américain Simon Ostrovsky, détenu depuis lundi soir par les séparatistes, a été libéré dans la soirée et raccompagné par des confrères à Donetsk. Il a raconté avoir été battu pendant ses premières heures de détention, mais être en bonne santé.

Washington avait dénoncé sa détention, qualifiée d'«enlèvement».