L'envoi par Kiev de son armée dans l'Est contre les insurgés pro-russes met le pays «au bord de la guerre civile», a averti mardi le président Vladimir Poutine, tout en mettant aussi l'accent «l'importance» des pourparlers de paix prévus jeudi à Genève.

«Le président a souligné que l'escalade brutale du conflit avait mis le pays au bord de la guerre civile», a déclaré le Kremlin à l'issue d'une entretien téléphonique entre M. Poutine et la chancelière allemande Angela Merkel.

L'intervention de l'armée ukrainienne représente «un recours inconstitutionnel à la force contre des manifestations pacifiques», estime Moscou.

Au troisième jour de «l'opération antiterroriste de grande envergure» annoncée par Kiev, des forces ont été massées près d'Izioum, à 40 km au nord de Slaviansk, contrôlée depuis samedi par des hommes puissamment armés et organisés, mais ne portant pas d'insignes sur leurs uniforme. Et des renforts ont été héliportés à 15 km au sud de la cette localité, pour la prendre en étau.

Cette ville de 120 000 habitants est devenue emblématique de la dernière série d'insurrections pro-russes qui menace plus que jamais l'Ukraine et ses 46 millions d'habitants d'éclatement entre l'Est russophone et le centre et l'ouest tournés vers l'Europe.

Cette offensive a attisé les tensions avec le puissant voisin russe, qui a massé selon l'OTAN jusqu'à 40 000 hommes à la frontière.

Signe de l'impasse diplomatique dans la pire crise Est-Ouest depuis la fin de la guerre froide, la Maison Blanche a au contraire déclaré que le pouvoir pro-européen de Kiev était dans une position «intenable» face aux insurgés et sa réponse «mesurée».

L'atmosphère s'annonce donc des plus tendues pour la réunion quadripartite prévue jeudi à Genève entre l'Ukraine, la Russie, les États-Unis et l'Union européenne afin de tenter de dénouer la crise.

A ce propos, M. Poutine et Mme Merkel «ont exprimé l'espoir que la rencontre de Genève puisse donner un signal clair pour faire revenir la situation dans un cadre pacifique», selon le Kremlin. «La préparation de la rencontre (...) a été au centre de la discussion», a confirmé Berlin.

En cas d'échec de cette réunion, les États-Unis ont indiqué être prêts à imposer de nouvelles sanctions contre Moscou. Selon le département d'État, cela pourrait vouloir dire cibler davantage d'individus que ceux visés par les sanctions existantes, voire interdire l'accès à certains secteurs économiques clés comme les mines, l'énergie et les services financiers.

Le département d'État a toutefois indiqué que «la prochaine étape devrait être (la rencontre à Genève) jeudi, parce que c'est l'occasion pour chacun de s'asseoir autour d'une table et d'avoir une discussion».

Sur place en Ukraine, le général Vassyl Kroutov, numéro deux des services de sécurité ukrainiens (SBU) et commandant de «l'opération antiterroriste», a affirmé que les séparatistes qui ne déposeront pas les armes seraient «liquidés».

Selon lui, ces insurgés non identifiés font partie des «troupes spéciales du GRU (renseignement militaire russe, NDLR) qui ont une grande expérience des conflits». C'est «un ennemi difficile», a-t-il dit, assurant que 300 d'entre eux étaient encore arrivés lundi, la plupart à Slaviansk.

Kiev avait annoncé mardi matin l'envoi «au front» d'un premier bataillon de la Garde nationale. L'unité est formée de volontaires des unités d'autodéfense du Maïdan, haut lieu du mouvement de contestation dans le centre de Kiev qui a renversé en février le régime pro-russe du président Viktor Ianoukovitch.

Un chiffon rouge pour Moscou, qui ne reconnaît pas le régime intérimaire de Kiev et considère comme «fascistes» plusieurs des groupes du Maïdan.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, avait d'ailleurs prévenu mardi matin que tout ordre «criminel» de Kiev d'«envoyer les chars» ferait capoter les pourparlers de Genève, qui doivent être les premières négociations internationales depuis le début de crise.

Kiev et les Occidentaux voient la main de Moscou derrière les récents soulèvements, qui rappellent selon de nombreux experts l'intervention des forces ayant pris le contrôle de la Crimée avant son rattachement à la Russie.

L'UE a d'ailleurs décidé d'étoffer ses sanctions ciblées contre des personnalités impliquées dans la crise, ce que Moscou a dénoncé comme «contreproductif», appelant les Européens à plutôt «se concentrer sur la recherche commune d'une solution».

Le président ukrainien par intérim Olexandre Tourtchinov a quant à lui fustigé mardi les «projets brutaux» de la Russie qui «veut que s'embrasent tout l'est et le sud de l'Ukraine, de la région de Kharkiv à celle d'Odessa».

Et l'OTAN a une nouvelle fois exhorté la Russie à «faire baisser la pression» en faisant reculer ses troupes massées près de la frontière.

Les pro-russes réclament un rattachement à la Russie, ou au minimum une «fédéralisation» de l'Ukraine, pour donner de grands pouvoirs aux régions, mais l'Ukraine a indiqué qu'elle ne comptait pas parler de fédéralisme jeudi.