L'OTAN a dénoncé mercredi comme «incroyablement inquiétante» la présence militaire russe à la frontière de l'Ukraine, tandis que les autorités pro-européennes de Kiev ont cherché à calmer le jeu en proposant une «décentralisation» favorable aux régions russophones.

«Je partage vraiment les préoccupations du Saceur (Commandant suprême des forces alliées en Europe)», le général américain Philip Breedlove, a déclaré le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, lors d'une conférence de presse à Bruxelles.

Le plus haut gradé de l'OTAN, qui dirige les forces américaines et celles de l'alliance en Europe, a jugé «incroyablement inquiétante» la présence massive de troupes russes à la frontière ukrainienne, indiquant n'avoir constaté «aucune réduction significative».

«Nous pensons qu'ils (les soldats russes) sont prêts à y aller et qu'ils pourraient remplir leurs objectifs en trois à cinq jours» s'ils en recevaient instruction, a dit le général Breedlove à des médias anglo-saxons, citant comme objectifs potentiels de Moscou l'établissement d'un corridor terrestre dans le sud de l'Ukraine pour relier la Crimée à la Russie, la prise du port ukrainien d'Odessa ou encore de la région moldave russophone et séparatiste de Transdniestrie, située à l'ouest de l'Ukraine.

Tentant d'atténuer les tensions, les autorités pro-européennes de Kiev ont affiché leur volonté d'une «décentralisation» au profit des régions, loin cependant de la «fédération» qui selon Moscou peut seule garantir la protection des populations russophones.

Le gouvernement intérimaire a adopté le principe d'une «décentralisation du pouvoir et d'une extension importante des pouvoirs des collectivités locales,» pour «concilier les intérêts des communautés nationales et locales» selon un texte posté sur son site.

Une annonce qui cherche à éloigner le spectre d'une intervention russe, alors que le président Vladimir Poutine a promis de défendre «à tout prix» les populations russophones, et que la Russie a absorbé le mois dernier la péninsule de Crimée.

Depuis le renversement de l'ancien président Viktor Ianoukovitch fin février, après son revirement sur un rapprochement avec l'Europe et son alignement sur le Kremlin, de vives tensions sont apparues dans les régions russophones du pays.

M. Ianoukovitch a déclaré mercredi ne «pouvoir accepter» ce rattachement de la Crimée à la Russie, tout en rejetant la responsabilité de cette perte sur les nouvelles autorités de Kiev.

La proposition de «décentralisation» rejoint une recommandation de plusieurs pays occidentaux et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Graves retombées économiques 

Elle répond aussi au ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov qui a lancé l'idée d'une «fédéralisation» de l'Ukraine permettant de «protéger les droits de ceux qui vivent en Ukraine, et principalement de la population russe», idée aussitôt dénoncée par Kiev comme une manoeuvre pour une «partition» du pays.

Elle intervient à la veille de pourparlers à Moscou sur les livraisons de gaz russe, dont la Russie a fait une arme dans son bras de fer avec Kiev, qui dépend pour les trois-cinquièmes de ces livraisons.

Mardi, le géant russe Gazprom a annoncé une augmentation de plus d'un tiers du prix du gaz vendu à l'Ukraine.

Et jeudi, le patron du groupe gazier ukrainien Naftogaz Andriï Kobolev doit discuter avec celui de Gazprom, Alexeï Miller, sous la double menace d'une dette de 1,7 milliard de dollars et d'une nouvelle hausse.

La Russie entend en effet mettre fin à une autre ristourne, accordée en 2010 lors d'un accord sur la prolongation du bail de la Flotte russe de la mer Noire dans sa base historique de Sébastopol, en Crimée.

Cela ferait passer le gaz russe à environ 480 dollars les 1000 mètres cubes, l'un des tarifs les plus élevés appliqués aux pays européens, alors que l'Ukraine est en pleine crise économique et dépend d'une aide vitale du FMI négociée la semaine dernière.

La patronne du FMI, la Française Christine Lagarde, a d'ailleurs mis en garde sur les graves «retombées» que la crise ukrainienne pourrait avoir sur l'économie mondiale si elle n'était «pas bien gérée».

A Bruxelles, l'UE et les États-Unis ont dénoncé cette utilisation de l'énergie comme «arme politique ou instrument d'agression».

Des difficultés qui «soulignent la nécessité d'assurer la sécurité énergétique, pas seulement de l'Ukraine, mais aussi de l'Europe», pour le secrétaire d'État américain, John Kerry.

Un responsable du Trésor américain a de son côté averti mercredi la Russie que toute «escalade» en Ukraine «ne ferait que l'isoler davantage» de l'économie internationale.

Les relations américano-russes se sont tendues encore un peu plus avec la décision de la Nasa de suspendre tous ses contacts avec la Russie, à l'exception de la collaboration portant sur la Station spatiale internationale (ISS).