L'égérie de la Révolution orange et ex-première ministre, Ioulia Timochenko, s'est lancée jeudi dans la course à la présidence ukrainienne, affirmant avec son punch coutumier que ses concurrents potentiels n'étaient pas de taille à gérer la crise actuelle.

Faisant allusion à la crise ayant conduit à la perte de la Crimée, elle a affirmé aussi que le président russe Vladimir Poutine était «l'ennemi numéro un de l'Ukraine».

«Je prévois d'être candidate au poste de président», a dit Mme Timochenko, 53 ans, personnalité controversée et charismatique, au cours d'une conférence de presse à Kiev.

«Aucun des hommes politiques ukrainiens qui se préparent à être candidats à la présidence ne prend la mesure de l'anarchie et ne s'apprête à l'arrêter», a-t-elle dit.

Affirmant «renoncer à la publicité qui n'a aucun sens», elle a invité ses concurrents à débattre avec elle, et dit avoir l'intention de «briser les grandes corporations claniques» des oligarques.

«Je saurai créer une armée moderne», a-t-elle affirmé, alors que le pays ne s'est pas encore remis de l'humiliation subie en Crimée, où les bases ukrainiennes sont tombées aux mains des Russes sans combat.

«Poutine ennemi numéro un»

«J'ai des renseignements utiles pour arrêter cette agression. Mais pour réaliser mes plans, je dois être au pouvoir», a-t-elle dit, avant d'ajouter : «Vladimir Poutine est l'ennemi numéro un de l'Ukraine!»

Dans une conversation téléphonique récente, dont l'enregistrement a été diffusé sur l'internet, Mme Timochenko avait affirmé qu'il fallait «fusiller» les Russes «avec des armes nucléaires». Elle a reconnu ensuite que c'était bien sa voix, tout en dénonçant un «montage» de cette partie de ses propos. Mais le reste de la conversation était également marqué par une grande violence, Mme Timochenko disant aussi qu'elle allait «utiliser tous ses contacts, soulever le monde entier, pour qu'il ne reste de la Russie pas même un champ brûlé».

Ces propos lui ont valu des critiques du gouvernement allemand.

Jeudi, évoquant la situation politique intérieure et faisant allusion aux querelles ayant paralysé en 2005 le gouvernement pro-occidental issu de la Révolution orange, elle a promis de faire tout pour «éviter un tel sale boulot politique».

Concernant les tensions dans la partie orientale russophone du pays, où des mouvements pro-russes sont actifs, elle a affirmé être «capable de trouver un langage commun avec tous ceux qui vivent dans l'Est».

Elle a précisé qu'elle comptait solliciter les députés de son parti Batkivchtchina (Patrie) qui doit tenir son congrès le samedi 29 mars, pour qu'ils présentent officiellement sa candidature, et a promis de présenter devant un eux un programme détaillé.

Contrats gaziers

Mme Timochenko a déjà été candidate à la présidence en 2010 et elle a été battue par une petite marge par Viktor Ianoukovitch. L'année suivante elle a été condamnée à sept ans de prison pour abus de pouvoir lors de la conclusion de contrats gaziers avec la Russie. Pour ses partisans et une partie des pays occidentaux, sa condamnation était due à des raisons politiques.

Elle a été remise en liberté le 22 février, jour de la destitution du président Viktor Ianoukovitch par les contestataires de Kiev opposés à sa volte-face pro-russe, et brigue maintenant son poste. Le président par intérim, Olexandre Tourtchinov, a indiqué qu'il ne serait pas candidat.

Selon un sondage récent, c'est le milliardaire et homme politique Petro Porochenko qui a le plus de chances de l'emporter le 25 mai, avec 24,9 % des suffrages au premier tour, tandis que Mme Timochenko arriverait troisième, avec 8,2 %, après l'ex-boxeur Vitali Klitschko (8,9 %). Le scrutin se déroulera dans le sillage de la crise économique et politique majeure qui a conduit l'Ukraine au bord de la faillite et lui a coûté la perte de la Crimée, rattachée à la Russie.

M. Porochenko, qui a aidé les contestataires du Maïdan, mais qui avait été ministre sous la présidence de Viktor Ianoukovitch, peut apparaître comme un candidat de rassemblement dans un pays traversé par des tensions entre pro-européens et pro-russes.