L'Ukraine a décidé lundi de retirer ses troupes de Crimée où l'essentiel de ses bases sont tombées en trois semaines d'occupation sous le contrôle de la Russie qui risque d'être exclue du G8, le club des nations les plus riches.

En Crimée, rattachée la semaine dernière à la Russie, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou inspectait lundi les installations militaires au moment où les grandes puissances menées par le président américain Barack Obama discutaient de nouvelles sanctions contre Moscou dont son exclusion du G8 lors d'un sommet à La Haye.

Dans la nuit de dimanche à lundi, entre 60 et 80 fusiliers marins ukrainiens ont été capturés et leurs commandants emportés en hélicoptère à l'issue d'un assaut musclé contre une base d'infanterie de marine à Feodossia, a indiqué le ministère ukrainien de la Défense.

L'opération a été menée avec des blindés légers et des hélicoptères, et des tirs de mitrailleuses ont été entendus. Plusieurs camions transportant les soldats ukrainiens ligotés ont quitté la base deux heures après le début de l'assaut.

Les soldats ont ensuite été autorisés à retourner dans leurs quartiers.

Certains d'entre eux ont raconté à un photographe de l'AFP sur place qu'ils n'y retrouvaient plus leurs ordinateurs et autres objets de valeur.

Coups de pied au visage

La veille, ils ont mis leurs armes dans un dépôt pour les évacuer lundi comme c'était convenu avec les Russes et ne s'attendaient pas à une attaque.

«Le commandant du bataillon, Dmytro Deliatnitski et son adjoint Rostislav Lomtev, ont été jetés à terre et ont reçu des coups de pied au visage. Ensuite, ils ont été emportés à bord d'un hélicoptère dans une direction inconnue», a indiqué le ministère ukrainien dans un communiqué.

Plusieurs militaires ukrainiens ont été battus, selon des sources concordantes.

Selon un porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, les soldats ont refusé de quitter les lieux tant que leurs chefs ne seraient pas remis en liberté.

Selon le ministère, les Russes ont posé comme condition de la libération des militaires retenus «le départ forcé des officiers ukrainiens de Crimée vers l'Ukraine continentale».

À Kiev, le président par intérim Olexandre Tourtchinov a indiqué lundi que les troupes ukrainiennes en Crimée seraient redéployées en Ukraine continentale.

Cette annonce marque un changement de position des autorités ukrainiennes qui avaient auparavant autorisé les militaires à tirer pour défendre leurs bases en Crimée.

Mais la décision finale appartenait aux commandants sur le terrain et les bases sont tombées pratiquement sans combat aux mains des Russes qui ont également saisi plusieurs bateaux de la flotte ukrainienne malgré les protestations de Kiev et de l'Occident.

Le vice-premier ministre de la Crimée Roustam Temirgaliev a affirmé lundi qu'il n'y avait plus de troupes ukrainiennes fidèles à Kiev en Crimée.

«Tous les militaires ukrainiens en Crimée sont passés du côté de la Russie ou bien sont en train de quitter le territoire de la république», a-t-il dit.

Dans l'ouest de la Crimée, le navire Konstantin Olchanski était ancré dans le lac de Donouzlav toujours avec un drapeau ukrainien au mât. Il était accosté par un petit bateau battant pavillon russe, a constaté un journaliste de l'AFP.

Les forces russes en Crimée cherchent depuis quatre jours à s'emparer des dernières bases encore tenues par les forces ukrainiennes.

Deux bases ont été saisies samedi par les forces russes, à Novofedorivka et à Belbek.

Faire payer la Russie

Sur le front international, le président Barack Obama a promis lundi une action unie de l'Occident contre Moscou en représailles au rattachement de la Crimée, avant un sommet qui pourrait exclure la Russie du club fermé des nations les plus riches.

«L'Europe et les États-Unis sont unis pour soutenir le gouvernement ukrainien et les Ukrainiens, nous sommes unis pour faire payer un coût à la Russie pour les actions qu'elle a entreprises jusqu'ici», a affirmé M. Obama.

Il participe lundi soir et mardi à un sommet sur la sécurité nucléaire qui risque d'être complètement éclipsé par les discussions sur l'Ukraine qui avait renoncé en 1994 à son arsenal nucléaire obtenant des garanties de son intégrité territoriale de la part des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la Russie.

Après ce qu'elles appellent «l'annexion de la Crimée» à la Russie, les autorités ukrainiennes craignent une invasion imminente dans l'est russophone de l'Ukraine malgré les démentis de Moscou.

D'autres pays de l'ancien bloc communiste s'inquiètent eux aussi pour leur intégrité territoriale.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le secrétaire d'État américain John Kerry devaient se rencontrer lundi en marge du sommet nucléaire, et leurs échanges pourraient bien être les plus virulents depuis le début de la crise ukrainienne.

Il s'agira de leur première rencontre depuis que Washington a imposé des restrictions financières contre des personnalités proches de Vladimir Poutine en représailles à l'absorption de la Crimée.