Les dirigeants européens ont affirmé vendredi leur soutien à l'Ukraine en signant le volet politique d'un accord d'association et en sanctionnant, après les États-Unis, des proches du président russe Vladimir Poutine.

«L'Union européenne soutient les Ukrainiens et leur droit de décider de leur propre avenir», ont affirmé les 28 chefs d'État et de gouvernement de l'UE avant d'accueillir au sein de leur sommet à Bruxelles le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk.

La signature du volet politique de l'accord d'association entre l'UE et Kiev creuse un peu plus le fossé entre les Occidentaux et la Russie à l'issue d'une semaine de tensions croissantes autour de la Crimée.

Moscou est en passe de finaliser le rattachement de cette presqu'île russophone, qui a été ratifié vendredi à l'unanimité par la chambre haute du parlement russe, après l'avoir été la veille par la chambre basse.

Estimant que la situation ne montrait aucun signe de «désescalade», les États-Unis et l'UE ont décidé jeudi de durcir les sanctions visant des responsables russes ou ukrainiens pro-russes.

Washington a frappé haut en ciblant de proches collaborateurs du président Vladimir Poutine, dont Sergueï Ivanov, son chef de cabinet. Ils ont ajouté 20 personnes à la liste des onze dont les avoirs étaient déjà gelés.

Bruxelles a emboité le pas en décidant l'ajout de 12 Russes et Ukrainiens pro-russes à leur liste, portant à 33 le nombre de personnes ciblées. Les nouveaux sanctionnés sont des responsables «haut placés» comme le vice-premier ministre Dmitri Rogozine, et les présidents des chambres haute et basse du parlement russe. Le chef de cabinet de M. Poutine ne figure cependant pas sur la liste européenne.

«Toutes ces sanctions ne valent pas un seul grain de sable de la terre de Crimée qui est retournée à la Russie», a réagi M. Rogozine sur son site Twitter.

La Russie n'avait pas annoncé de mesures de rétorsion vendredi à la décision européenne alors qu'elle avait immédiatement sanctionné jeudi trois conseillers du président Barack Obama et des parlementaires, dont le sénateur conservateur John McCain.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a averti que les tentatives d'isoler la Russie étaient «une voie sans issue».

L'UE moins dépendante du gaz russe

Inédit dans l'histoire de l'UE, l'accord d'association vise à arrimer l'Ukraine à l'Union, sans pour autant déboucher sur son adhésion au bloc des 28.

L'UE et l'Ukraine étaient convenus de signer cet accord en novembre, mais le président ukrainien Viktor Ianoukovitch avait fait volte-face sous pression de Moscou, déclenchant la crise qui a conduit à sa chute puis au rattachement de la Crimée à la Russie.

Seuls les chapitres «politiques» de l'accord ont été signés, ceux instituant une zone de libre échange ayant été renvoyés à la formation d'un gouvernement ukrainien issu des élections du 25 mai, et au lancement de réformes économiques demandées par le FMI.

L'UE a par ailleurs décidé d'accélérer les préparatifs pour signer «au plus tard en juin» un accord d'association avec la Géorgie et la Moldavie, deux autres anciennes républiques soviétiques souhaitant sortir de la sphère d'influence russe.

À l'issue de la signature, M. Iatseniouk a appelé l'UE à prendre de «réelles» sanctions économiques contre la Russie, car c'est le «meilleur moyen de (la) contenir».

Les 28 ont cependant décidé de ne pas franchir pour l'instant cette étape, le stade 3 de sa réponse graduée à la crise, en raison notamment des conséquences économiques pour les Européens eux-mêmes.

Mais l'UE veut se projeter à plus long terme en élaborant pour le mois de juin un plan d'action destiné à «accélérer» la «réduction de la dépendance énergétique, particulièrement à l'égard de la Russie», a déclaré M. Van Rompuy.

«L'Europe doit faire en sorte d'être plus indépendante et mieux armée dans les approvisionnements énergétiques», a souligné le premier ministre britannique David Cameron. Plusieurs pays, notamment en Europe de l'Est, dépendent en effet à 100% du gaz russe.

Paris suspend sa coopération militaire

Les Européens vont également aider l'Ukraine, confronté à de graves difficultés économiques, à faire face à l'augmentation de sa facture énergétique. Moscou a annoncé vendredi la suppression d'une nouvelle aide, le rabais qu'elle accordait à Kiev sur le prix du gaz en échange de l'utilisation d'une base navale en Crimée.

L'Ukraine va désormais devoir payer 480 dollars les 1000 m3 de gaz, un des prix les plus élevés d'Europe, selon la presse économique russe.

Sur le plan militaire, la France a suspendu la plupart de ses activités de coopération avec la Russie, notamment les exercices conjoints, a indiqué son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian. Il a précisé que Paris proposait aux États baltes l'envoi, si l'OTAN le demandait, de quatre avions de combat pour renforcer début mai la relève de la mission de l'OTAN chargée de la surveillance de l'espace aérien de ces pays depuis 2004.