Des députés du parti nationaliste ukrainien Svoboda, qui participe au gouvernement de transition, se trouvaient mercredi confrontés à une levée de boucliers après avoir brutalisé le patron de la télévision publique pour le contraindre à la démission.

Le parquet général a annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire afin d'établir les faits, qui se sont déroulés mardi.

Selon une vidéo diffusée par le site internet Ukraïnska Pravda, trois députés se sont introduits dans le bureau d'Olexandre Panteleïmonov, directeur général de la télévision nationale, l'accusant de propagande en faveur du pouvoir pendant le mouvement de contestation qui a conduit à la fuite du président Viktor Ianoukovitch.

Face à son refus de quitter ses fonctions et à sa tentative de prendre la fuite, les élus ont retenu de force le responsable nommé début 2013 sous M. Ianoukovitch, et l'ont violemment obligé à s'asseoir et à signer une lettre de démission.

L'incident a été vivement dénoncé par la fédération professionnelle des journalistes et des leaders politiques.

Dès mardi soir, le premier ministre Arseni Iatseniouk a parlé d'«actes inadmissibles». Le ministre de l'Intérieur Arsen Avakov a qualifié ces actes de «monstrueux».

L'ex-champion de boxe Vitali Klitschko, candidat à la présidentielle du 25 mai, a appelé les élus concernés à la démission, estimant que c'était au public et aux autorités de juger le travail de M. Panteleïmonov et «pas aux députés utilisant la force».

Le chef de file de Svoboda Oleg Tiagnybok a également fait part de sa réprobation. «Nous devons comprendre que nous ne faisons plus partie de l'opposition, mais (que nous sommes) au pouvoir. Nous disposons d'autres moyens de lutte, même contre les traîtres», a-t-il plaidé.

L'un des députés en cause, Igor Mirochnytchenko, a présenté ses excuses, affirmant avoir agi «sous le coup de l'émotion». L'élu, lui-même ancien journaliste sportif, a cependant refusé d'abandonner son mandat, en l'absence d'une décision de justice en ce sens.

Amnistie réclame une enquête

La télévision publique a été accusée de mensonges et de propagande par les manifestants qui demandaient le départ de M. Ianoukovitch, tandis que les chaînes privées, critiques envers le mouvement de contestation au départ, ont rapidement adopté un ton plus neutre.

M. Mirochnytchenko a accusé mercredi la première chaîne publique de prendre sous l'ancien pouvoir des ordres directement de la présidence, du gouvernement voire du fils du président et de renvoyer les journalistes refusant de s'y soumettre.

«Ce sont des gens qui répandent des informations grâce à la propagande du Kremlin, qui sont déçus de la victoire de Maïdan, qui sont favorables à la désintégration du pays», a ajouté le député, aux cheveux longs en queue de cheval, qui s'est illustré en 2012 par des propos antisémites contre l'actrice américaine d'origine ukrainienne Mila Kunis.

L'organisation de défense de droits de l'homme Amnistie internationale a réclamé une enquête et souligné que M. Mirochnytchenko appartenait à la commission parlementaire responsable de la liberté de la presse.

«Les autorités doivent envoyer un signal que ce genre d'attitude ne sera pas toléré en Ukraine», a demandé l'ONG.

La représentante de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) Dunja Mijatovic a écrit au président par intérim Olexandre Tourtchninov pour condamner «un incident très grave», soulignant qu'il s'agissait du deuxième cas de ce type en quelques jours.

Selon elle, un groupe s'est introduit dans les locaux de la télévision publique dans la ville de Tcherniguiv (nord) pour forcer le directeur, Arkadi Bilibaïev, à la démission.

Une vingtaine de personnes se sont rassemblées mercredi devant le parquet général à Kiev pour réclamer une enquête contre les députés de Svoboda en cause.

«Il faut arrêter d'employer la force dans ce pays», a expliqué Taras Dantchouk, 36 ans. «J'ai voté pour Svoboda et maintenant j'ai honte».