La Russie a mis son veto à une résolution occidentale dénonçant le référendum de dimanche en Crimée tandis que la Chine s'est abstenue, isolant encore un peu plus Moscou dans ce dossier, lors d'un vote au Conseil de sécurité samedi matin.

Ce vote avait été demandé par les États-Unis, qui avaient rédigé un texte très modéré afin d'obtenir l'aval de Pékin.

La Chine s'aligne souvent sur la Russie au Conseil, en particulier dans les votes sur la Syrie, mais cette fois elle s'est démarquée, car «les Chinois sont embarrassés», selon un diplomate occidental.

Le projet de résolution, qui a recueilli 13 voix pour, a été rejeté. En tant que membre permanent du Conseil, la Russie peut en effet bloquer toute prise de position de cette instance.

Le référendum prévu dimanche en Crimée pour un rattachement à la Russie de la péninsule contrôlée par les troupes russes était dénoncé dans le projet de résolution comme n'ayant «aucune validité».

L'ambassadeur russe Vitaly Tchourkine a justifié son vote en répétant que les nouvelles autorités à Kiev résultaient d'un «coup d'État» qui avait créé un «vide juridique» rendant nécessaire le référendum. La Russie «respectera la volonté du peuple de Crimée», a-t-il affirmé.

L'ambassadeur chinois Liu Jieyi a lui expliqué son abstention en répétant que son pays «avait toujours respecté la souveraineté et l'intégrité territoriale» des États. Il a appelé «toutes les parties à faire preuve de retenue» et a suggéré la création «d'un mécanisme international de coordination pour tenter de trouver une solution politique».

Deux des principes de la diplomatie chinoise, réaffirmés par Pékin lors des six réunions précédentes du Conseil sur la crise ukrainienne, sont la non-ingérence et le respect de l'intégrité territoriale, qui seraient remis en cause par le scrutin de dimanche.

Lors d'une crise similaire entre la Géorgie et la Russie en 2008, la Chine s'était déjà abstenue.

«La Russie ne peut pas mettre son veto à la vérité», a de son côté lancé l'ambassadrice américaine Samantha Power en invoquant la Charte de l'ONU.

«Un droit d'ingérence»

Mme Power s'est félicitée d'une «opposition écrasante aux actions dangereuses» de Moscou, qui auront «des conséquences». La Russie «est isolée, elle est seule et elle a tort: depuis le début de cette crise, elle est allée à l'encontre non seulement des lois, mais des faits».

«La Russie est totalement isolée au Conseil: 13 votes pour la résolution, même la Chine s'abstient», a ajouté sur Twitter le conseiller adjoint de sécurité nationale du président Barack Obama, Ben Rhodes, après ce qui était la septième réunion d'urgence du Conseil de sécurité sur le sujet depuis le début de la crise.

Le projet de résolution américain avait été co-parrainé par une trentaine de pays dont ceux de l'Union européenne, des pays d'Europe centrale et de l'Est, le Japon et les pays scandinaves. Plusieurs de ces pays, de même que l'Ukraine, ont été invités à assister à la séance du Conseil même s'ils n'en font pas partie.

L'ambassadeur ukrainien Iouri Sergueyev a exprimé «sa sincère gratitude devant cet immense soutien». Il a répété les accusations de Kiev sur une «invasion militaire» russe dans le sud de l'Ukraine.

Interrogés à ce propos, Mme Power et l'ambassadeur britannique Mark Lyall Grant ont estimé qu'il s'agirait d'une «escalade» scandaleuse et dangereuse, mais ils n'étaient pas en mesure de confirmer ces accusations.

Pour Mark Lyall Grant, la Russie est désormais «isolée dans ce Conseil et dans la communauté internationale». «Nous espérons qu'elle tiendra compte de cet isolement», a-t-il ajouté.

Pour son homologue français Gérard Araud, la Russie «vient d'opposer son veto à la Charte des Nations unies». «Quelle sera la prochaine Crimée?», s'est-il interrogé.

«Nous allons vers l'annexion de la Crimée (par la Russie) donc il était nécessaire que nous marquions le coup», a-t-il expliqué. «Nous sommes toujours prêts à négocier, mais nous n'accepterons jamais (cette) annexion».

M. Tchourkine a jugé «inacceptables» les critiques de Paris et de Washington et a dénoncé «le rôle (des États-Unis) dans le développement de la crise en Ukraine». Ce à quoi Mme Power a répliqué que «depuis le début cette crise est estampillée +made in Moscow+».

Le veto russe était une certitude après l'échec, vendredi à Londres, d'une réunion américano-russe de la dernière chance pour tenter de trouver un compromis sur la crise ukrainienne.

Le projet de résolution ne visait pas directement la Russie, jamais nommée dans le texte, et ne demandait pas explicitement le retrait des renforts russes envoyés en Crimée pour contrôler la péninsule. Il ne brandissait pas non plus la menace de sanctions.