Le nouveau pouvoir ukrainien était lancé lundi dans une course contre la montre avec l'aide des Occidentaux pour tenter d'enrayer le rattachement programmé de la péninsule séparatiste de Crimée à la Russie, au début d'une semaine cruciale pour l'avenir du pays.

Référendum le 16 mars, préparation à l'entrée dans la zone du rouble : les autorités séparatistes avancent à marche forcée, encouragées par Vladimir Poutine qui a défendu leur droit à être rattaché à la Russie, malgré les critiques des Occidentaux.

De son côté, Kiev en appelle aux États-Unis pour faire cesser «l'agression» avant la visite à Washington de son premier ministre Arseni Iatseniouk.

En visite à Kiev, les ministres des Affaires étrangères des pays du Benelux ont réaffirmé le soutien de l'Union européenne à l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans cette crise politique sans précédent depuis la fin de la guerre froide.

La Crimée, occupée depuis plus d'une semaine par les forces russes, organise dimanche un référendum sur le rattachement à la Russie, un scrutin jugé illégitime par Kiev et par la communauté internationale.

Le premier ministre pro-russe de la Crimée Serguiï Axionov a même annoncé sur son compte Twitter qu'il préparait d'ores et déjà le passage de la péninsule «dans la zone du rouble».

Renforcement militaire russe

Les forces russes consolident jour après jour leur position, ce qui rend plus difficile la possibilité pour les autorités ukrainiennes de récupérer le contrôle de la péninsule.

Des hommes armés ont notamment coupé le courant à l'état-major de la marine ukrainienne à Sébastopol, qu'ils encerclent depuis plusieurs jours, selon les militaires ukrainiens.

L'Union européenne s'est inquiétée de «l'absence de signes de désescalade».

«Il semble qu'il y ait des signes d'un renforcement militaire de la position russe» en Crimée et d'«un isolement croissant» de la péninsule «vis-à-vis du reste du pays», a déclaré Maja Kocijancic, la porte-parole de la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton.

En visite à Kiev, le ministre néerlandais des Affaires étrangères Frans Timmermans a «remercié le gouvernement ukrainien de sa retenue face aux provocations russes», selon l'agence Interfax.

Le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk doit rencontrer mercredi aux États-Unis le président Barack Obama pour trouver un moyen d'«arrêter l'agression russe», selon la diplomatie ukrainienne.

«La Maison-Blanche va réaffirmer son fort soutien au peuple ukrainien», a déclaré lundi l'ambassadeur américain Geoffrey Pyatt.

Barack Obama a parlé dimanche soir par téléphone avec son homologue chinois Xi Jinping et les deux dirigeants «ont affirmé leur intérêt partagé de réduire les tensions et de trouver une solution pacifique à la crise», selon la Maison-Blanche.

Le premier ministre britannique David Cameron avait appelé dimanche Vladimir Poutine et l'avait exhorté à réduire la tension en Ukraine et à soutenir la formation d'un groupe de contact.

Ianoukovitch va parler mardi

Les Occidentaux avaient déjà évoqué la semaine dernière la création d'un tel groupe, mais «aucun progrès» n'a été fait, a reconnu la chancelière allemande Angela Merkel.

Lors d'entretiens téléphoniques avec Mme Merkel et M. Cameron, le président Poutine avait jugé que les initiatives en cours en Crimée respectaient le «droit international».

M. Poutine maintient que les autorités pro-russes de Crimée, passée fin février sous le contrôle des forces russes, sont «légitimes».

Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch destitué fin février après le bain de sang à Kiev et réfugié en Russie s'exprimera mardi à Rostov-sur-le-Don (sud), ont indiqué les agences russes.

M. Ianoukovitch avait donné dans cette ville une conférence de presse le 28 février, refusant de reconnaître sa destitution, mais se refusant à appeler à une aide militaire.

La Russie a ensuite affirmé qu'il avait fait cette demande le 1er mars.

L'accès à la Crimée est aujourd'hui de plus en plus difficile. Les 54 observateurs internationaux dépêchés par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) n'ont toujours pas réussi à y pénétrer malgré trois tentatives depuis jeudi. Samedi, des hommes armés en treillis avaient pointé leurs armes vers le convoi puis avaient tiré en l'air près du poste de contrôle d'Armiansk.

L'émissaire de l'ONU Robert Serry a été forcé par des hommes armés à écourter son séjour en Crimée.

10 000 manifestants pro-russes

La journée de dimanche a été marquée par des rassemblements pour le 200e anniversaire de Taras Chevtchenko, poète et symbole de l'indépendance ukrainienne. Mais les pro-russes ont également organisé de grands rassemblements en Crimée, ainsi qu'à Donetsk et à Lougansk (est russophone).

À Donetsk, près de 10 000 manifestants pro-russes ont contraint le leader pro-européen Vitali Klitschko et candidat à la présidentielle du 25 mai à annuler un rassemblement.

L'ex-ministre de la Défense Anatoli Gritsenko a estimé que le président ukrainien par intérim Olexandre Tourtchinov devait «immédiatement» ordonner à l'armée de défendre l'Ukraine.

Les soldats ukrainiens en Crimée dont les unités sont encerclées par les forces russes ont pour l'instant ordre de «ne pas répondre aux provocations».