Le Canada a cessé ses activités militaires conjointes avec la Russie, hier, pour protester contre l'occupation de la Crimée. Le gouvernement conservateur et les partis de l'opposition n'ont raté aucune occasion, ces derniers mois, pour afficher leur soutien à l'Ukraine. Cela s'explique en grande partie par des considérations nationales. Voici cinq questions pour mieux comprendre l'impact de la communauté ukrainienne sur notre politique étrangère.

Q La politique intérieure semble jouer un rôle important dans l'attitude d'Ottawa face à la crise en Ukraine. Pourquoi?

R Les Canadiens d'origine ukrainienne sont une communauté importante, explique Jaroslaw Balan, chercheur à l'Université de l'Alberta. On sait que les politiciens de tous les horizons ont toujours essayé de gagner la faveur des communautés culturelles. Le Parti conservateur n'est pas différent du Parti libéral en ce sens. Ce n'est pas surprenant que le Canada écoute et porte attention aux préoccupations de la communauté ukrainienne.

Q Le sud et l'est de l'Ukraine sont plutôt russophones et cette partie du pays semble appuyer le président déchu Viktor Ianoukovitch. La communauté ukrainienne du Canada, elle, penche résolument pour les manifestants anti-Ianoukovitch et l'ouverture à l'Europe. Pourquoi?

R Parce que les Canadiens d'origine ukrainienne gardent un très mauvais souvenir de l'Union soviétique, résume Taras Zalusky, Montréalais qui est président du Congrès ukrainien du Canada. Plusieurs ont d'ailleurs immigré au Canada pour fuir l'URSS. «Nous n'avions pas le droit de parler notre langue et de pratiquer notre religion, et nous risquions d'être envoyés en Sibérie parce que nous voulions notre propre pays», explique M. Zalusky.

Q Les Ukrainiens du Canada ont-ils tendance à appuyer un parti fédéral ou un autre?

R Les premiers Ukrainiens qui sont arrivés sous des gouvernements libéraux ont été loyaux au Parti libéral, note Jaroslaw Balan.

Dans les années 50 et 60, le premier ministre conservateur John Diefenbaker, qui venait de l'Ouest, était résolument antisoviétique et pro-ukrainien. Ça a eu beaucoup d'effet dans la communauté. «Vous ne pouvez pas identifier la communauté à un parti politique, elle va voter différemment dans différentes régions du pays, dit M. Balan. Mais il n'y a aucun doute que le gouvernement conservateur joue sur l'héritage de Diefenbaker et que les partis de l'opposition tentent aussi de se présenter comme de farouches défenseurs de l'Ukraine.»

Q Êtes-vous satisfait de la manière dont le gouvernement canadien a répondu à cette crise?

R Nous nous sommes rendus à Kiev en compagnie du ministre des Affaires étrangères, John Baird, en fin de semaine, relate Taras Zalusky, président du Congrès ukrainien du Canada. Nous avons parlé au président, au premier ministre et au ministre des Affaires étrangères de l'Ukraine pour leur offrir le soutien technique et économique du Canada. Donc, pour ce qui est de la crise, je pense que jusqu'à maintenant, nous sommes satisfaits de la réponse du gouvernement canadien. Mais il va falloir que nos alliés, nos partenaires européens, mettent la main à la pâte. Le Canada n'est pas une puissance militaire, il peut aider le peuple ukrainien, mais ce n'est pas le Canada qui peut envoyer un porte-avions dans la mer Noire.

Q Quelles sont les origines de la communauté ukrainienne du Canada?

R Les premiers Ukrainiens sont arrivés au Canada dans les années 1890. Le pays a connu quatre vagues d'immigration de ce pays de l'Est européen, la dernière ayant eu lieu après le démantèlement de l'Union soviétique. «Ça, ce sont seulement les gens qui se disent d'origine ethnique ukrainienne, dit Jaroslaw Balan. D'autres groupes ont aussi des racines en Ukraine parce que ses frontières ont fréquemment changé, par exemple des mennonites, des juifs, des Allemands, des Polonais et des Roumains. Donc, l'afflux migratoire en provenance de l'Ukraine est immense.»