Le secrétaire d'État américain John Kerry a accusé mardi la Russie de chercher un «prétexte» pour «pouvoir envahir l'Ukraine» et l'a mise en garde contre un risque d'isolement si elle persistait dans sa politique.

En visite à Kiev, le responsable américain a condamné un «acte d'agression» de la Russie contre l'Ukraine tout en assurant ne pas chercher la «confrontation» avec Moscou.

«Je pense qu'il est clair que la Russie fait tout son possible pour créer un prétexte pour pouvoir envahir davantage l'Ukraine», a dénoncé le chef de la diplomatie américaine lors d'une conférence de presse.

«La Russie parle de minorités russophones en état de siège. Ce n'est pas vrai», a martelé M. Kerry, louant l'attitude «remarquablement responsable» des nouvelles autorités ukrainiennes qui «appellent au calme et refusent toute provocation».

«Dans les rues ici, je n'ai vu personne qui se sentait menacé, à part par la possibilité d'une invasion par la Russie», a-t-il poursuivi.

Le secrétaire d'État américain a «réaffirmé l'engagement» des États-Unis en faveur de «la souveraineté et l'intégrité territoriale». «Nous condamnons l'acte d'agression de la Fédération de Russie», a-t-il déclaré.

Les forces russes ont de fait pris le contrôle de la plus grande partie de la Crimée, république autonome russophone du sud de l'Ukraine où est basée la flotte russe de la mer Noire.

«Le président Obama et moi voulons qu'il soit clair pour la Russie et pour quiconque dans le monde que nous ne cherchons pas la confrontation», a assuré M. Kerry.

«Si la Russie ne choisit pas de mettre fin à l'escalade, si elle ne veut pas travailler directement avec le gouvernement d'Ukraine comme nous l'espérons, nos alliés n'auront pas d'autre choix que de se joindre à nous pour continuer à aller au-delà des mesures que nous avons prises ces derniers jours pour isoler la Russie sur le plan politique, diplomatique et économique», a-t-il averti.

M. Kerry avait déjà évoqué pendant le week-end la possibilité de sanctions, entraînant un plongeon de plus de 10% de la Bourse de Moscou qui s'inquiète des répercussions pour les entreprises russes.

Londres récalcitrant à des sanctions économiques

Le Royaume-Uni «ne devrait pas soutenir des sanctions commerciales» contre la Russie dans la crise ukrainienne ou «fermer» la City aux Russes, à en croire un document saisi au téléobjectif par un photographe et présenté comme officiel par les médias britanniques mardi.

Le photographe placé devant Downing Street a pris un cliché de ce document que tenait en main un conseiller de David Cameron.

«Le Royaume-Uni ne devrait pas soutenir, pour l'instant, des sanctions commerciales (...) ou fermer aux Russes le centre financier de Londres», peut-on lire sur ce document publié par la BBC et plusieurs journaux.

De nombreuses sociétés russes ont choisi d'être cotées en bourse de Londres, alors que de nombreux oligarques russes possèdent de somptueuses demeures dans la capitale britannique.

Selon la presse, le document en question suggère que le Royaume-Uni n'appuierait pas de préparatifs militaires de l'OTAN, et que l'ONU, et non pas l'Union européenne, devrait être en première ligne pour tenter de résoudre politiquement la crise en Ukraine.

À l'inverse, «le gouvernement envisage une approche plus prudente incluant des restrictions de visas» qui viseraient des personnalités russes, selon le Daily Telegraph.

Le chef de la diplomatie britannique, William Hague, a jugé «absolument regrettable» qu'un tel document puisse être l'objet de fuites. Cela «n'aurait pas dû se produire», a-t-il dit devant la chambre basse du Parlement.

Cependant, a-t-il précisé, «tout ce qui est écrit dans un document entre les mains d'un responsable officiel ne constitue pas nécessairement un exposé des décisions que prendra le gouvernement de Sa Majesté». «Nous restons très ouverts aux options» qui permettraient de trouver une issue à la crise ukrainienne, a assuré le ministre.

La veille, lors d'une visite à Kiev, William Hague avait mis en garde la Russie contre les «conséquences et le coût» d'une intervention en Ukraine, sans donner plus de détails.

Le premier ministre britannique, David Cameron, avait, lui, souhaité «une désescalade plutôt que de voir la Russie continuer sur la voie sur laquelle elle s'est engagée en violant la souveraineté et l'intégrité territoriale d'un autre pays». «Défendre ce point de vue pourra nous conduire à recourir à des pressions diplomatiques, politiques, économiques et autres», avait-il ajouté.

Gazprom met fin à son rabais

Gazprom a décidé de mettre fin à partir du mois d'avril à la baisse du prix du gaz vendu à l'Ukraine, accordée en décembre dans le cadre d'un plan de sauvetage de cette ex-république soviétique, a annoncé mardi le patron du géant russe, Alexeï Miller.

«Étant donné que l'Ukraine ne remplit pas ses obligations, ne remplit pas les accords sur l'octroi d'un rabais signés comme avenant au contrat, Gazprom a décidé de ne pas prolonger la durée de ce rabais, et ce dès le mois prochain», a déclaré M. Miller, cité par les agences russes, lors d'une rencontre avec le premier ministre Dmitri Medvedev.

Il a par ailleurs suggéré d'accorder entre 2 et 3 milliards de dollars à Kiev pour régler sa dette gazière.

«Bien sûr, le montant de la dette est important. Pour Gazprom, la variante la plus simple et efficace serait d'accorder à l'Ukraine un crédit de 2-3 milliards de dollars pour régler sa dette de l'an dernier et pour payer les livraisons de gaz actuelles», a-t-il dit.