Entre menaces d'isolement et main tendue, l'Occident cherchait lundi une solution diplomatique avec la Russie, accusée par l'Ukraine d'avoir choisi la guerre, alors que des commandos armés pro-russes ont pris de fait le contrôle de la Crimée et d'assaut l'administration régionale à Donetsk, dans l'est du pays.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a appelé lundi à garantir «le plein respect et la préservation de l'indépendance, l'unité et l'intégrité territoriale de l'Ukraine», exhortant la Russie à «s'abstenir de tout acte qui pourrait mener à une nouvelle escalade».

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Les autorités ukrainiennes ont accusé la Russie de continuer à débarquer massivement des militaires en Crimée, avec l'atterrissage en 24 heures de dix hélicoptères de combat et huit avions de transport, sans que l'Ukraine ne soit prévenue, contrairement aux accords entre les deux pays qui prévoient que Kiev soit informé 72 heures à l'avance de tels mouvements de troupes.

La Russie a déjà augmenté de 6000 soldats sa présence en Crimée, péninsule du sud de l'Ukraine, qui abrite la flotte russe de la mer Noire, d'après le ministère ukrainien de la Défense.

Moscou a désormais un «contrôle opérationnel complet» sur la Crimée, a estimé dimanche à Washington un responsable américain, sous couvert de l'anonymat, alors que des soldats non identifiés agissant pour le compte des autorités pro-russes locales ont pris le contrôle d'une partie de la Crimée, assiégeant les soldats ukrainiens dans leurs casernes.

À Moscou, la Bourse chutait de près de 10 % à la mi-journée et le rouble plongeait à des records historiques de faiblesse à l'ouverture des marchés financiers, qui paniquaient face à l'un des plus graves conflits entre l'Occident et la Russie depuis la chute du mur de Berlin en 1989.

En déplacement à Kiev, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a mis en garde la Russie sur le «prix à payer» pour son action en Ukraine, après avoir rencontré les nouvelles autorités au pouvoir après la destitution le 22 février du président Viktor Ianoukovitch.

Moscou devra payer le prix de son action

«Cela ne peut pas être la manière dont les relations internationales doivent se régler au XXIe siècle. Ce n'est pas acceptable et il y aura des conséquences et un prix à payer», sur le plan économique et diplomatique, a-t-il jugé.

Mais à Genève, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a dénoncé lundi les menaces de «sanctions» et de «boycottage» envisagés par l'Occident et justifié l'action de la Russie en Ukraine.

«Les menaces de violence des ultranationalistes menacent les vies et les intérêts régionaux des Russes et des populations parlant russe», a-t-il jugé, soulignant que les autorités locales de Crimée «face à ces conditions ont demandé au président russe de rétablir la paix».

Dimanche, les dirigeants des pays les plus industrialisés, condamnant la «claire violation» de la souveraineté de l'Ukraine par Moscou, ont annoncé la suspension de leurs préparatifs en vue du sommet du G8 à Sotchi (Russie) en juin.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a pour sa part annoncé sa venue mardi à Kiev pour réaffirmer le «soutien fort des États-Unis à la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Ukraine». Il sera précédé par le numéro deux de l'ONU, Jan Eliasson.

Les États-Unis ont annoncé lundi qu'ils demandaient l'envoi «immédiat» en Ukraine d'observateurs de l'OSCE (Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe) pour tenter de «veiller au respect de l'intégrité territoriale».

PHOTO DAVID MDZINARISHVILI, REUTERS

Des soldats, que l'on présume russes, marchent en formation à proximité de la capitale de la Crimée Simferopol, le 3 mars.  

Ianoukovitch toujours le président «légitime»

Le président déchu ukrainien Viktor Ianoukovitch est toujours le président légitime de cette ex-république soviétique, même si son autorité est «insignifiante», a estimé lundi le premier ministre russe Dmitri Medvedev.

«Oui, l'autorité du président Ianoukovitch est quasiment insignifiante, mais cela n'efface pas le fait que selon la Constitution ukrainienne c'est le chef de l'État légitime», a écrit M. Medvedev dans un message sur son compte Facebook.

La Russie a accepté d'assurer la protection de M. Ianoukovitch sur le territoire russe, réapparu vendredi pour la première fois depuis sa destitution pour donner une conférence de presse dans la ville russe de Rostov-sur-le-Don (sud).

M. Medvedev a assuré que la Russie était prête à développer des «relations multifacettes et respectueuses avec le pays frère qu'est l'Ukraine», mais pas avec les autorités intérimaires qui ont remplacé M. Ianoukovitch.

«L'Ukraine n'est pas pour nous le groupe de personnes qui s'est emparé du pouvoir après avoir versé le sang (...) en violant la Constitution et les autres lois de leur État», a-t-il fustigé.

«Il s'agit du pays entier. Des gens très différents. Des Ukrainiens, des Russes, des Tatars, des juifs. D'autres nations vivant en bonne entente», a-t-il ajouté.

Plusieurs responsables russes ont dénoncé «les fascistes qui ont pris le pouvoir à Kiev».

M. Medvedev a par ailleurs souligné que si M. Ianoukovitch était coupable de crimes, une procédure de destitution aurait dû être engagée «selon la Constitution ukrainienne».

«Tout le reste n'est qu'arbitraire. Prise de pouvoir. Et cela signifie qu'un tel ordre sera extrêmement instable. Cela se terminera par un nouveau coup d'État. Un nouveau bain de sang», a-t-il averti.

«La Russie a besoin d'une Ukraine forte et stable. D'un partenaire solvable et prévisible. Et non d'un parent pauvre qui passe son temps à faire la manche», a-t-il écrit.