Les Occidentaux faisaient monter la pression contre Moscou, après le feu vert obtenu samedi par Vladimir Poutine pour une intervention armée russe en Ukraine, où l'état d'alerte a été décrétée face aux menaces qui pèsent sur la Crimée et l'est du pays.

L'Alliance atlantique a décidé de convoquer dimanche une réunion d'urgence des 28 ambassadeurs des pays membres de l'OTAN, avant une Commission OTAN-Ukraine prévue dans l'après-midi, a indiqué samedi son secrétaire-général Anders Fogh Rasmussen.

À la veille de la réunion d'urgence des ministres européens des Affaires étrangères à Bruxelles, le chef de la diplomatie grec, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE, est attendu dimanche à Kiev où il rencontrera les nouveaux dirigeants ukrainiens. Il sera accompagné par son homologue britannique William Hague.

Dès samedi, les États-Unis ont exigé de la Russie qu'elle replie ses forces déployées en Crimée, dans le sud de l'Ukraine, faute de quoi elle s'exposait à un isolement international et à un impact «profond» sur ses relations avec Washington.

Lors d'un appel téléphonique de 90 minutes, le président Barack Obama a affirmé à son homologue Vladimir Poutine qu'il avait violé la loi internationale en déployant des soldats russes en Crimée, et l'a appelé à «faire baisser les tensions en repliant ses forces dans leurs bases de Crimée».

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a renchéri, ajoutant que si rien ne changeait, «l'effet sur les relations entre les États-Unis et la Russie et sur la position internationale de la Russie sera profond».

À l'instar des États-Unis, plusieurs pays occidentaux, dont la France, la Pologne ou la Grande-Bretagne, ont adopté une ligne très ferme face à la Russie, certains, comme le Canada, rappelant même leur ambassadeur et annonçant qu'ils pourraient renoncer à participer au G8 prévu en juin à Sotchi si Washington faisait de même.

Devant le Conseil de sécurité des Nations unies, réuni samedi en urgence, la représentante américaine, Samantha Power, a réclamé le retrait des renforts russes de Crimée et suggéré l'envoi d'«observateurs internationaux» en Ukraine

Le droit de «défendre ses intérêts»

Samedi, Kiev a mis son armée en état d'alerte après le vote à l'unanimité par le Conseil de la Fédération (Sénat) russe du «recours sur le territoire de l'Ukraine aux forces armées russes jusqu'à la normalisation de la situation politique dans ce pays». Ce vote avait été demandé par Vladimir Poutine.

Pour le président russe, cela signifie que la Russie se donne le droit de «protéger ses intérêts et les populations russophones» en cas de «violences» dans l'Est de l'Ukraine et en Crimée, comme il l'a déclaré à Barack Obama au cours de leur conversation téléphonique. Le président américain lui a rétorqué, selon la Maison-Blanche, que le meilleur moyen d'y parvenir était de s'adresser directement au gouvernement ukrainien.

Le ministre américain de la Défense Chuck Hagel a lui aussi parlé au téléphone avec son homologue russe Sergueï Choïgou.

Il lui a dit que «sans changement sur le terrain, la Russie risque davantage d'instabilité dans la région, un isolement a sein de la communauté internationale et une escalade qui menacerait la sécurité de l'Europe et du monde», selon le Pentagone.

L'éventuel recours aux forces de la Flotte russe basée en Crimée, aux termes d'un accord bilatéral signé entre Moscou et Kiev, ou l'envoi d'autres troupes depuis la Russie, est désormais entre les mains de M. Poutine: «C'est le président qui prend la décision. Pour le moment, il n'y a pas de décision en ce sens», a affirmé son porte-parole Dmitri Peskov.

Mais Kiev a accusé la Russie d'avoir déjà déployé des milliers d'hommes supplémentaires en Crimée. «La Russie a accru (le nombre de) ses troupes de 6000 hommes» en Crimée, a affirmé le ministre ukrainien de la Défense Igor Tenioukh.

«Nous sommes persuadés que la Russie ne lancera pas d'intervention, car cela signifierait la guerre et la fin de toute relation entre les deux pays», a mis en garde le premier ministre Arseni Iatseniouk.

D'autres, comme l'ancien champion du monde de boxe Vitali Klitschko, le parti nationaliste ukrainien Svoboda et le groupe d'extrême droite Pravy Sector, en première ligne de la contestation en Ukraine, ont appelé samedi à la «mobilisation générale».

Multiplication des points chauds en Crimée

Les points chauds se sont multipliés dans l'est et le sud russophones de l'Ukraine, selon des correspondants de l'AFP, qui ont observé des irruptions d'hommes armés dans plusieurs sites stratégiques ou d'importantes manifestations pro-russes. Aucun combat n'a été rapporté.

Une centaine de personnes ont été blessées à Kharkiv (est de l'Ukraine) en marge d'une manifestation pro-russe qui a conduit à la prise d'assaut du siège de l'administration régionale où se sont barricadés des partisans des nouvelles autorités de Kiev. 10.000 personnes ont manifesté contre elles samedi matin.

À Donetsk, fief dans l'est du président déchu Viktor Ianoukovitch qui a réapparu vendredi en Russie, les autorités ont indiqué envisager un référendum sur le statut de la région du Donbass, comme il est déjà prévu en Crimée, et un drapeau russe a été hissé au-dessus du conseil régional.

Plusieurs sites stratégiques en Crimée sont désormais sous le contrôle d'hommes armés et en uniformes, mais sans signe permettant de les identifier. Ils contrôlent les aéroports de Simféropol, capitale de la Crimée, de Sébastopol, de Kirovske, ainsi que le centre de Simféropol, et ont hissé le drapeau russe sur plusieurs bâtiments officiels.