Le Parlement ukrainien doit approuver jeudi la composition du nouveau gouvernement et la nomination du pro-européen Arseni Iatseniouk à sa tête, sur fonds de tensions accrues entre Moscou et Washington, tandis que l'ancien président ukrainien reste introuvable.

Alors que la Russie a annoncé avoir «mis en alerte» certaines de ses troupes, dont celles le long de sa frontière commune avec l'Ukraine, le secrétaire d'État américain John Kerry a prévenu Moscou que toute intervention militaire «serait une grave erreur».

A Kiev, le nouveau gouvernement qui rassemble plusieurs personnalités issues du mouvement de contestation a été solenellement dévoilé mercredi soir par le conseil du Maïdan --composé des leaders politiques de la contestation ukrainienne, de la société civile et des groupes radicaux-- devant une place de l'Indépendance noire de monde.

A 39 ans, Arseni Iatseniouk va prendre la tête du gouvernement d'union nationale appelé à diriger le pays, avant l'élection présidentielle anticipée prévue le 25 mai. Membre du parti de l'égérie de la Révolution orange Ioulia Timochenko, il a déjà été ministre de l'Économie et des Affaires étrangères.

Le nouveau gouvernement aura comme tâches herculéennes d'empêcher l'Ukraine de sombrer dans la banqueroute et de contrer des tendances séparatistes, notamment en Crimée, péninsule au sud où une grande partie de la population se sent plus proche de Moscou que de Kiev.

Mercredi, plus de 5.000 personnes se sont réunies dans sa capitale Simferopol avec d'un côté, des manifestants pro-russes réclamant un référendum sur son statut et de l'autre, des Tatars décidés au contraire à défendre l'unité de l'Ukraine. Le chef du parlement local a toutefois exclu tout débat sur une éventuelle sécession.

Renforcement de la flotte russe en Crimée 

La Russie a de son côté décidé mercredi de renforcer la protection de sa flotte de la mer Noire --basée en Crimée-- et ordonné une inspection surprise des troupes des districts militaires de l'Ouest, non loin de l'Ukraine, et du Centre, pour vérifier leur aptitude au combat. L'opération, qui mobilisera 150 000 hommes, durera jusqu'au 3 mars.

Dans une allusion claire à ces dernières manoeuvres russes, les États-Unis ont appelé les «acteurs extérieurs» à s'abstenir de toute «provocation». «Toute intervention militaire qui violerait la souveraineté, l'intégrité territoriale de l'Ukraine serait une grave erreur», a averti John Kerry.

Une Ukraine «souveraine, indépendante et stable» et «fermement engagée en faveur de la démocratie» constitue un «élément clé» de la sécurité dans la zone euro-atlantique, ont de leur côté affirmé mercredi les ministres de la Défense de l'Otan réunis à Bruxelles.

Pour épauler les nouvelles autorités ukrainiennes, les États-Unis offrent leur garantie à hauteur d'un milliard de dollars dans le cadre d'un possible prêt des institutions financières internationales pour ce pays.

«Nous sommes en train de formuler une garantie sur un prêt d'un milliard de dollars», a dit M. Kerry, ajoutant que «les Européens réfléchissaient à 1,5 milliard de dollars» de garantie, au lendemain de l'annonce par les Russes qu'ils n'avaient pas «d'obligations légales» de verser le solde de leur prêt de 15 milliards de dollars, dont l'Ukraine n'a reçu pour l'instant qu'un cinquième.

L'Ukraine, en pleine crise économique et politique, a besoin d'une aide de 35 milliards de dollars dans les deux années à venir. Signe de défiance, la hryvnia, la monnaie ukrainienne, a perdu environ 18% de sa valeur depuis le début de l'année.

Ianoukovitch toujours introuvable 

Le président ukrainien destitué Viktor Ianoukovitch est toujours «recherché sur le plan international», selon la justice ukrainienne, qui a réclamé contre lui un mandat d'arrêt international pour «meurtres de masse».

Prenant les devants, l'ex-champion du monde de boxe, Vitali Klitschko, candidat à la présidentielle anticipée, a mis en garde Moscou contre l'idée d'accorder l'asile à Ianoukovitch. Mais selon le porte-parole de Vladimir Poutine, rien ne permet d'affirmer qu'il est en Russie.

Plus tôt mercredi, le ministre de l'Intérieur par intérim Arsen Avakov a annoncé la dissolution des forces spéciales antiémeute, les Berkout, particulièrement haïes par les manifestants en Ukraine après les violences des dernières semaines.