Les nouvelles autorités pro-occidentales à Kiev devaient présenter mercredi un gouvernement de transition et poursuivre leurs efforts pour relever le pays, menacé par la banqueroute et des courants séparatistes, tandis que les Berkout, redoutées forces spéciales de la police ont été dissoutes.

Le conseil du Maïdan, qui rassemble les principaux leaders de l'opposition, les représentants de la société civile et des groupes radicaux, devrait dévoiler mercredi soir sur l'emblématique place de l'Indépendance la composition du nouveau gouvernement de transition appelé à prendre les rênes du pays d'ici à l'élection présidentielle prévue le 25 mai.

L'annonce sera faite à 19 h (midi à Montréal) devant les manifestants sur la place de l'Indépendance à Kiev, haut lieu de la contestation, occupée depuis plus de trois mois, a indiqué le parti Oudar (Coup) de l'ex-champion du monde poids lourd de boxe Vitali Klitschko.

En attendant, le ministre de l'Intérieur par intérim Arsen Avakov a annoncé la dissolution des forces spéciales anti-émeute, particulièrement haïes et redoutées des manifestants en Ukraine après les violences des dernières semaines.

«Les Berkout n'existent plus», a-t-il écrit sur sa page Facebook. «J'ai signé le décret numéro 144, daté du 25 février 2014, sur la dissolution des unités spéciales de police Berkout».

Les Berkout ont été le fer de lance de la répression contre les opposants en Ukraine et ils ont été filmés par des médias en train de tirer à balles réelles, y compris au fusil à lunette, sur la foule. Le bilan des violences de la semaine dernière à Kiev est de 82 morts, dont une quinzaine de policiers.

Le Parlement ne devrait se réunir à nouveau que jeudi matin. Signe de la difficulté à faire s'entendre toutes les forces en présence dans ce contexte troublé, les députés avaient reporté à jeudi la nomination du gouvernement, initialement prévue mardi. «Il faut que la décision soit prise jeudi. On ne peut pas attendre plus longtemps», a averti le président par intérim, Olexandre Tourtchinov.

Les noms les plus fréquemment cités pour le poste de premier ministre sont ceux du banquier et dirigeant de la contestation Arseni Iatseniouk, de l'oligarque d'opposition Petro Porochenko, et de l'ancienne chef du gouvernement Ioulia Timochenko.

Cette dernière a toutefois déjà indiqué qu'elle ne briguait pas le poste et s'apprêtait à aller se faire soigner en Allemagne.

Vitali Klitschko, devenu l'un des dirigeants de la contestation, a pour sa part annoncé sa candidature à l'élection présidentielle. Le gouverneur pro-russe de la région de Kharkiv, Mikhaïlo Dobkine, s'est également déclaré candidat. La campagne électorale a débuté mardi et les candidats ont jusqu'au 30 mars pour s'inscrire.

«Velléités nationalistes»

Les Occidentaux et la Russie, à couteaux tirés depuis des mois sur le dossier ukrainien, ont cherché mardi à faire retomber la tension après les bouleversements du week-end, qui ont vu la chute et la fuite du président Viktor Ianoukovitch.

Après avoir mis en doute lundi la légitimité des nouveaux dirigeants ukrainiens et déclaré difficilement envisager de «travailler» avec un gouvernement issu d'une «révolte», Moscou a adopté un ton plus conciliant.

Tout en se déclarant opposé à une présidentielle anticipée, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré qu'«il serait dangereux et contreproductif de forcer l'Ukraine à un choix "soit vous êtes avec nous, soit contre"».

M. Lavrov a par ailleurs rencontré mardi le secrétaire général de l'OSCE Lamberto Zannier et l'a appelé à «condamner extrêmement fermement le développement des velléités nationalistes et néo-fascistes dans l'ouest du pays, les appels des nationalistes à interdire la langue russe, à transformer la population russophone en "non-citoyens"», selon son ministère.

La Russie avait annoncé en décembre un crédit de 15 milliards de dollars, dont elle n'a pour le moment versé que 3 milliards, ainsi qu'une forte baisse des prix du gaz. Le versement du solde du prêt paraît désormais incertain au vu des tensions entre les deux capitales.

Kiev a besoin de 35 milliards de dollars sur deux ans et place ses espoirs dans l'organisation d'une conférence de donateurs occidentaux. Cette requête a reçu un accueil favorable auprès des Européens.

Le numéro deux de la diplomatie américaine William Burns est arrivé mardi après-midi à Kiev, où se trouve également le chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton.

Signes de séparatisme

La situation demeurait tendue dans la péninsule pro-russe de Crimée, où des centaines de partisans pro-russes étaient de nouveau rassemblés mercredi matin devant le bâtiment de la mairie à Sébastopol, ville portuaire qui abrite la flotte russe de la mer Noire, a constaté un correspondant de l'AFP. Mardi, quelque 500 manifestants avaient réclamé la nomination d'un citoyen russe à la tête de la mairie et deux blindés, probablement russes, avaient fait leur apparition en ville.

La Hongrie s'est déclarée inquiète de violences contre la minorité hongroise en Ukraine perpétrées par un groupe ukrainien d'extrême droite, Pravy Sektor, dans l'ouest du pays.

L'archevêque majeur de l'Église gréco-catholique ukrainienne (uniate), Mgr Sviatoslav Chevtchouk, a dit redouter à terme une «guerre civile» et le séparatisme en Ukraine. Le risque de guerre civile vient «de l'étranger parce que lorsque l'on ne peut manger toute la tarte, on en mange un morceau», a fait remarquer le prélat ukrainien, dans une allusion implicite à la Russie.

Le président par intérim Olexandre Tourtchinov avait appelé mardi à «mettre immédiatement un terme aux manifestations dangereuses de séparatisme», sans citer de cas concrets. À Sébastopol et Simferopol, des manifestations pro-russes se sont déroulées mardi, rassemblant plusieurs centaines de personnes.

Les Occidentaux ne cachent pas depuis plusieurs jours leurs craintes pour l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Ils redoutent que la crise des derniers mois n'ait creusé le fossé entre l'Est russophone et russophile, majoritaire, et l'Ouest nationaliste et ukrainophone.