Le président Viktor Ianoukovitch et l'opposition ukrainienne ont signé vendredi un accord de sortie de crise prévoyant d'importantes concessions du pouvoir, mais qui pourraient apparaître insuffisantes au lendemain du bain de sang qui a endeuillé Kiev.

Signé vendredi au palais présidentiel en présence des médiateurs européens, l'accord prévoit notamment une élection présidentielle anticipée, au plus tard en décembre, la formation d'un gouvernement de coalition d'ici à dix jours et un retour à la Constitution de 2004, lequel a été voté dans la foulée par le Parlement ukrainien.

La Rada a aussi voté à la surprise générale une loi ouvrant théoriquement la voie à la libération de l'opposante et ex-Première ministre Ioulia Timochenko. L'ancienne égérie de la Révolution orange pro-occidentale en 2004 avait été condamnée en 2011 à sept ans de prison pour abus de pouvoir. La loi doit encore être approuvée par le président Ianoukovitch.

Signe que le vent a tourné à Kiev au cours de la journée, ces deux votes se sont déroulés vendredi soir au Parlement dans un quartier gouvernemental totalement déserté par les policiers, et où la sécurité est désormais assurée par le service d'ordre des manifestants, a constaté l'AFP.

L'accord a été conclu après des affrontements qui ont fait près de 80 morts et des dizaines de blessés depuis mardi à Kiev, un niveau de violence inédit pour ce jeune pays issu de l'ex-URSS.

La crise, qui a débuté il y a trois mois jour pour jour, a métamorphosé le centre-ville en quasi-zone de guerre, hérissée de barricades et de tentes pour les protestataires.

Mais sur le Maïdan, la place emblématique au coeur de la capitale ukrainienne, les réactions recueillies par l'AFP étaient mitigées et donnaient l'impression que les concessions annoncées par M. Ianoukovitch étaient perçues comme à la fois tardives, insuffisantes et sujettes à caution.

Des dizaines de milliers de personnes continuaient d'occuper la place vendredi soir dans un climat cependant nettement moins tendu que la veille, certains manifestants se prenant en photo ou allumant des feux d'artifice.

«L'ennemi est toujours vivant»

«Bien sûr que les gens restent là», a déclaré Michael Dudar, un jeune prêtre catholique, s'affairant autour d'une tente. «L'ennemi est toujours vivant», a-t-il remarqué.

«Je ne sais pas si nous avons été trahis ou pas», a pour sa part relevé Petro Nazapo, un quinquagénaire de Lviv (ouest). Affûtant au couteau un pied de table, il a déclaré «se préparer pour une nouvelle attaque», ajoutant : «Nous ne partirons que lorsque nous aurons gagné».

«Les gens disent qu'ils ne quitteront pas le Maïdan tant que Ianoukovitch ne sera pas parti», explique de son côté Oleg Bukoyenko, un habitant de Kiev âgé de 34 ans. «Des élections en décembre ne suffisent pas, il faut qu'il parte maintenant. Sinon il pourrait finir comme Kadhafi ou Ceaucescu», a-t-il ajouté, évoquant les «crimes» commis, selon lui, par le président.

Le groupe paramilitaire d'extrême droite «Secteur droit», très actif dans la guérilla urbaine ces dernières semaines, a de son côté fait savoir que «la révolution nationale se poursuivait et ne s'achèverait qu'avec le départ complet du régime».

«Passer des paroles aux actes»

La prudence était aussi de mise du côté des responsables européens, pourtant principaux artisans du compromis après une journée et une nuit entière de négociations menées par les ministres des Affaires étrangères polonais, allemand et français à Kiev et qui semblent avoir été musclées.

Dans une vidéo en montrant un épisode filmé à son insu et diffusé sur Internet, on peut voir le chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski lancer brusquement aux leaders de l'opposition : «Si vous n'êtes pas d'accord, vous aurez la loi martiale, l'armée, vous serez tous morts !».

Selon le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, l'accord est le «mieux qu'on pouvait espérer».

«Soyons prudents», a-t-il ajouté, «car la situation économique reste épouvantable et puis il va falloir suivre (la mise en oeuvre de l'accord)». «Il y a eu des crimes. Il faut que tout cela fasse l'objet d'une enquête et qu'on en tire les conséquences», a encore averti M. Fabius.

Pour le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, «il est désormais de la responsabilité de toutes les parties d'être courageux et de passer des paroles aux actes».

Le président des États-Unis, Barack Obama, et son homologue russe, Vladimir Poutine, devaient évoquer l'accord ensemble vendredi au téléphone, selon un haut responsable américain.

L'Ukraine se trouve actuellement au bord de la faillite, et la Russie a promis l'octroi d'un crédit de 15 milliards de dollars et un important rabais du prix du gaz.

Européens et Américains avaient fait monter la pression sur le régime de M. Ianoukovitch tout au long de la semaine en décidant de priver de visas et de geler les avoirs de responsables ukrainiens et en menaçant de sanctions supplémentaires.

L'accord de vendredi a été signé par les trois principaux dirigeants de l'opposition ukrainienne, Vitali Klitschko, Arseni Iatseniouk et Oleg Tiagnibok, de même que par les ministres européens.

Le représentant de la Russie, en revanche, n'a pas signé, bien que l'influence de ce pays dans la crise soit considérée par les experts comme primordiale.

Cela «ne signifie pas que la Russie ne souhaite pas un compromis», a précisé la diplomatie russe. «Nous serons toujours prêts à aider les Ukrainiens s'ils le demandent, à faire revenir la situation à la normale», a assuré le ministère.

L'opposition, représentée par le «Conseil du Maïdan», avait donné son feu vert à l'accord à condition que l'actuel ministre de l'Intérieur, Vitali Zakhartchenko, ne fasse pas partie du prochain gouvernement. Sa révocation a été votée dès vendredi par le Parlement.

Cependant, à 1400 km de Kiev, les biathlètes ukrainiennes victorieuses du relais dames des JO de Sotchi ont rendu hommage en observant une minute de silence aux victimes du conflit.

«Passer des paroles aux actes» 

La prudence était aussi de mise du côté des responsables européens, pourtant principaux artisans du compromis après une journée et une nuit entière de négociations par les ministres des affaires étrangères polonais, allemand et français à Kiev.

«Il est désormais de la responsabilité de toutes les parties d'être courageux et de passer des paroles aux actes», a réagi le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

Le premier ministre britannique David Cameron a vu dans l'accord «une chance réelle de mettre fin à l'effusion de sang». Le président français François Hollande a, lui, «salué» l'accord insistant sur sa mise en oeuvre en «intégralité et dans les meilleurs délais».

Les Européens et Américains avaient fait monter la pression sur le régime de M. Ianoukovitch tout au long de la semaine en décidant de priver de visas et de geler les avoirs de responsables ukrainiens et en menaçant de sanctions supplémentaires.

L'Ukraine se trouve actuellement au bord de la faillite, et la Russie a promis l'octroi d'un crédit de 15 milliards de dollars et un important rabais du prix du gaz.

L'annonce de la suspension des négociations sur un accord d'association avec l'Union européenne, au profit d'une relance des relations économiques avec Moscou, avait conduit le 21 novembre des milliers de personnes à descendre dans la rue.

L'accord de vendredi a été signé par les trois principaux dirigeants de l'opposition ukrainienne, Vitali Klitschko, Arseni Iatseniouk et Oleg Tiagnibok, de même que par les ministres des Affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier et polonais Radoslaw Sikorski, a constaté l'AFP. Le représentant de la Russie, en revanche, n'a pas signé.

L'opposition, représentée par le «Conseil du Maïdan», avait donné son feu vert à l'accord à condition que l'actuel ministre de l'Intérieur Vitali Zakhartchenko ne fasse pas partie du prochain gouvernement et que le procureur général Viktor Pchonka ne conserve pas ses fonctions, selon Oleg Tiagnibok. Ces deux hommes sont mis en cause pour leur rôle dans la répression policière et judiciaire contre les manifestants en Ukraine.

Sa signature a été immédiatement suivie par l'adoption à une large majorité (386 députés sur 450) au parlement ukrainien, la Rada, d'un retour à la Constitution de 2004, qui accordait au président des pouvoirs moins importants que la Constitution actuelle.

PHOTO GENYA SAVILOV, AFP

Viktor Ianoukovitch

Obama parlera à Poutine

Le président des États-Unis Barack Obama et son homologue russe Vladimir Poutine vont se parler vendredi au téléphone, a annoncé un haut responsable américain, après la signature d'un accord de sortie de crise en Ukraine.

«Je peux confirmer qu'ils vont discuter», a déclaré ce responsable à l'AFP, sous couvert de l'anonymat et sans plus de précisions dans l'immédiat.

Plus tôt vendredi, la Maison-Blanche avait salué la signature d'un accord entre le pouvoir et l'opposition en Ukraine, et souhaité qu'il soit appliqué immédiatement.

Cet accord, qui vise à mettre fin aux violences qui ont ensanglanté le centre de Kiev cette semaine, «est cohérent avec ce que nous avons demandé, c'est-à-dire une fin de l'escalade de la violence, des changements constitutionnels, un gouvernement de coalition et des élections anticipées», avait remarqué le porte-parole de l'exécutif américain, Jay Carney.