Ole Jørgen Anfindsen se définit comme un «conservateur». Informaticien de métier, commentateur social par intérêt personnel, il rédige un blogue intitulé honestthinking.org. Il est heureux qu'on s'intéresse à ses points de vue depuis la tuerie d'Utøya, que les médias l'appellent, l'invitent à la télévision, à la radio...

Ce qui lui plaît moins, c'est le fait d'être devenu la cible de militants de gauche qui croient qu'on devrait le faire taire. C'est de se faire dire qu'il est l'ennemi de la liberté et de la démocratie. C'est d'être décrit comme un des visages d'un filon scandinave de droite, sombre, dangereux...

«Certains semblent plus intéressés par ceux qui n'ont tué personne, mais qui parlent, que par le gars qui a tué 77 personnes», lance-t-il en entrevue.

M. Anfindsen a un point de vue bien personnel sur la façon dont ont évolué la société norvégienne et le monde occidental en général depuis la dernière Grande Guerre. Hommes et femmes égaux? Races toutes égales? Selon lui, il ne faut pas accepter ces «hypothèses» sans poser de questions.

«Après 1945, on a réagi aux horreurs du nazisme en allant trop de l'autre côté», explique-t-il. «Moi, je veux éviter les excès. Je veux une société où on respecte la dignité de tous les humains, sans égard à la race, au sexe, à l'orientation sexuelle, etc. Mais une société où on accepte que la race ne soit pas une construction sociale. C'est une réalité biologique. Un fait de la vie très pertinent.»

M. Anfindsen croit, par exemple, que les programmes de discrimination positive sont basés sur des hypothèses qui sont fausses - par exemple, que certains groupes ont simplement besoin qu'on retire des barrières sociales pour leur permettre de réussir. Selon lui, nos sociétés modernes ont déterminé que toutes les races étaient égales parce que cela convenait à leur idéologie. «Mais ce n'est pas très sain, ça. Il faut chercher la vérité, même si elle est déplaisante.»

De la même façon, M. Anfindsen croit qu'il faut arrêter de dire qu'hommes et femmes sont identiques mentalement, émotionnellement ou intellectuellement. «J'ai été endoctriné par ça», note-t-il. «C'est une fausseté.»

Assassiner des femmes et lutter contre l'Eurobie

Sindre Bangstad, chercheur en socio-anthropologie à l'Université d'Oslo et spécialiste de l'extrême droite, a suivi le procès minutieusement, et a lu et relu le «manifeste» de 1518 pages écrit par le tueur.

Son analyse démontre que les théories sur l'Eurabie, qu'on trouve sur l'internet, sont les plus présentes dans son collage de textes. Selon différents auteurs qui propagent cette théorie, les bureaucrates de Bruxelles veulent transformer l'Europe en califat islamique. Le message de Breivik: il faut donc lancer une guerre civile pour débarrasser l'Europe des musulmans.

Un de ses auteurs préférés: Peder Are Nøstvold Jensen, un blogueur norvégien mieux connu sous le nom de Fjordman, qui écrit notamment sur les sites web Brussels Journal et Gates of Vienna, ouvertement antimusulmans (la référence à Vienne vient du fait que c'est là qu'ont été arrêtés les Ottomans en 1683).

Une autre cible: les féministes. «Autant chez Breivik que chez Fjordman, on lit qu'ils se sentent trahis par les féministes», explique Sindre Bangstad. Dans le manifeste de Breivik, note le chercheur, un des passages les plus inquiétants concerne l'assassinat nécessaire des femmes norvégiennes. «Il faut accepter l'idée de tuer des femmes, même des femmes très attirantes», écrit l'assassin. D'abord parce que, selon lui, elles sont plus sensibles, donc plus ouvertes aux alliances multiculturelles, et ensuite parce qu'elles ont des relations amoureuses et se marient parfois avec des étrangers. «La cruauté de Breivik, note le chercheur, est au-delà de notre capacité de comprendre.»