Le néo-nazi Anders Behring Breivik, auteur d'une tuerie qui a fait 77 morts en 2011, n'est pas traité de manière «inhumaine» en prison, a jugé mercredi la justice norvégienne, infirmant la condamnation inattendue de l'État norvégien l'an dernier.

«Breivik n'est pas et n'a pas été victime de torture ou de traitement inhumain ou dégradant», a indiqué la Cour d'appel d'Oslo dans un communiqué.

Dans un jugement de 55 pages, les trois magistrats ont estimé que l'isolement de Breivik depuis cinq ans et demi était justifié par sa dangerosité et par les risques de violences dont il pourrait faire lui-même l'objet.

L'extrémiste de 38 ans va interjeter appel devant la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays, a immédiatement annoncé son avocat, Oystein Storrvik.

Le 22 juillet 2011, déguisé en policier, Breivik avait traqué pendant plus d'une heure les participants à un camp d'été de la Jeunesse travailliste, piégés sur l'île d'Utoya, et abattu 69 d'entre eux, pour la plupart des adolescents. Un peu plus tôt, il avait tué huit personnes en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo.

L'auteur des crimes les plus sanglants de l'histoire norvégienne d'après-guerre reprochait à ses victimes de faire le lit du multiculturalisme. En août 2012, il a été condamné à une peine de 21 ans d'emprisonnement susceptible d'être prolongée indéfiniment.

Dans une décision qui avait stupéfié survivants et proches des victimes, un tribunal de première instance avait conclu en avril 2016 que la Norvège violait l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme bannissant tout traitement «inhumain» ou «dégradant».

La juge avait en particulier pointé l'isolement prolongé de Breivik, maintenu à l'écart des autres détenus depuis son arrestation, ce qui nuit à sa santé mentale selon son avocat.

L'État avait fait appel. En janvier, lors d'un nouveau procès délocalisé dans la prison de Skien (sud), où Breivik est incarcéré, ses représentants avaient fait valoir les mesures adoptées pour compenser son isolement, notamment ses trois cellules «douillettes» et ses multiples interactions avec, entre autres, les surveillants et un visiteur de prison.

Mercredi, les trois magistrats ont donné raison à l'État sur toute la ligne en rejetant aussi un appel déposé par Breivik. Celui-ci estimait qu'en exerçant un contrôle étroit de sa correspondance, la Norvège violait également l'article 8 de la Convention garantissant le droit à la vie privée.

Soulagement

«Je suis surtout content qu'il ait eu la possibilité de porter son affaire devant les tribunaux à deux reprises et que l'État de droit ait bien fonctionné», a réagi auprès de l'AFP un rescapé de la fusillade d'Utoya, Vegard Groslie Wennesland. «Cela dit, je suis bien sûr satisfait du jugement. Mais il est encore plus important de combattre l'idéologie que (Breivik) a endossée, qu'il endosse toujours et qui progresse actuellement en Europe», a-t-il ajouté.

L'ancien chef de la Jeunesse travailliste, Eskil Pedersen, qui avait aussi échappé au massacre, s'est également dit «satisfait». «Aujourd'hui, je pense à toutes les véritables victimes», a-t-il tweeté.

Breivik, qui avait ouvert le procès de janvier avec un provocateur salut hitlérien, n'a jamais exprimé de remords. Mais ses gestes et déclarations ne recueillent désormais qu'un écho limité en Norvège, nation paisible et prospère qui cherche à refermer ce chapitre douloureux de son histoire.

Pendant l'examen de l'appel, le Procureur général chargé de représenter l'État, Fredrik Sejersted, avait décrit un «prisonnier VIP», en bonne santé physique et psychologique, supportant très bien son régime carcéral.

Ses trois cellules de plus de 10 m2 chacune sont notamment équipées de téléviseur avec jeux vidéo et lecteur DVD, d'un ordinateur (sans connexion internet) et d'appareils de musculation.

Breivik affirmait, lui, que son isolement contribuait à le radicaliser encore davantage.

L'absence de contacts avec des personnes autres que des professionnels rémunérés pèse sur sa santé mentale, avait aussi souligné son avocat, M. Storrvik.

La Cour d'appel d'Oslo a dit ne pas voir de «signes clairs de séquelles liées à l'isolement». Elle a cependant invité les autorités pénitentiaires à réfléchir à des moyens de permettre des contacts entre Breivik et d'autres détenus.

Si la Cour suprême accepte l'appel du tueur, la procédure ne sera pas publique et se tiendra en son absence. Me Storrvik s'est dit prêt à aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg.