Des jeunes Norvégiens blessés dans la fusillade d'Utoya ont décrit mardi à la barre la longue tuerie à laquelle s'est livré l'été dernier l'extrémiste de droite Anders Behring Breivik, confiant leur incrédulité initiale avant de réaliser l'ampleur du bain de sang.

«On se disait que c'était un mauvais film d'horreur», a témoigné Eirin Kristin Kjaer au 22e jour du procès de Breivik, jugé pour la mort de 77 personnes le 22 juillet 2011.

Aujourd'hui âgée de 20 ans, la jeune femme a expliqué avoir pris la fuite dès les premiers coups de feu.

Elle se réfugie avec d'autres sur la berge. Ayant changé de place avec une amie qui se sentait trop exposée -aujourd'hui encore, elle se dit heureuse de l'avoir fait-, elle est touchée au ventre, au bras, au genou et à la cage thoracique.

«J'ai eu le sentiment que mon estomac explosait. Ça faisait terriblement mal», a-t-elle expliqué.

Puis elle se remet à courir, hurle: «s'il te plaît, ne me tire pas dessus, je ne veux pas mourir», mais finit par s'asseoir, résignée à la mort et ne prenant même pas la peine de tenter d'arrêter ses saignements.

Parmi les participants du camp d'été de la Jeunesse travailliste, 69 n'auront pas sa chance et périront sur l'île d'Utoya, près d'Oslo, ce jour-là.

Voyant la panique de ses camarades, Espen Myklebust, solide gaillard de 18 ans, a raconté s'être jeté à l'eau comme beaucoup d'autres avant d'être atteint d'une balle dans le dos.

N'ayant pas la force de traverser le lac, il nage le long de la rive puis jusqu'à un bateau. Le bateau est plein et on lui donne un gilet de sauvetage. Exténué, un ami s'accroche à lui jusqu'à ce qu'une embarcation de la police les repêche.

Breivik était «glacial» et «avec un visage inexpressif» : «il était aussi calme qu'une personne peut l'être. Il se déplaçait comme si de rien n'était».

Mais Espen Myklebust dit aussi l'avoir vu sourire. «D'un large sourire», a-t-il précisé.

Même s'il reconnaît les faits, Breivik plaide non coupable, estimant son geste était «cruelle, mais nécessaire» pour protéger la Norvège contre ceux qui, selon lui, la livrent à l'islam et au multiculturalisme.

Avant la fusillade d'Utoya, l'extrémiste, aujourd'hui âgé de 33 ans, avait fait exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, faisant huit morts.

Mardi, trois autres rescapés d'Utoya ont raconté leur histoire déchirante.

Touché par cinq balles, dont une à la tête, Viljar Hanssen, aujourd'hui âgé de 18 ans, a décrit l'angoisse d'être séparé de son frère de 14 ans sur l'île -il s'en sortira indemne- le 22 juillet dernier.

Dans un témoignage empreint d'émotion, mais aussi d'humour, il a expliqué comment il s'était maintenu en vie en pensant à ce qu'il aime -«les filles et la motoneige»-: «la mort n'était pas une alternative», a-t-il dit.

Cathrine Troennes Lie a, elle, perdu sa soeur de 16 ans, tuée de trois balles sur Utoya. La dernière fois qu'elles se sont vues, elles ont levé le pouce et ont échangé un sourire pour se dire que tout irait bien.

«L'enfer s'est déchaîné», a cru Cathrine quand elle a repris ses esprits et regardé autour d'elle après avoir été touchée de deux balles, dont l'une lui a perforé un poumon.

L'autre témoin, une jeune fille de 18 ans, a fait sourire le public, mais aussi Breivik en confiant qu'elle souhaitait aujourd'hui travailler dans la psychiatrie ou comme gardienne de prison.

L'une de ces deux institutions est promise à l'extrémiste en fonction des conclusions des juges sur sa santé mentale.