N'ayant dû leur salut qu'à leur fuite à la nage, à une cachette judicieuse ou bien simplement à la chance, les rescapés de la fusillade d'Utoeya sont retournés samedi sur la petite île norvégienne où 69 de leurs camarades ont péri il y a un mois.

«J'avais envie de revenir à Utoeya pour pouvoir en garder un souvenir autre que ce qui s'est passé le 22 juillet, quand tout n'était que cris, panique, angoisse», a confié Per Anders Langeroed, qui a échappé à Anders Behring Breivik en se cachant dans les rochers, puis en se jetant à l'eau.

«Ce retour m'a fait beaucoup plus de bien que ce que je croyais», a dit cet homme de 25 ans à la radio NRK. «C'était particulièrement important de voir où mes amis disparus ont passé leurs derniers instants», a-t-il ajouté.

Extrémiste hostile à l'islam et au multiculturalisme, Behring Breivik, 32 ans, avait débarqué le 22 juillet sur Utoeya où se déroulait un camp d'été de jeunes travaillistes.

Déguisé en policier, il avait attiré les jeunes à lui, disant vouloir les informer de l'attentat à la bombe qu'il avait lui-même déclenché quelques instants plus tôt dans le quartier des ministères, faisant huit autres morts.

Armé d'un fusil semi-automatique et d'un pistolet, il avait alors ouvert le feu sur les adolescents, traquant les fuyards et achevant les blessés, méthodiquement et calmement selon les témoignages, une tuerie qui avait duré plus d'une heure.

Jeudi, le tribunal d'Oslo a prolongé d'un mois son placement en isolement total, un traitement que le tueur a qualifié de «torture sadique».

Véritable miraculé, Adrian Pracon, 21 ans, a lui aussi choisi de revenir sur les lieux du crime même si, comme il l'a écrit sur Twitter, cela devait «être le deuxième pire jour de (sa) vie».

«Je sais que ça va être une journée très dure à vivre, mais je sais aussi que cela permettra d'alléger mon fardeau à l'avenir», a-t-il confié au téléphone à l'AFP du car qui l'emmenait vers Utoeya, à environ 40 km d'Oslo.

Sur la petite île de 0,12 km2, il a rencontré Behring Breivik à deux reprises .

La première fois, c'était après qu'il eut renoncé à fuir à la nage : s'étant jeté à l'eau tout habillé, il avait rebroussé chemin voyant qu'il n'arriverait pas à nager jusqu'aux rives du lac.

«Quand je suis revenu sur la berge, il était là, à cinq ou dix mètres de moi, en train de tirer sur ceux qui essayaient de s'enfuir en nageant. Il s'est retourné et a pointé son arme sur moi», explique-t-il.

«J'étais épuisé, tout ce que j'ai réussi à dire, c'est +ne tire pas+. Il a semblé réfléchir un moment, puis il est reparti», se souvient-il.

La seconde rencontre s'est produite quelques minutes plus tard, quasiment au même endroit où plusieurs autres jeunes s'étaient alors massés.

«J'étais allongé et je faisais le mort. Il m'a tiré dessus pour s'assurer que j'étais bien mort. Je pense qu'il visait la tête, mais il m'a raté et j'ai été atteint à l'épaule», précise Adrian.

Selon la Sécurité civile norvégienne qui organisait la visite, 750 personnes, des survivants accompagnés de leurs proches, se sont manifestées pour se rendre -pour la première fois depuis le drame- sur Utoeya, fermée pour l'occasion à la presse.

Le Premier ministre norvégien Jens Stoltenberg, qui a lui aussi pris part à la visite, s'est engagé, selon NRK, à passer une nuit sur l'île pendant le prochain camp d'été en 2012.

Sur place, un important dispositif de soutien a été déployé avec médecins, psychiatres, pasteurs et imams, comme ce qui avait été déjà fait vendredi au moment de la visite de quelque 500 proches des victimes.

Dimanche, une journée de commémoration nationale est prévue en Norvège avec un concert réunissant les principaux artistes du royaume, auquel assisteront la famille royale, les chefs des gouvernements des pays nordiques, des familles de victimes et des survivants.